Mon grain de sel

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Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 31 août 2014

par Mario Bard.

Une croix pacifique

Porter sa croix et suivre Ieshoua. Une phrase qui dans l’histoire des Églises chrétiennes, a mené à tous les abus, des plus rocambolesques culs-de-sac, aux plus intenses dons de soi. Cette phrase fait peur, car elle n’est pas claire. Qu’est-ce que ça veut dire « porter sa croix »?

Si l’on se fie à Ieshoua, porter sa croix, c’est accepter d’y mourir également, par et dans un esprit d’amour. C’est accepter que la violence ne prenne pas le pas sur la paix. C’est accepter de tendre la joue. C’est accepter de partager, de donner, de soigner, de nourrir, de visiter. C’est accepter de devenir, de jour en jour, meilleur.

Essayez-le. Vous verrez que ce n’est pas toujours simple. Mais, ceux qui expérimentent ces verbes au cœur de leurs vies ressentent, habituellement, de plus en plus de joie. Mère Teresa en témoignait dans son livre Le don de la joie.

Certes, ces actions ne sont pas tellement à la mode. Ce n’est pas glamour de visiter un malade, dans le secret. Les caméras de télé doivent accompagner la larme du joueur de hockey qui dépose un toutou sur un enfant malade. Trêve de cynisme, et tout de même bravos aux joueurs qui posent ce geste. Par contre, autrement plus indécent est d’accompagner un déviant sexuel dans une prison; il faut croire très fort en l’être humain. Il est aussi bouleversant de devoir tendre la joue alors que l’on sait intérieurement que nous n’avons rien fait de mal. Présentement, je crois que le meilleur exemple international est les chrétiens d’Irak.

Certes, ils ne tendent pas la joue, ils fuient. Qui les blâmerait d’ailleurs, devant la déchéance qu’apporte le groupe islamique ISIS? Par contre, ils n’ont pas – ou si peu – formés de milices pour se protéger. Ils sont démunis de violence face à des barbares de la pire espèce dont les armes et le financement empêchent qu’ils arrêtent leurs massacres. Des armes qui sont parfois fabriquées ou conçues par d’autres chrétiens, le commerce des armes étant officiellement contrôlé, mais si facile à déjouer…

***

Il y a mille et une façons de porter sa croix. L’important, me semble-t-il, est que cette croix soit choisie librement, reconnue et connue, assumée et pacifique. Le pacifisme, loin de nous dominer comme le prétendent certains commentateurs conservateurs, est encore marginal. La non-violence récolte peu d’attention, entre notre désir de devenir le meilleur – un mantra de nos sociétés occidentales – et celui de vouloir dominer l’autre par nos supposés mérites. Paradoxe extrêmement intéressant d’une société qui est censée avoir laissé tomber la religion : elle s’en accorde maintenant les anciens paradigmes. Le paradis est maintenant un bureau chic d’au moins 700 pieds carrés en haut d’une tour de verre. On peut y dominer le monde…

Porter sa croix tous les jours, c’est peut-être s’assurer que cette souffrance intérieure que nous portons tous – mélancolie des neuf mois de gestation dans le ventre de la mère? – est nourrie par un amour plus grand que celle-ci. Une recherche de sens qui, pour Ieshoua, est absolument liée à la mise en pratique de l’amour et aux fruits qu’elle donne. Pas l’amour romantique de la « Cendrillon-Disney » qui empêche finalement de voir clair en soi : trop d’étoiles et de falbalas.

Ce sera plutôt une croix qui se surprend à rencontrer le lépreux de François d’Assise comme un nouvel ami. Une croix qui ose défendre, au nom de l’Évangile, un certain nombre de valeurs sociales essentielles pour vivre de plus en plus harmonieusement; avoir un toit décent et abordable pour tous; avoir des repas nutritifs et équilibrés pour tous; avoir une éducation ouverte et gratuite pour tous.

Bref, ce sera beaucoup plus que de croire cyniquement en un être humain qui est nécessairement voué à n’être qu’un pion sur la terre.

Je le répète : « Il y a mille et une façons de porter sa croix. L’important, me semble-t-il, est que cette croix soit choisie librement, reconnue et connue, assumée et pacifique. »

Mario Bard

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