Évangile du dimanche 25 novembre 2018

Fête du Christ-Roi (année B), selon l’écrit de Jean (18, 33-37)

Du pain sur la table

33 Pilate entre à nouveau dans le prétoire;
il appelle Jésus et lui dit:
Toi, tu es le roi des Juifs?

34 Jésus répond:
Dis-tu cela de toi-même ou d’autres te l’ont-ils dit de moi?

35 Pilate répond:
Est-ce que moi, je suis Juif?

36 Ta nation et les grands-prêtres t’ont livré à moi: qu’as-tu fait?
Jésus répond:
Le règne qui est le mien n’est pas de ce monde.
Si mon règne était de ce monde,
mes serviteurs combattraient pour que je ne sois pas livré aux Juifs.

37 Mais en fait mon règne n’est pas d’ici.
Pilate lui dit:
Ainsi tu es roi?
Jésus répond:
Tu dis, toi, que je suis roi.
Moi, c’est pour cela que j’ai été engendré
et pour cela que je suis venu dans le monde:
pour témoigner de la vérité.
Quiconque est de la vérité écoute ma voix.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Nous achevons l’année liturgique par la fête du Christ-Roi.
Ce choix est tout un enseignement:
il nous dit que l’essentiel de la foi chrétienne est dans la reconnaissance de Jésus comme roi-messie.
Mais que signifie cette royauté? Comment s’exerce-t-elle?
Doit-elle se traduire dans la société par une sorte de chrétienté?
Il nous faut vérifier le sens que Jésus lui-même a donné à ce titre de roi
et voir comment cela s’applique aujourd’hui.

La place du texte dans le récit de Jean
Notre texte se situe dans un ensemble
qui décrit la comparution de Jésus devant Pilate (Jn 18,28-19,16).
Après la comparution de Jésus devant Caïphe, le grand-prêtre juif, on le conduit au prétoire.
Un interrogatoire s’instaure alors entre le gouverneur romain et le rabbi Jésus.
Il se terminera par l’acquiescement de Pilate à la volonté des chefs juifs:
Alors il leur livre Jésus pour qu’il soit crucifié  (Jn 19,16).
L’interrogatoire est rythmé par les allées et venues de Pilate
entre l’intérieur du prétoire et le dehors où se tient la foule.
Au centre du récit se trouve le face à face entre Jésus et les soldats romains.
Cette scène décrit la parodie de couronnement de Jésus.
Sa place, au centre de la description, indique sans doute son importance.
Dans les récits de la passion de Matthieu et de Marc,
cette même scène vient mettre un terme à la rencontre avec Pilate
et elle sera aussitôt suivie de la marche de Jésus vers le lieu de la crucifixion.
On peut donc dire qu’elle vient comme schématiser la passion de Jésus
et nous dire comment les contemporains de Jésus ont accueilli le roi-messie.
L’évangile apocryphe de Pierre attribue d’ailleurs cette scène à la foule juive:
«Hérode livra Jésus au peuple. …
Or, eux, ayant pris le Seigneur, le poussaient en courant et disaient:
«Traînons le fils de Dieu puisque nous avons pouvoir sur lui.»
Et ils l’enveloppèrent de pourpre et le firent asseoir sur le tribunal en disant:
« Juge avec équité, roi d’Israël. »
Et l’un d’eux, ayant apporté une couronne d’épines la mit sur la tête du Seigneur.
Et d’autres assistants lui crachaient au visage et d’autres le giflaient
» (Évangile de Pierre 7).
La question qui se pose depuis cette mise en croix est donc la suivante:
pourquoi a-t-on rejeté avec tant de hargne ce prétendant au titre de roi-messie?

Le décor de notre récit: les lieux et les personnes.

