29e dimanche ordinaire (année B), selon l’écrit de Marc 10, 35-45
35 Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent:
Maître, nous voulons que tu fasses pour nous ce que nous te demandons.
36 Il leur dit:
Que voulez-vous que je fasse pour vous?
37 Ils lui disent:
Accorde-nous de siéger à ta droite et à ta gauche dans ta gloire.
38 Jésus leur dit:
Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que moi je vais boire?
Être baptisés du baptême dont moi je vais être baptisé?
39 Ils lui disent: Nous le pouvons.
Mais Jésus leur dit:
La coupe que moi je vais boire, vous boirez,
et le baptême dont moi je vais être baptisé, vous serez baptisés.
40 Mais siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas de le donner;
c’est à ceux pour qui cela a été préparé.
41 Les dix qui ont entendu commencent à s’indigner contre Jacques et Jean.
42 Jésus les appelle et leur dit: Vous le savez:
les soi-disant chefs des nations dominent en seigneurs sur elles
et leurs grands exercent de haut le pouvoir sur elles.
43 Il n’en sera pas ainsi parmi vous.
Mais celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur.
44 Et celui qui voudra être le premier, sera esclave de tous.
45 Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour la multitude.
—
Le commentaire du pain sur la table,
par Georges Convert.
Matthieu, Luc et Marc jalonnent cette montée
par trois annonces de la mort de Jésus (8,31; 9,31; 10,33).
C’est peut-être le schéma de la catéchèse des premières communautés chrétiennes,
telle qu’elle s’est transmise oralement après Pâques et dans les années qui ont suivi.
Cette catéchèse nous dit à la fois comment Jésus a vécu sa mort et le sens qu’il lui a donné
mais aussi comment les disciples ont réagi devant cette annonce de la mort de leur maître.
À chaque annonce correspond la description de cette réaction des disciples
à laquelle Jésus répondra par un enseignement.
La réaction des disciples
Ce sont Jacques et Jean qui réagissent à cette troisième annonce.
Le récit nous a déjà décrit le contraste entre l’attitude de Jésus et celle des disciples.
Ils sont en chemin et montent à Jérusalem.
Jésus marche devant eux. Ils sont effrayés et ceux qui suivent ont peur (Mc 10,32).
Jésus marche en tête… ce qui veut probablement signifier sa décision résolue
de marcher vers son destin.
Tandis que les disciples, ceux qui normalement doivent le suivre, semblent marcher de reculons.
Le récit nous a déjà prévenus:
ils ne comprennent pas cette annonce et ils craignent de l’interroger (9,32).
Et la réaction qu’ils vont avoir face à cette annonce de la mort
peut nous sembler à première vue surprenante et même incompréhensible:
on nous dit qu’ils se querellent pour savoir qui est le plus grand (9,34).
D’ailleurs voici que deux d’entre eux viennent briguer les places d’honneur:
Dans ta gloire, accorde-nous de siéger l’un à ta droite et l’autre à ta gauche.
Comment comprendre cette demande?
L’épisode de l’appel du jeune homme riche qui a précédé la troisième annonce
de la passion a été suivi de la question de Pierre:
Qu’en sera-t-il pour nous qui avons tout quitté pour te suivre?
En Marc, Jésus répond en disant qu’ils recevront au centuple dès maintenant
maisons, frères et soeurs, mères et enfants, champs -avec des persécutions-
ainsi que la vie éternelle dans le monde à venir (Mc 10,30).
En Matthieu, la réponse de Jésus à la question de Pierre peut expliquer davantage
ce que Jacques et Jean demandent:
Amen, je vous le déclare: lors de la régénération de l’univers,
quand le fils de l’homme siègera sur son trône de gloire,
vous qui m’avez suivi, vous siégerez aussi sur douze trônes
pour juger les douze tribus d’Israël (Mt 19,28).
Voilà des images qui nous sont difficiles à interpréter.
Il faut nous rappeler qu’il s’agit du règne de Dieu et de sa réalisation sur terre.
Le livre de Daniel parlait du Fils de l’homme
comme de celui qui, ayant reçu l’investiture royale,
est appelé à gouverner le peuple des saints du Très-Haut:
Il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté:
les gens de tous peuples, nations et langues le servaient (Dn 7,13-14).
