1er dimanche de carême (année B), selon l’écrit de Marc 1, 12-15
12 Aussitôt l’Esprit pousse [Jésus] au désert.13 Il est dans le désert quarante jours, tenté par le Satan.Et il est avec les bêtes sauvages et les anges le servent.
14 Après que Jean ait été livré, Jésus vient dans la Galilée.
Il proclame l’Évangile de Dieu.
15 Il dit:
Le temps est accompli! Le Règne de Dieu est proche.
Convertissez-vous et ayez foi dans le message du bonheur.
—
Le commentaire du pain sur la table,
par Georges Convert.
Nous voici au seuil du Carême.
Les semaines qui nous mènent à Pâques nous font revivre le mystère de la mort de Jésus.
Une mort qui ne mène pas au néant mais au contraire vers la vie d’éternité.
Une mort qui est modèle de la nôtre.
Une démarche que Jésus peut vivre avec nous si nous l’accueillons comme notre guide.
La place de ce texte dans le récit de Marc
Ces quelques versets du récit d’aujourd’hui sont très riches.
Aussitôt après le baptême de Jésus,
ils viennent décrire -comme en résumé- ce que sera sa mission:
lutte contre les forces du mal et proclamation de la proximité du règne de Dieu.
Dès les versets suivants, Jésus appellera des disciples
qui seront ses compagnons de mission et les continuateurs de son action.
L’Esprit pousse Jésus au désert.
Que représente le désert? Nous pouvons emprunter au livre d’Osée
ce que pouvait signifier le séjour au désert pour les contemporains de Jésus.
C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur.
Là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, au jour où elle montait du pays d’Égypte.
Il adviendra en ce jour-là -parole du Seigneur- que tu m’appelleras « Mon mari »,
et tu ne m’appelleras plus « Mon Baal. »
J’écarterai de sa bouche les noms des Baals, et
ils ne seront plus mentionnés par leur nom.
Je conclurai pour eux une alliance, en ce jour-là,
avec les bêtes des champs, avec les oiseaux du ciel et les reptiles du sol;
l’arc, l’épée, la guerre, je les briserai et les bannirai du pays,
et eux, je les ferai reposer en sécurité (Os 2,16-20).
Ces 40 jours au désert de Jésus nous renvoient aux 40 années
où les tribus juives deviennent le peuple de Dieu.
Les Égyptiens retenaient en esclavage des tribus juives
qui étaient venues s’installer en Égypte du temps de Joseph,
alors qu’elles fuyaient une famine qui sévissait en Palestine.
Sous la conduite de Moïse, nles tribus seront unifiées par leur alliance avec Dieu.
Ces tribus deviendront un peuple
qui aura vocation d’être -dans le monde- le prototype du règne de Dieu.
Mais la traversée du désert est longue… et ce temps devient une épreuve:
faim et soif, insécurité à cause des attaques des peuplades hostiles.
«Si le Seigneur est notre Dieu, se disent les fils d’Israël,
demandons-lui de nous épargner ces épreuves: Qu’Il montre son amour pour nous!»
Relisons l’épisode de Massa et Mériba que les Hébreux ont vécu dans le désert:
Toute la communauté des fils d’Israël campa à Refidîm
mais il n’y avait pas d’eau à boire.
Le peuple querella Moïse: «Donne-nous de l’eau à boire», dirent-ils.
Moïse leur dit: «Pourquoi me querellez-vous?
Pourquoi mettez-vous le Seigneur à l’épreuve?»
Il appela ce lieu du nom de Massa et Mériba (Épreuve et Querelle),
à cause de la querelle des fils d’Israël et parce
qu’ils avaient mis le Seigneur à l’épreuve en disant:
«Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non?» (Ex. 17,1-2.7)
Mais exiger des preuves de l’amour c’est empêcher cet amour d’exister.
Entre deux êtres humains comme entre l’humain et Dieu, on n’exige pas l’amour:
On ne peut que l’accueillir… car l’amour ne peut être que don gratuit.
Il ne peut se vivre que dans la confiance et la gratuité.
Exiger quelque chose de celui qu’on aime tue cette gratuité.
Si l’on ne peut exiger de Dieu qu’Il nous prouve son amour en nous délivrant du mal,
toute vie humaine se trouve affrontée à cette question dramatique:
est-il vraiment possible de vivre de l’amour?