  • La scène se déroule à Jérusalem dans le prétoire.
    Ce mot désigne à l’origine la résidence du ‘préteur’, magistrat romain qui était chargé de la justice.
    Celui-ci avait aussi des pouvoirs militaires qui lui permettaient de faire exécuter ses sentences.
    Le gouverneur de la Judée -qui était alors Ponce Pilate- possédait ces fonctions.
    Son lieu habituel d’habitation était la ville de Césarée.
    Mais il venait à Jérusalem pour les fêtes de la Pâque
    qui voyaient affluer de nombreux pélerins dans la ville sainte.
    On parle de plusieurs centaines de milliers de pélerins par année!
    En raison de la foule nombreuse, les fêtes pouvaient être utilisées par des émeutiers
    qui s’insurgeaient contre la colonisation de leur pays par Rome.
    Il y avait donc toujours risque de troubles ou d’émeutes
    et le gouverneur voulait être prêt à intervenir.
    Le lieu précis du prétoire est incertain:
    il a pu être la citadelle qu’Hérode avait fait construire à l’ouest de la ville
    ou la forteresse de l’Antonia, qui se trouve proche du Temple.
    Les Juifs ne veulent pas pénétrer dans la demeure de ce païen qu’est Pilate,
    car ils se souilleraient et ne pourraient sacrifier l’agneau de la fête de la Pâque
    qui va commencer au soir de cette journée.
    C’est pourquoi Pilate devra faire l’allée et venue entre le prétoire et la place publique.
  • Qui est Pilate?
    Les écrits des historiens nous disent qu’il fut gouverneur de l’an 26 à l’an 36.
    Les Juifs Philon et Flavius Josèphe, ainsi que le Romain Tacite,
    ont laissé de lui une piètre description:
    il était un être cruel, capable de tous les crimes, traitant les Juifs avec mépris.
    Trois ans après la mort de Jésus, le légat romain de Syrie, Vitellius, le fit destituer par l’empereur
    parce qu’il avait réprimé avec brutalité un soulèvement populaire en Samarie.
  • Quel était le pouvoir des chefs juifs?
    La répartition des pouvoirs entre le procurateur romain et les chefs des prêtres nous est mal connue.
    Rappelons d’abord que le grand-prêtre juif était nommé par l’empereur
    et pouvait être destitué par lui.
    C’est d’ailleurs ce qui arrivera à Caïphe
    qui sera démis de ses fonctions et déporté à Rome, en même temps que Pilate.
    Tous deux finiront peut-être leur vie en Gaule.
    Certains historiens pensent que le droit de mort était réservé aux Romains.
    C’est ce que confirmerait la réponse des Juifs à Pilate:
    Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort  (Jn 18,31).
    Il pouvait peut-être y avoir des exceptions prévues: notamment celle de mettre
    à mort tout « non-juif » qui pénétrait dans l’enceinte sacrée du Temple.