« Juger » les douze tribus d’Israël, ce serait donc, pour les apôtres, partager
le gouvernement du règne de Dieu avec Jésus le Fils de l’homme, roi-messie.
Mais cette régénération de l’univers aura-t-elle lieu dans le temps de l’histoire
ou à la fin du temps?
Doit-on comprendre cette « régénération » comme la restauration du royaume d’Israël,
lorsqu’il sera débarrassé de ses occupants romains
et gouverné par un roi-messie véritablement juste?
Déjà le prophète Isaïe annonçait que l’ère du messie serait comme la naissance
d’une nouvelle terre (Is 65,17-25):
Voici que je vais créer des cieux nouveaux et une terre nouvelle.
Oui, j’exulterai au sujet de Jérusalem et je serai dans l’enthousiasme
au sujet de mon peuple!
Désormais, on n’y entendra plus retentir ni pleurs, ni cris. …
Il n’y aura plus là de nourrisson emporté en quelques jours,
ni de vieillard qui n’accomplisse pas ses jours. …
Ils ne bâtiront plus pour qu’un autre habite, ils ne planteront plus pour qu’un autre mange
… car ils seront la descendance des bénis du Seigneur et leurs rejetons resteront avec eux.
Le loup et l’agneau brouteront ensemble, le lion, comme le boeuf,
mangera du fourrage.
… Il ne se fera ni mal ni destruction sur toute ma montagne sainte, dit le Seigneur.
Cette transformation de l’univers signifie la venue d’un monde où la paix règnera entre tous.
Mais on peut aussi situer ce monde de paix à la fin du temps, ainsi que le décrit l’Apocalypse:
Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. …
Voici la demeure de Dieu avec les humains.
Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux.
Celui qui siège sur le trône dit: «Voici, je fais toutes choses nouvelles» (Ap 21,1-5).
Faut-il d’ailleurs trancher entre maintenant et la fin des temps?
En effet l’intervention de Dieu dans le destin de l’humanité ne se réalise-t-elle pas
à travers une longue suite de re-naissances, de re-nouveaux
qui sont vécus quotidiennement par ceux qui accueillent son amour?
Des renouvellements et renaissances qui peuvent transformer un peu la société
mais qui sont toujours à reprendre à chaque nouvelle génération,
car chaque être humain se retrouve neuf devant les choix de sa propre liberté.
Les fidèles du Dieu de Jésus sont donc appelés
à re-naître continuellement par l’Esprit du Père
et à travailler à renouveler sans cesse l’humanité.
Mais que viennent demander les deux fils de Zébédée?
Il semble bien que pour eux l’avènement du règne se fasse bientôt
puisqu’ils demandent d’avoir alors les places d’honneur.
S’ils sont de la parenté de Jésus, comme certaines traditions le disent,
il est normal qu’il demandent de partager le pouvoir avec Jésus
lorsqu’il sera devenu le roi-messie: c’est leur droit de famille.
Ils sont parmi les quatre disciples qui ont été les premiers appelés (cf Mc 1,19).
Ils font partie des Douze Envoyés:
Il établit les Douze: Pierre -c’est le surnom qu’il a donné à Simon-,
Jacques, le fils de Zébédée et Jean, le frère de Jacques
-et il leur donna le surnom de Boanerguès, c’est-à-dire fils du tonnerre (Mc 3,16-17).
Ils accompagnent Jésus lorsqu’il ramène à la vie la fille de Jaïre:
Et il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre,
Jacques et Jean, le frère de Jacques (5,37).
Ils ont bénéficié de la vision glorieuse de Jésus lors de la transfiguration (cf 9,2).
Ils seront aussi les mêmes trois (avec Pierre)
qui partageront la prière de l’agonie au mont des Oliviers (cf. 14,33).
Jésus ne semble pas contester leur droit
mais il va leur faire prendre conscience du chemin
qu’ils ont à parcourir pour partager sa gloire.
Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que moi je vais boire?
Être baptisés du baptême dont moi je vais être baptisé?
La gloire de Dieu et la gloire humaine ne sont pas sur la même longueur d’onde.
Ce que les humains appellent gloire est synonyme de grandeur,
de prestige et de puissance.