Pourquoi y a-t-il tant de mal et de souffrances dans ce monde
si Dieu est la source de l’amour et nous a créés pour vivre de cet amour?
La mission de Jésus va être confrontée à cette question cruciale.
Son peuple est colonisé par la puissante Rome et souffre de cette occupation.
Beaucoup de ses contemporains se révoltent:
pourquoi Dieu permet-il que des païens humilient ainsi son peuple?
Ne doit-on pas prendre les armes pour sauver l’honneur de Dieu en chassant les Romains?
Et, ainsi, faire venir le règne de Dieu sur cette terre d’Israël?
Mais tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive (Mt 26,52).
Utiliser la violence n’est-ce pas devenir soi-même violent et donc aggraver le mal sur la terre?
Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie? (Mc 8,36)
Matthieu et Luc illustreront ces dilemnes auxquels Jésus sera affronté.
Marc ne fait qu’évoquer le désert mais il note avec force
que cette épreuve est celle d’un combat entre la vision divine et celle de Satan.
Il est dans le désert quarante jours, tenté par le Satan.
Qui est le Satan? Le mot hébreu signifie « l’adversaire ».
L’image de Satan a évolué dans la tradition juive.
S’il est parfois compris comme celui qui est l’accusateur de l’homme auprès de Dieu
-comme dans le livre de Job par exemple-,
il est aussi vu comme le grand Tentateur qui pousse l’être humain à faire le mal.
Satan porte le nom de « Prince des ténèbres », de « Prince de ce monde » (cf Jn 12,31).
Les maladies sont considérées comme le résultat des forces du mal, de Satan:
Cette fille d’Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans,
il n’eût pas fallu la délier de ce lien le jour du sabbat (Lc 13,16).
Pour Jean le baptiste, comme pour beaucoup des Juifs de cette époque,
si le peuple de Dieu est colonisé, c’est à cause de son péché:
il s’est laissé conduire par le Satan et s’est détourné de la Tora.
Mais si l’être humain est soumis à un combat intérieur contre des forces
qui veulent le faire dévier de sa vocation de fils de Dieu,
il n’est pourtant pas enfermé tragiquement dans cette condition.
Dieu ne peut se résoudre à cet échec de sa création.
La tradition juive connaît donc cette espérance d’une victoire de Dieu sur Satan.
On attend un « monde à venir » où le mal sera vaincu
et où la Tora sera en vérité la Règle de vie de tout juif.
Le combat de Jésus contre Satan au désert traduit la victoire des forces divines.
Le « monde à venir » est donc déjà présent en lui.
Comment cette victoire a-t-elle été possible?
C’est que, dans l’homme Jésus, l’Esprit de Dieu se trouve pleinement accueilli.
Il y a une communion parfaite entre le Père et Jésus, son fils bien-aimé.
Le récit du baptême en a fait la révélation: Jésus est baptisé dans le Jourdain.
Aussitôt, lorsqu’il remonte hors de l’eau, il voit les cieux se déchirer
et l’Esprit descendre sur lui alors qu’une voix vient des cieux:
«Tu es mon fils bien-aimé; en toi mon amour est accompli» (Mc 1,9-11).
En Jésus, c’est la promesse de Dieu qui se réalise, telle qu’Ézéchiel l’annonçait:
Et je vous donnerai un coeur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau,
j’ôterai de votre chair le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair.
Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes préceptes
et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes (Éz 36,26-27).
En effet, la seule connaissance de la Tora, de la Parole divine, ne peut suffire
pour être capable de vivre selon la pensée de Dieu.
Il faut que la force spirituelle de Dieu ait envahi notre coeur.
Cela ne peut se faire que par notre pure liberté totalement ouverte à la communion avec Dieu.
Cette totale ouverture à Dieu s’est réalisée en l’homme Jésus.
Il est ainsi devenu le nouveau Moïse capable de ré-unir des frères et des soeurs
qui seront le nouveau prototype du peuple sur lequel Dieu -l’Amour- peut régner.
La prière d’Isaïe se trouve ainsi exaucée:
Pourtant [Seigneur-Dieu], tu es notre père.
Si Abraham ne nous a pas reconnus, si Israël ne se souvient plus de nous,
toi, Seigneur, tu es notre père, notre libérateur, tel est ton nom depuis toujours.
Pourquoi, Seigneur, nous laisser errer loin de tes voies et endurcir nos coeurs en refusant ta crainte?