Quel est le motif de l’accusation de Jésus?
Pilate pose, comme première question, directement le motif
pour lequel on lui a amené Jésus: Es-tu le roi des Juifs?
Que pouvait signifier ce titre pour un Romain?
Dans le contexte de colonisation que vit le peuple d’Israël,
revendiquer le titre de roi des Juifs était un crime de lèse-majesté envers l’empereur.
Le seul maître du pays est Tibère, l’empereur romain.
Or on sait qu’à l’époque de Jésus la révolte grondait.
Des soulèvements éclataient périodiquement, qui étaient vite réprimés par Rome:
comme ceux de Theudas et de Judas de Galilée dont parlent les Actes des Apôtres.
Le Pharisien Gamaliel s’adressera au Sanhédrin en ces termes:
Ces derniers temps, on a vu surgir Theudas:
il avait rallié environ quatre cents hommes; lui-même a été tué…
On a vu surgir ensuite Judas le Galiléen, à l’époque du recensement:
il avait soulevé du monde à sa suite; lui aussi a péri…
  (Ac 5,36-37).
Il y eut aussi l’insurrection dirigée par le Pharisien Saddoq
qui sera à l’origine du mouvement zélote,
mouvement qui organisera plus tard la révolte de Jérusalem en 66:
ce qui aboutira malheureusement à une riposte sévère de Rome
et à la destruction du Temple en l’an 70.
Mais Pilate pouvait-il craindre ce rabbi prétendant à la royauté
qui, comme le dit André Chouraqui, n’a rien « d’un foudre de guerre »?
Il semble que, dans un premier temps,
Pilate n’a aucune peur de l’humble prêcheur que lui paraît Jésus.
Il dira clairement qu’il ne trouve en lui aucun motif de condamnation  (Jn 19,4).
Mais, après avoir entendu l’accusation qu’il devait mourir
parce qu’il s’est fait fils de Dieu
  (19,7), voici que Pilate s’effraye.
Fils de Dieu, d’une certaine façon les Juifs le sont tous, et tout spécialement le roi-messie.
Mais, pour un Romain, ce titre de fils de Dieu était réservé à l’empereur.
Chaque empereur était divinisé.
Est-ce alors la crainte du divin qu’éprouve Pilate devant cet homme Jésus?
Ou la crainte de l’empereur
qui pourrait prendre au sérieux cette revendication de Jésus d’être divin?
Ce titre divin appartient en propre à l’empereur qui ne saurait le partager avec un Juif.
Ce sera probablement la crainte d’être dénoncé à l’empereur
qui va convaincre Pilate de livrer Jésus:
Les Juifs se mettent en effet à crier: Si tu le relâches, tu n’es pas l’ami de César;
quiconque se fait roi s’oppose à César (Jn 19,12).
Dans un tel contexte, on peut comprendre que la revendication du titre de roi-messie
pouvait être dangereuse aux yeux des autorités juives.
Les prêtres pouvaient en effet craindre que Jésus soulève la foule contre Rome.
L’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem au jour des Rameaux
aura pu alimenter cette crainte.
Le récit de Jean donnera le même écho à la suite de la réanimation de Lazare:
Les grands-prêtres et les Pharisiens réunirent un conseil et dirent:
«Que faisons-nous? Cet homme opère beaucoup de signes.
Si nous le laissons continuer ainsi, tous croiront en lui,
les Romains interviendront et ils détruiront notre saint Lieu et notre nation.»
L’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand-prêtre, dit:
«Vous ne comprenez rien et vous ne réfléchissez même pas que votre avantage,
c’est qu’un seul homme meure pour le peuple
et que la nation ne périsse pas tout entière»
  (Jn 11,47-49).

Comment Jésus répond-il à cette accusation?