Ce que l’Évangile appelle la gloire de Dieu est plutôt le rayonnement de son amour.
C’est, semble-t-il, en ce sens qu’en parle Jésus dans le récit de Jean:
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée,
pour qu’ils soient un comme nous sommes un (Jn 17,22).
Dans le récit de Luc, gloire va être concrètement associée à souffrance,
comme le dit le Ressuscité aux compagnons d’Emmaüs:
Ne fallait-il pas que le messie souffrit ainsi pour entrer dans sa gloire? (Lc 24,26).
Ici, Jésus demande aux deux disciples s’ils sont capables de boire à sa coupe
et d’être baptisé du même baptême que lui.
Que signifient ces images du baptême et de la coupe?
La coupe est l’image de la destinée personnelle.
On trouve cette image dans le psaume 15 (5):
Seigneur, ma part d’héritage et ma coupe, de toi dépend mon destin.
Elle peut être coupe d’action de grâce pour remercier Dieu du bonheur,
comme il est dit dans le psaume 116 (12-13):
Comment rendrai-je au Seigneur-Dieu tout le bien qu’Il m’a fait?
J’élèverai la coupe de la délivrance, j’invoquerai le nom du Seigneur-Dieu.
Mais ce peut être aussi la coupe de la souffrance et de la mort:
Jésus, au mont des Oliviers, dira:
Abba, Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe!
Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux! (14,36).
Notre langue française ne parle-t-elle pas de boire la coupe jusqu’à la lie
pour décrire le drame de celui qui touche le bas-fond de la souffrance?
Au 2e siècle, l’évêque Polycarpe, qui va mourir sur le bûcher, priera ainsi:
«Seigneur, Père de ton enfant bien-aimé Jésus, …
je te bénis de m’avoir jugé digne d’être compté au nombre de tes martyrs
et de prendre part avec eux à la coupe de ton messie, pour la résurrection» (Mart. Polyc., 14,2).
Comme celle de la coupe, l’image du baptême doit être aussi rapprochée de la mort.
En son sens premier, le baptême est d’abord une plongée dans les eaux.
Lorsqu’elles sont celles des fleuves tumultueux ou des abîmes des mers déchaînées,
ces eaux représentent les flots de la mort.
Dans le récit de Luc, Jésus emploie cette image pour dire sa mort prochaine:
C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais
qu’il soit déjà allumé! C’est un baptême que j’ai à recevoir,
et comme cela me pèse jusqu’à ce qu’il soit accompli! (Lc 12,49-50).
Dans sa lettre aux Romains, Paul compare le baptême des chrétiens
à une plongée dans la mort du Christ:
Nous tous qui avons été baptisés en Jésus Christ,
c’est dans sa mort que nous avons été plongés (Rm 6,3).
Comment comprendre ce lien entre gloire et souffrance?
En fait, ce n’est pas la souffrance qui fait entrer dans la gloire,
mais c’est plutôt le pourquoi de cette souffrance et la manière dont on la vit.
Si Jésus connaîtra la souffrance de la passion et de la croix,
c’est parce qu’il aura été jusqu’au bout de l’amour.
Envers ceux qui vont le rejeter et le crucifier,
Jésus n’aura d’autre réponse que de livrer sa vie.
«Jésus à genoux lave les pieds de Judas qui l’a vendu, de Pierre qui va le renier,
de Jacques et de Jean qui vont s’endormir dans le Jardin de l’Agonie,
de tous les autres qui vont s’enfuir quand il aura été livré et qu’il apparaîtra désormais
comme le condamné voué à l’infamie» (M. Zundel, Vivre l’Évangile, St-Paul 97, p. 36).
C’est au lavement des pieds que commence l’ultime passion d’amour de Jésus
et que se trouve l’ultime enseignement sur le sens qu’il donne à sa mort.
C’est là que Jésus répond vraiment à Pierre qui le rabrouait
lorsqu’il annonçait sa décision de se livrer (cf. Mc 8,32-33),
et qu’il répond à Jacques et Jean qui ne savaient pas ce qu’ils demandaient
en voulant siéger à sa droite et à sa gauche.
Au rejet et à la trahison, comme à la haine, Jésus ne répondra que par le don
de lui-même, par le don de son amour au-delà le refus.
