Mon grain de sel

Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 13 mars 2016

par Mario Bard.

Apprendre, de jour en jour.

Il est difficile le chemin de la bonté. Les obstacles rencontrés sont parfois majeurs. Savoir les éviter est tout un art, comme dans une rue de Montréal au printemps : pleine de nids de poule! Je pense en particulier à une portion de la rue Bélanger tout près de Papineau, dans Rosemont-la-Petite-Patrie. À croire que des bombes y sont tombées… J’ai même failli frapper une autre voiture en voulant éviter un « cratère », et il m’est aussi arrivé d’avoir à klaxonner afin d’éviter l’autre conducteur d’une catastrophe imminente contre ma voiture.

Dans le cas de la bonté, klaxonner n’est pas toujours une solution. Si cela est utile afin d’éveiller une personne endormie dans ses ténèbres, à la longue, les cris et avertissements finissent par avoir l’effet d’un somnifère.

La bonté est l’un des chemins les plus difficiles qui soient. Elle requiert patience, attente, pleurs, et un amour qui dépasse l’égoïsme présent sur la surface de nos cœurs, comme les herbes sur un lac qui empêche la lumière d’y entrer. Le cœur, étang d’un pays quatre saisons, ne peut pas toujours laisser son fond dans la noirceur. La lumière vient quand la bonté se manifeste en quatre saisons. Abondance de l’été, couleurs éclatantes de l’automne, repos de l’hiver et résurrection du printemps.

Pour se manifester, la bonté a besoin elle-même d’être donnée par quelqu’un à quelqu’un. Un cadeau de la gratuité de l’amour. Celui qui la donne s’est d’ailleurs entrainé plusieurs années pour y arriver. Au prix de sacrifices et de pleurs, d’attente patiente et surtout – surtout! – de conversations franches avec le Dieu de l’Évangile.

À ce prix, paradoxalement, il finit par atteindre la gratuité d’un amour puisé dans la source inaltérable d’un Dieu qui N’est qu’Amour.

Comme l’artiste qui, à force de répéter, et répéter, et répéter, finit par atteindre la pleine mesure d’un geste donné au public venu écouter l’histoire qu’il raconte. À ce prix – paradoxal tout de même de parler de prix –, il atteint la gratuité.

Les anciens et les scribes d’Israël venu livrer la femme adultère ont pratiqué bien des choses, mais certainement pas l’esprit de la lettre. Et surtout, ils ont choisi de rester accrochés au livre, sans question, sans remise en question, et sans regard sur la création de Dieu : l’être humain. Il préfère lire dans leurs belles bibliothèques, écrire de belles théories, et répéter un chemin taché de sang plutôt que d’emprunter celui, plus sale certes, mais ô combien plus grand, qu’est celui de saluer d’abord la bonté possible dans l’autre être humain, plutôt que de toujours chercher l’erreur à répéter. 

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Certains lecteurs diront : mais il parle de bonté depuis le début, alors qu’il est plutôt question du pardon de Ieshoua accordé à la femme adultère. Oui, c’est vrai. Je crois que la bonté et la miséricorde, le pardon, l’effacement des péchés, relèvent de la même dynamique. Il y faut une pratique extraordinaire et qui ne relève d’aucune loi… sinon celle de la bonté.

Être bon est un élément qui se développe, comme les qualités de la patience ou bien de devenir plus juste et plus humain. Et, si certaines personnes étaient meilleures que d’autres, « plus » bonnes que d’autres dans leur nature, je ne crois pas qu’elles en aient le monopole. Ce qui est inné chez une personne n’est certainement pas impossible de développement chez l’autre. C’est du moins ce que je crois et ce que j’espère.

Alors, le pardon? C’est l’un des éléments de l’Évangile qui est parmi les plus difficiles à introduire dans notre cœur. Une pratique qui relève presque de la magie tant il y faut une constante pratique. Comme un apprenti menuisier dans son établi, ou encore, comme un chanteur, une chanteuse. Le talent et la voix peuvent être innés. Mais, rien ne peut améliorer ces éléments sans un travail constant.

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La pratique du pardon ne relève pas de la loi. Elle relève de la gratuité introduite dans notre cœur par le Dieu père. Qui invite à une pratique de plus en plus grande. Sans notre oui de plus en plus libre, celle-ci risque de se perdre, au profit des moralistes de tout acabit, et de ceux qui calculent tout sans jamais donner. Un monde sec et sans âme risque de naître. Espérons retrouver en nous cette étincelle qui rend capable d’accueillir le pardon et la bonté comme une pratique de plus en plus quotidienne en nos cœurs.

 

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