Le règne qui est le mien n’est pas de ce monde  (Jn 18,36).
Quel sens devons-nous donner à cette parole?
Cela signifie-t-il que le règne du Christ est céleste et qu’il ne concerne pas l’histoire humaine?
Tout le message de Jésus semble réfuter cette compréhension.
Il n’a cessé de prêcher que le règne de Dieu était tout proche et qu’il fallait y entrer dès maintenant.
Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché:
convertissez-vous et croyez à l’Évangile
  (Mc 1,15).
Il a répété que ce règne était pour les petits et les pauvres.
Heureux, vous les pauvres: le Règne de Dieu est à vous  (Lc 6,20).
Toute la tradition juive envisage que Dieu règne sur cette vie terrestre.
Depuis que Dieu a fait alliance avec Israël,
son peuple ne devrait pas avoir d’autre roi que Dieu (cf. Ex 19,6, Jg 8,23 et 1S 8,7):
Moïse avait mis des juges à la tête du peuple.
Mais le peuple va demander d’avoir un roi comme les autres peuples.
Le juge Samuel finira par donner un roi humain au peuple de Dieu en consacrant Saül,
puis David, afin qu’il soit -par cette onction- le roi re-présentant Dieu,
le messie lieu-tenant de Dieu, de Dieu qui demeure le vrai Roi.
Le règne de Dieu -et celui de Jésus son messie- est donc de ce monde-ci.
Il faudrait plutôt entendre le mot « monde » de la manière dont Jésus en parle
lors du dernier repas, dans sa prière pour ses disciples:
Je leur ai fait don de ta parole et le monde les a pris en haine
parce qu’ils ne sont pas du monde comme moi je ne suis pas du monde.
Je ne demande pas que Tu les retires du monde mais que Tu les gardes du malin.
Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde
  (Jn 17,14-18).
C’est donc dans ce monde-ci que le règne de Dieu doit venir, sur terre comme au ciel,
mais ce règne de Dieu ne ressemblera pas au règne des rois de ce monde.
Si le règne de Jésus ressemblait à ceux des autres rois,
Jésus se serait défendu pour ne pas être livré (cf. 18,36).
Mais le pouvoir de son règne ne s’établit pas sur la violence et la force.
Les autres récits évangéliques le précisent:
Vous le savez, les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir
et les grands sous leur domination. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous.
Au contraire si quelqu’un veut être grand, qu’il soit votre serviteur
et si quelqu’un veut être le premier parmi vous qu’il soit votre esclave.
C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu non pour être servi mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour la multitude
  (Lc 20,25-28).
Rappelons le repas des pains multipliés qui avait soulevé l’enthousiasme des foules:
À la vue du signe qu’il venait d’opérer, les gens dirent:
«Celui-ci est vraiment le Prophète, celui qui doit venir dans le monde.»
Mais Jésus, sachant qu’on allait venir l’enlever pour le faire roi,
se retira à nouveau, seul, dans la montagne
  (Jn 6,14-15).
Jésus refuse d’être un roi-messie tel que la population le souhaite.
Le récit des tentations au désert nous donne une sorte de résumé dramatique
de ce choix de Jésus.
«Jésus refuse le pouvoir politique,
comme il refuse le pouvoir magique ou la gloire miraculeuse.
Ce refus n’est pas provoqué par un sentiment d’humilité:
il est un choix et un choix douloureux. [Car] Jésus sait la misère du peuple:
il multiplie les pains parce qu’il a pitié. Jésus éprouve la honte du peuple:
il sait ce que veut dire l’occupation par une puissance étrangère
et il est dur à l’égard du collaborateur [qu’est le roi] Hérode.
Jésus mesure les conséquences de son refus.
Il ne sera pas le messie qui délivre, il ne sera pas le messie qui chasse l’occupant,
il ne sera pas le messie qui gouverne dans l’abondance économique,
il ne sera pas le messie qui foudroie l’ennemi. Jésus sait qu’il déçoit.
Jésus se laisse identifier comme messie
mais il n’en tire aucune conclusion conforme aux désirs de ses contemporains»

(C. Duquoc, Assemblées du Seigneur 65, p. 70).

Tu dis, toi, que je suis roi. Moi, c’est pour cela que j’ai été engendré
et pour cela que je suis venu dans le monde: pour témoigner de la vérité.