Nous sommes, depuis longtemps, des gens sur qui tu ne règnes plus et qui ne portent plus ton nom.
Ah! si tu déchirais les cieux et descendais (Is 63,16-19).
Lors du baptême, « les cieux ont été déchirés » pour dire
que le coeur humain de Jésus est inondé
de la force spirituelle de l’Amour du Père.
Il peut ainsi devenir le réalisateur d’une alliance entre Dieu et l’être humain,
une alliance qui sera nouvelle et éternelle.
Il est avec les bêtes sauvages et les anges le servent.
Que signifient ces images?
Isaïe (11,6-9) trace un tableau de la victoire de Dieu qui sera réalisée par son messie:
Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau,
le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira.
La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits, même gîte.
Le lion, comme le boeuf, mangera du fourrage.
Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra…
Il ne se fera aucun mal sur toute ma montagne sainte
car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur-Dieu.
L’image des bêtes sauvages vivant en harmonie avec l’être humain est donc
le symbole du règne de Dieu sur le monde et de la paix qu’il instaure.
Cette image puise en de nombreux textes de la tradition juive.
L’agressivité des bêtes sauvages envers Adam est vue
comme la conséquence de sa faute, car il a détruit en lui l’image de Dieu.
Les bêtes sauvages vont alors être considérées comme les suppôts des démons.
Lisons ce que dit le document juif appelé le Testament des 12 patriarches:
«Si donc vous faites le bien, les hommes et les anges vous béniront
et Dieu sera glorifié par vous parmi les nations,
et le diable fuira loin de vous et les bêtes sauvages vous craindront
et le Seigneur-Dieu vous aimera et les anges s’attacheront à vous» (Test. Nepht. 8.4).
On peut donc voir ici un retour aux conditions de vie du paradis terrestre.
Plus tard, Jésus communiquera à ses apôtres ce pouvoir spirituel de l’amour pour combattre le mal
et il l’illustrera par l’image du combat contre les bêtes sauvages (Lc 10,17-20):
Les 72 revinrent tout joyeux, disant:
«Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom!»
Il leur dit: «Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair!
Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions,
et toute la puissance de l’Ennemi, et rien ne pourra vous nuire.
Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits [mauvais] vous sont soumis;
mais réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux.»
Dans le texte rabbinique La vie d’Adam et Éve,
nous trouvons aussi l’écho d’une tradition juive qui parlent des anges.
Alors qu’avant le péché, les anges servaient Adam et lui procuraient sa nourriture,
lorsqu’Adam est expulsé du paradis, il passe 40 jours à jeûner.
Le tentateur [Satan] vient lui expliquer
qu’il n’a pas voulu vénérer l’image de Dieu qui est dans l’humain.
Adam demande à Dieu d’éloigner cet adversaire.
Dieu lui envoie 12 anges pour l’assister.
Cette assistance divine envers le messie est aussi illustrée dans le psaume 91 (11-13):
Il chargera ses anges de te garder en tous tes chemins.
Ils te porteront dans leurs bras pour que ton pied ne heurte pas de pierre;
tu marcheras sur le lion et la vipère, tu piétineras le tigre et le dragon.
On trouve encore de semblables images dans le Testament des 12 patriarches:
«Si donc vous faites le bien, les hommes et les anges vous béniront
et Dieu sera glorifié par vous parmi les nations et le diable fuira loin de vous
et les bêtes sauvages vous craindront
et le Seigneur vous aimera et les anges s’attacheront à vous» (Test Nepht 8,4).
La victoire sur les forces du mal ne peut se réaliser que par la force de Dieu.
C’est ce que signifie la présence des anges, les messagers de Dieu.
Ils apportent la nourriture divine, spirituelle.
Comme cela s’est déjà passé pour les serviteurs de Dieu
que furent Moïse et Élie:
Moïse est monté sur la montagne de Dieu, et le Seigneur lui dit:
«Inscris ces paroles,
car c’est sur la base de ces paroles que je conclus une alliance avec Israël.»
Il fut donc là, avec le Seigneur, 40 jours et 40 nuits.
Il ne mangea pas de pain, il ne but pas d’eau.
Il écrivit sur les tables les paroles de l’alliance, les 10 paroles (Ex 34,27-28).
