Mon grain de sel

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Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 25 mai 2014

par Mario Bard.

Nommer pour délivrer

Le Paraclet. Ou encore, l’avocat. Ou plutôt, celui qui sait traduire la Parole. Mais surtout, celui qui nous aide à la mettre en pratique. Que de personnes sur la rue portent en elle des germes de ce paraclet! Nul besoin d’avoir traversé les corridors des universités ou d’avoir reçu l’onction par 36 prêtres en transes. Seules suffisent l’écoute partagée et l’application simple et claire de l’Évangile.

C’est ce que certains « vieux chrétiens » oublient. À force de prier tous — et seulement — les dimanches, propres et sans taches, ils abandonnent la mise en pratique quotidienne des gestes qui forment le chrétien de l’intérieur et lui permettent de rayonner à l’extérieur. Trop sûrs de leurs Saluts, ils deviennent des chrétiens d’un jour. La façade s’étiole et elle finit par ressembler à de vieux vitraux mal entretenus, délavés par les pluies acides, le monoxyde de carbone, ou je ne sais quoi d’autre.

Être un témoignage vivant. Est-ce si difficile? La plupart des chrétiens y arrivent quand ils décident librement de laisser la raison être dictée par les valeurs qui sont inscrites dans l’Évangile.

Être témoignage vivant, c’est par exemple dénoncer les atteintes à la vie. Je suis d’accord. Mais c’est aussi alarmé à propos des injustices qui font en sorte que l’existence devient insupportable pour les enfants qui naissent. Comment se peut-il que nos structures soient encore celles qui créent si souvent l’oppression? Pourquoi sommes-nous encore sous la dictature d’un capitalisme sauvage qui crée des pauvres, malgré les nombreuses heures qu’ils passent au travail? J’ai parfois l’impression que nous marchons à reculons.

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Dénoncé devient parfois un geste chrétien, un geste qui est « paraclet ». Comme l’a fait Claude Lacaille. Ce Québécois, prêtre missionnaire, a vécu sous la dictature de Pinochet au Chili. Il vient de publier aux éditions Novalis « En mission dans la tourmente des dictatures – 1965-1986. » Lire son expérience est bouleversant. En tant que prêtre, il a pris position pour les plus pauvres, et ils étaient nombreux. Souvent, il l’a fait contre les autorités de son Église. C’est un courage que nombre de membres du clergé refusaient d’avoir.

Parce qu’ils respectaient ladite autorité civile qui était considérée comme provenant directement de Dieu. Elle ne pouvait être remise en question, et ce, même si elle tuait, si elle corrompait ou détruisait. Si au Moyen-Âge, la résilience, une foi du charbonnier un peu trop aiguisée et le sens du mystère pouvaient faire en sorte que la masse ne se rebelle pas, on ne peut plus penser de la sorte aujourd’hui. C’est une position qui ne tient simplement plus la route. On pèche souvent par action. On oublie aussi qu’il y a le péché par omission.

Claude Lacaille n’a pu dénoncer frontalement les adversaires de la vie. Il a dû se joindre aux luttes de ceux qu’on nommait alors « les classes ouvrières », celles que le régime de Pinochet a laissées tomber. Des classes qui n’existent plus vraiment dans nos pays d’Occident. Auraient-elles été remplacées par des foules sans substances, acheteuses dociles d’une consommation qui nous donne l’impression de dominer la terre? Mystère…

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Je sais seulement que, tant qu’il existera des inégalités fondatrices de mort, les chrétiens devront se faire les avocats, les paraclets, les interprètes de l’Esprit Saint qui créent la vie. Dénoncer les injustices, nommer les problèmes qui mènent à la pauvreté extrême et involontaire, se battre pour que ceux et celles qui exploitent les ressources naturelles commencent à le faire dans le respect de la vie.

Tendre? Naïf? Illusoire? Certainement. Je n’ai pas le choix. Le paraclet m’interpelle. Et vous?

Mario Bard

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