Selon la vision de Jésus, le roi-messie n’est donc pas roi à la manière « mondaine ».
Sa tâche « divine » est de témoigner de la vérité: J’ai été engendré pour témoigner de la vérité.
Comment comprendre cela?
Selon la vision biblique, le fait d’engendrer un enfant
n’est pas d’abord une réalité physique mais une réalité spirituelle.
Si le père engendre son enfant, c’est d’abord en lui transmettant la Tora.
Et lorsque l’enfant devient adulte, à l’âge de 13 ans, il devient un bar-mitsva,
un fils de la Tora qui sera directement enseigné par son véritable père: Dieu.
Or le roi-messie est lui aussi un fils de Dieu, engendré par la Tora
dont il a charge de la faire respecter par tous.
Le roi-messie, premier responsable de la Tora, est façonné par la sagesse de Dieu:
il vit selon l’esprit de Dieu qui le fait agir en communion avec Dieu.
Il est donc tout spécialement engendré par Dieu.
Puisque Dieu est le Roi et le Père de son peuple,
le roi-messie est le premier-né des fils de Dieu:
Il m’invoquera: «Tu es mon père, mon Dieu, le roc de mon salut.»
Aussi moi [Dieu] je ferai de lui un premier-né, le plus haut des rois de la terre.
À jamais je lui garderai ma fidélité
  (Ps 89,27-29).
Le psaume intronisant le roi-messie lors de sa consécration chantait sa filiation:
Moi [Dieu], j’ai sacré mon roi sur ma montagne sainte. …
Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré
  (Ps 2,6-7).
Jésus, comme messie, a donc pour tâche principale de transmettre la Tora,
et de l’interpréter pour qu’elle soit vraie Parole de Dieu pour l’aujourd’hui:
une parole qui doit se traduire en geste dans la vie quotidienne.
C’est cette parole-à-faire qui est appelée la vérité.
Le mot hébreu émet (qu’on traduit par vérité) vient d’un verbe
qui veut décrire ce qui est solide et qui demeure.
C’est le sens de Amen: «Cela est vrai parce que cela s’appuie sur Dieu qui est roc.»
La vérité, c’est Dieu lui-même à travers sa parole.
Être vrai, c’est donc vivre en conformité aux préceptes reçus du Père Divin.
Quiconque est de la vérité écoute ma voix  (Jn 18,37).
Dans sa prière au Père, Jésus évoque ce qu’est sa tâche:
Consacre-les dans la vérité. Ta parole est vérité  (Jn 17, 17).
Voilà la mission la plus profonde, la plus réelle du roi-messie.
Voilà sa tâche essentielle: transmettre la vérité qui vient du Père
et la faire vivre dans le quotidien de l’existence:
C’est pour cela que je suis venu dans le monde: pour témoigner de la vérité.
Jésus est celui qui nous conduit vers une vie vraie parce qu’elle sera fidèle à l’esprit de Dieu.
Par cette transmission de la Vérité qui vient de Dieu,
Jésus fait de ses disciples, non des serviteurs mais des amis  (Jn 15,14-15),
parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
Au soir du Dernier Repas,
Jésus avait dit: Je suis le chemin vers la vérité de la vie
  (Jn 14,6).
Chemin vers la Vérité, il l’est par son enseignement:
son évangile est parsemé de paraboles qui décrivent le vrai visage de Dieu.
Ce sont notamment celle du Père aux deux fils,
et celle du Maître de la vigne avec les ouvriers de la onzième heure,
Or, à travers le père et le maître de la vigne, Jésus nous enseigne
que Dieu est davantage un Dieu-amour qu’un Dieu-juge.

Mais c’est aussi par les gestes de sa vie que Jésus est chemin vers la vérité.
C’est au soir du geste du lavement des pieds que Jean fait dire à Jésus:
Qui me voit, voit le Père  (Jn 14,9).
Or Jésus accomplit ce geste de tendresse (laver les pieds),
alors même qu’il dit à Pierre qu’il sait qu’il va le renier.
Ainsi Pierre pourra se souvenir que Jésus lui a par avance pardonné.
C’est ainsi que Jésus témoigne de la vérité de Dieu, de son vrai visage.
Dans ce geste inouï du lavement des pieds, Jésus révèle la vraie grandeur
d’un Dieu qui n’est qu’Amour. Et il va donner ce témoignage d’un Dieu
qui n’est qu’Amour, jusqu’au don de sa vie sur la croix.
On peut dire que c’est à la Croix que Jésus est le témoin par-fait de Dieu.
Car si Jésus s’est montré impuissant devant la violence de ses adversaires,
devant le reniement de Pierre, la trahison de Judas et l’abandon des disciples,
c’est parce que ce Dieu-Père n’est qu’amour
et qu’il se veut lui-même « impuissant » contre le mal.
Il refuse de venger sa gloire s’il doit pour cela employer quelque violence que ce soit.
Ce qui ne veut pas dire que Jésus soit indifférent au mal.
Au contraire, il ne cessera de dénoncer tout ce qui peut défigurer l’être humain.
Il se fera proche des pauvres, des rejetés.
Il demandera avec force au riche de partager.
Mais il ne fera rien qui puisse priver quiconque de sa liberté.