Lorsqu’Élie est découragé devant les difficultés de sa mission de prophète,
il se réfugie au désert et un ange lui dit:
«Lève-toi et mange, car autrement le chemin sera trop long pour toi.»
Élie se leva et mangea et but, puis, fortifié par cette nourriture,
il marcha 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu (1R 19,7-8).
On retrouve ici le chiffre symbolique de 40 et la nourriture du pain et de l’eau,
qui sont les symboles de la parole de Dieu.
Marc se sert d’images bibliques traditionnelles pour décrire les combats de Jésus.
Ces combats ne se sont pas limités à ce temps de désert.
Ils vont être la trame de toute la mission de Jésus.
Donnons, comme seul exemple, la violente altercation entre Jésus et Pierre.
Devant le choix de Jésus d’accepter la mort
plutôt que de répondre par la violence à ses adversaires,
Pierre veut détourner son maître de ce destin.
Jésus lui répond avec force: Passe derrière moi, Satan!
car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes! (Mc 8,33)
On notera que Pierre est traité ici de Satan
parce qu’il se laisse guider précisément par les puissances mauvaises,
par ce qui est, en nous, l’esprit du monde.
Jésus vient dans la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu.
Pourquoi Jésus a-t-il choisi la Galilée, de préférence à Jérusalem?
Jérusalem est pourtant le haut lieu de la religion de son peuple,
le lieu où se dresse le Temple, demeure de Dieu?
La Galilée est sans doute familière à Jésus puisqu’il y a vécu depuis son enfance.
Mais elle est surtout la « terre des nations »:
c’est-à-dire le pays où se mêlent juifs et païens,
un peu comme aujourd’hui se mêlent israéliens et palestiniens.
Ce choix de la Galilée peut signifier
que le message de l’Évangile de Dieu n’est pas réservé au seul peuple d’Israël
mais qu’il concerne tous les peuples, les croyants en Dieu et les autres croyants.
La finale de l’écrit de Marc redit cette dimension universelle de l’annonce de Jésus:
Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à tous les êtres créés (Mc 16,15).
C’est pourquoi le Ressuscité donnera rendez-vous à ses disciples en Galilée,
le lieu symbolique d’où devra partir l’annonce de la victoire sur la mort.
C’est ce que dit le messager divin aux femmes qui sont venues au tombeau:
Allez dire à ses disciples et à Pierre: «Il vous précède en Galilée,
c’est là que vous le verrez, comme il l’a dit» (Mc 16,7).
C’est la consigne que Jésus avait donnée à ses disciples au soir du dernier Repas.
Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées.
Mais une fois ressuscité je vous précèderai en Galilée (Mc 14,27-28).
Le récit de Jean (21) rapportera les apparitions de Jésus au bord du lac de Galilée.
Et c’est en Galilée que Matthieu situe l’ascension du Ressuscité:
Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur terre.
Allez de toutes les nations faites des disciples.
Et moi je suis avec vous jusqu’à la fin des temps (Mt 28,16-20).
Le temps est accompli! Le Règne de Dieu est proche.
Convertissez-vous et ayez foi dans le message du bonheur.
Tel est l’essentiel du message de Jésus.
Ce temps de l’histoire est celui de la nouvelle communion entre Dieu et l’être humain
enfin accompli dans la personne de Jésus où l’Esprit de Dieu agit en plénitude.
Sa parole n’est donc pas seulement faite de mots humains
qui seraient des bons conseils pour gagner la vie éternelle.
Sa parole s’accompagne d’un amour qui apporte la force de vivre selon l’esprit de Dieu.
Le récit évangélique de Jean traduit souvent cette puissance de la parole de Jésus:
Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle (Jn 6,68).
Qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif;
l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle (Jn 4,14).
L’eau est ici le symbole de la parole de Jésus, de son Évangile.
C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien.
Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie (Jn 6,63).
Ainsi croire en l’Évangile, ce n’est pas d’abord croire à des idées,
accueillir des préceptes de morale, c’est mettre sa foi en Jésus
pour être imprégné de son esprit et nourri de sa parole.
C’est se lier à Jésus pour vivre en lui et avec lui.
L’apôtre Paul exprimera magnifiquement ce lien qui unit le disciple à son maître:
Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi.
Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu
qui m’a aimé et s’est livré pour moi (Ga 2,20).
