Mon grain de sel

Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 21 juillet 2019

par Mario Bard

Écouter d’abord, servir en abondance ensuite

Ce texte est toujours très difficile à comprendre pour nous, sûrement à cause d’une lecture un peu trop littérale et collée sur les personnages. Sans oublier toute la misogynie qui voguait dans la tête de commentateurs masculins, avec les ingrédients qui font dire n’importe quoi au texte. Et si chacun – homme ou femme – se mettait à la place de Marthe ou bien de Marie? Et si nous décidions de comprendre le texte, non pas au niveau de l’action au détriment de la contemplation, mais plutôt, au niveau de l’attitude même de Marthe, ce qui expliquerait « la meilleure part » qu’obtient Marie?

Dans leur livre Marthe et Marie en concurrence? (Médiaspaul, 2012), les auteures Pierrette Daviau et Élisabeth Parmentier indiquent en introduction que la lecture féministe du XXe siècle ne considère plus « Marthe comme la cuisinière, mais comme une femme diacre, dont le “service” est un ministère ecclésial. Le récit lucanien devient une interrogation sur le ministère ecclésial des femmes. »

À mon avis, cette lecture est fort pertinente, considérant que le pape a lui-même créé en 2016 une Commission qui doit étudier la question du diaconat féminin. Mais plus en avant, et ce pour tous les ministères qui sont présents, créées ou même parfois, invisibles dans l’Église, c’est d’abord un esprit de service permanent et sans limites qui doit présider la manière d’être chrétien. Encore une fois, le pape François insiste. Le mardi 11 juin dernier, alors qu’il prononçait l’homélie de la messe quotidienne à Sainte-Marthe, il invitait les chrétiens « à servir et non pas
à se servir de ».

Voici ce qu’en dit un article de Radio-Vatican :

« La vocation est de servir, non de “se servir de”
En ce mardi 11 juin, où l’Église fait mémoire de saint Barnabé, le Pape a choisi de commenter un passage de l’Évangile selon saint Matthieu (10, 7-13) sur la mission des apôtres et de chaque chrétien. “Un chrétien ne peut rester en place”, car la vie chrétienne consiste “à faire route, toujours”, rappelle le Pape en commentant ces paroles de Jésus : “Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons”. Voici donc en quoi consiste la mission : il s’agit d’une vie de service. »

Je sais, cette réponse ne donne pas la clé de compréhension pour saisir le mystère de la phrase de Ieshoua : « Marie a choisi la meilleure part et elle ne lui sera pas enlevée. » Alors, peut-être que la clé se trouve dans le « tumulte », l’inquiétude et le tiraillement que vit Marthe. Elle sert : très bien. Mais, dans quel esprit le fait-elle? Est-ce que son intention est que ce service soit gratuit – comme le pape invitait également à être dans son homélie du 11 juin dernier –, ou bien ce service se déroule-t-il dans un esprit d’esclavage forcé? Ce service est-il nourri de la Parole de la Trinité sainte, ou bien se déroule-t-il dans l’espoir secret d’à son tour être servi?

Encore une fois, c’est l’Esprit qui conduit Marie à se mettre au pied du maître et à d’abord écouter celui-ci. Et, ce que l’on soit un homme ou bien une femme. Chez le Dieu des chrétiens, servir est d’abord un acte gratuit, qui ne cherche pas d’abord sa propre gloire ou bien son propre avancement, mais qui sert d’abord à servir l’humanité et la terre avec joie et bonté. Le reste – gloire, avancement, richesse, joies, fêtes, etc. – n’est qu’un pâle reflet du ciel qui peut s’accomplir si nous y croyons, et pour tous.

Il se peut aussi que nous finissions sur la croix – les croix sont nombreuses et variées en notre monde – et que notre don total sauve l’humanité. Imiter Ieshoua, c’est d’abord se mettre à ses pieds et l’écouter chaque jour. Imiter Ieshoua, c’est d’abord se laisser aimer par lui, l’Esprit et son Dieu, miséricorde à l’infini. Pour ensuite partir servir avec le cœur léger et heureux d’abord de servir la construction d’un Royaume qui ne fait que commencer. En opposition de celui des puissants qui divise et détruit, celui de Ieshoua a le pouvoir de réunir, de créer, de construire, de donner la vie aux morts.   

Mario Bard

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