Cette image de Dieu n’est-elle pas la raison fondamentale du rejet de Jésus?
Si l’image d’un Dieu qui accepte d’être rejeté, bafoué, humilié,
-perçu comme impuissant- est la vérité dont témoigne Jésus,
cette image était sans doute un blasphème aux yeux des responsables juifs.
Pierre lui-même ne l’a-t-il pas difficilement admise?
au point de se faire traiter de satan par Jésus:
Retire-toi! Derrière moi, Satan! Tu es pour moi occasion de chute,
car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes
  (Mt 16,23).
Mais au-delà du Sanhédrin et de Pilate, au-delà des disciples et de la foule,
la mort de Jésus sur la croix est le fait de la multitude humaine
lorsqu’elle refuse de choisir la bonté et la réconciliation
et préfère établir le monde sur une justice qui s’édifie sur des moyens de violence.
Face à la violence des règnes de ce monde,
Dieu n’a pas d’autre réponse que celle donnée par Jésus: livrer sa vie.
Jacques Duquesne, dans son livre Le Dieu de Jésus, tente cette explication:
«Comment Dieu a-t-il pu permettre Auschwitz?
Pourquoi n’a-t-il pas volé au secours des siens?
Je comprends cette question, j’en saisis toute la gravité,
mais elle m’a depuis longtemps surpris.
Si Dieu n’a pas empêché Auschwitz, ni aucun génocide, ni aucun des malheurs du monde,
ce n’est pas parce qu’il ne le voulait pas, c’est parce qu’il ne le pouvait pas.
Cette idée est difficilement admissible, je le sais.
La conception d’un Dieu tout-puissant, capable de tout, est ancrée dans les esprits.
Ce qui n’est pas surprenant car c’est une conception infantile.
Dieu, certes, ne se désintéresse pas de l’homme.
Il souffre avec lui, il com-patit.
Mais il s’interdit toute atteinte à sa liberté. Il aide, et il attend.
« L’amour est patient », dit Paul (1Co 13,4)»
(Grasset 1997, p. 97).
Alors faut-il encore parler d’un Christ-roi?
Peut-on encore parler d’un Christ-roi?
Oui… si la parole de Jésus -telle que vécue par ses disciples d’aujourd’hui- est encore
et toujours une parole d’espérance pour l’opprimé,
une parole d’appel à la conversion pour l’oppresseur.
Mais ce message de libération, l’Église des disciples ne pourra jamais l’imposer par la force.
Elle ne pourra qu’en témoigner par la vie de ses communautés
et par l’engagement de ses membres dans la cité humaine.
«Jésus est roi, là où l’être humain se convertit,
là où il renverse la table des valeurs reçues:
mieux vaut être pauvre qu’exploiter les autres,
mieux vaut être persécuté que persécuteur,
mieux vaut être doux que violent.
Aucune structure sociale ne produit de soi ce renversement»
(C. Duquoc, idem, p. 77).
Un tel renversement ne peut se faire que par la force de l’amour de Dieu,
puisé en Jésus son premier-né,
Celui que Dieu a engendré pour témoigner de cette vérité.

Georges Convert

 

»»» Questions

1. Quel est le motif de l’accusation portée contre Jésus?
2. Quel rôle le messie devait-il jouer selon les traditions juives?
3. Comment Jésus répond-il à l’accusation portée dontre lui?
4. Faut-il encore parler d’un Christ-Roi? Comment faire comprendre la vraie royauté de Jésus?

 

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