Et aujourd’hui…
J’emprunte un long passage d’une réflexion de Xavier Gravend-Tirole,
un jeune de 24 ans qui se laisse interroger devant le suicide d’un ami: Minh-duy.
«La vie demeure absurde…
Je n’ai pas voulu donner de réponse à mon ami, parce que je prétendais ne pas en avoir.
Est-ce vrai? non! J’en ai une, si grosse et si surprenante: un homme a vécu
et nous montre le chemin de la paix, d’un bonheur serein possible…
Je marche à sa suite, mais je n’ose pas le dire à mes proches…
Je me refusais de dire que la vie est belle,
parce que cela me paraissait grossier, insultant même, devant tous ces torturés de la vie.
Minh-duy décide de se jeter par-dessus le pont.
À lui déjà, et surtout, je disais que je vivais cette même angoisse…
mais que quelque chose me retenait… osais-je à peine rajouter.
Et maintenant? Je veux dire du moins le contraire: la vie n’est pas seulement laide…
Elle n’est pas sans issue… Il y a quelque chose qui transcende tout cela.
Maintenant, je me dis que c’est sur ce qui me retient, que je dois insister…
Je connais l’existence de ce chemin, d’un possible « mieux »…
Derrière, devant, au-dessus, en-dessous, il existe quelque chose qui dépasse le doute,
qui nous fait pénétrer dans une nouvelle dimension:
celle d’une sérénité possible, transcendant la joie et l’angoisse.
Il ne s’agit plus de beau ou de joie, de choses ayant leur contraire,
mais d’un fond, d’un esprit, d’une réalité englobant ces éléments opposés.
Il ne s’agit donc pas d’une joie stupide, candide, infantile…
mais d’une joie tranquille, profonde, que je cherche depuis si longtemps
et qui est encore plus grande que je ne pouvais le croire…
Oui, elle surpasse la joie et l’angoisse.
Elle les englobe, comme le fond de l’océan protège la mer, agitée ou calme.
En fait, si je veux aller au bout de ma pensée, il me semble qu’il s’agit d’une confiance.
Une confiance qui laisse place au repos, à l’assurance que « tout cela » n’est que passager.
Et voilà retrouvé, pour moi, le vrai sens fructueux du mot foi.
Une foi qui engendre la Joie, par son espérance inaltérable.
Maintenant, je me dois de rajouter un mot sur ma confiance, et sa source: Ieshoua.
Il a vécu comme nous… aussi longtemps qu’on le lui a permis,
en aimant jusqu’au bout les siens, les nôtres, l’humanité.
Il a accepté la mort, couronnement de son existence donnée à ses contemporains.
Et par sa Résurrection, il montre que cela n’était pas absurde, qu’une confiance peut sourdre,
que malgré la mort (ou grâce à la mort!) de la graine naît la plante;
de la mort de la fleur naît le fruit…»
Malgré la puissance omniprésente du mal,
le disciple de Jésus ne doit pas succomber à l’angoisse.
Il doit participer à la victoire de son Maître,
celle du désert qui préfigure celle de la résurrection.
Avec le Ressuscité, le disciple peut faire l’expérience de la possibilité de l’Amour.
La foi chrétienne est d’abord engagement de tout l’être… à la suite de Jésus.
Engagement à vivre l’Amour, certes difficile mais possible.
Il en puise la force dans la méditation et la prière,
mais aussi dans la vie fraternelle vécue entre disciples.
C’est là qu’il peut et doit faire l’expérience de la main tendue,
de l’oreille attentive, de la tendresse réconfortante et du pardon.
Et celle de vivre debout, en artisan de justice et de libération…
Au prix parfois de sa tranquillité, sinon de sa vie.
Car qui veut sauver sa vie la perdra,
mais qui perdra sa vie à cause de [Jésus] et de l’Évangile la sauvera (Mc 8,35).
Le disciple de Jésus vivra cela en communion avec tous les artisans de fraternité,
de quelque horizon soient-ils.
C’est ainsi que le règne de Dieu se fait réellement proche sur notre terre.
Georges Convert
»»» Questions
- Que représente le désert dans la Bible? Qui pousse Jésus au désert? Pourquoi?
- Qui est Satan dans la Bible? Pourquoi Jésus est-il vainqueur de Satan?
- Pourquoi Jésus peut-il dire: «Le règne de Dieu est proche»?
- Quelle conversion Jésus demande-t-il? Pourquoi son message est-il message de bonheur?
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