C’est ainsi qu’il sauvera son âme de la haine et de la violence.
C’est ainsi qu’il sauvegardera l’amour de son coeur et deviendra source de pardon.
C’est ainsi qu’il entre pleinement dans la gloire de l’amour.
Alors pour entrer eux aussi dans cette gloire de l’amour,
Jacques et Jean n’auront pas d’autre chemin
que celui que Jésus a emprunté: le chemin du baptême de la croix.
Donner sa vie en rançon pour la multitude.
Comment comprendre cette phrase?
L’apôtre Paul fait écho à ce passage de Marc dans plusieurs de ses lettres:
Il n’y a qu’un seul Dieu et qu’un seul médiateur entre Dieu et les humains:
un homme, Christ Jésus, qui s’est donné en rançon pour tous (1 Tm 2,5-6).
Jésus s’est donné lui-même pour nous
afin de nous racheter de tout péché et de purifier un peuple qui lui appartienne (Tt 2,14).
La liturgie juive connaissait le sacrifice pour le délit et le sacrifice pour le péché.
Le pécheur repentant offrait un animal à Dieu
pour exprimer la réalité de sa conversion.
L’image de la rançon évoque aussi la coutume juive du « vengeur de sang » (le goël).
Lorsqu’un homme avait été fait prisonnier ou avait été tué,
son proche parent s’engageait à faire justice
soit en rachetant le prisonnier, soit en châtiant le meurtrier.
Mais, ici, on ne peut comprendre cette image de la rançon
comme s’il fallait payer à Dieu le prix de notre libération.
Jésus parle trop de la miséricorde et du pardon gratuit de Dieu pour avoir cette pensée.
S’il y a un prix à payer, c’est celui de livrer sa vie à ceux qui le condamnent,
afin que le feu de son amour puisse convaincre le coeur
de ceux qui vont le tuer par haine, par lâcheté ou par jalousie.
Ce don de sa vie est gratuité pure, totale générosité.
Jésus marche à la mort de la croix afin que son amour soit un par-don d’amour
aussi bien pour ses plus proches disciples que pour les chefs de son peuple.
Et lorsqu’il sera ressuscité, vivant pour tous les jours de l’histoire,
il sera encore source d’amour et de pardon
pour tous ceux qui mettront en lui leur foi, leur confiance totale
et qui viendront ouvrir leur coeur à la force infinie de son amour.
François Varillon a de belles pages sur ce don que Jésus fait de sa vie sur la croix:
«Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique (Jn 3,16).
En donnant son Fils, le Père donne en quelque sorte plus que lui-même,
puisque, Père, il n’est que par et pour le Fils. C’est Jésus qui se livre,
mais c’est aussi le Père qui le livre. …
Il va de soi que j’évite, en dépit des clichés maladroits, d’imaginer un Dieu offensé
qui « exige », pour que justice soit faite, la compensation d’un sang répandu.
« Exigence » n’a pas de sens si, en livrant le Fils, le Père se crucifie lui-même.
La croix de Jésus est au coeur d’un amour qui a éternellement forme de Sacrifice»
(F. Varillon, La souffrance de Dieu, Bayard-Centurion 1975, p. 109).
Pendant l’ultime repas, Jésus fera circuler sa propre coupe
pour la donner à boire à ses disciples,
comme un geste de communion au don qu’il fait de sa vie:
Ceci est mon sang versé pour la multitude (Mc 14,24).
Prenez et buvez en tous… c’est le sang de l’alliance
en vue du pardon des fautes (Mt 26,28).
«Dans le repas de la Pâque juive, tel qu’il était célébré à l’époque de Jésus,
il y avait quatre coupes de vin …
et la distribution de la 4e coupe était accompagnée de cette prière un peu terrifiante:
» Dieu, répands ta colère sur les peuples qui ne te connaissent pas
et sur les royaumes qui ne prononcent pas ton nom. »
Jésus, au contraire, … dit explicitement que c’est la multitude des hommes
qui sont mis au bénéfice de la grâce.» (Alain Houziaux, Jésus, Bayard-Centurion 1999, p. 55)
Ce geste de la coupe ne fait pas que marquer le don que Jésus fait de sa vie,
il indique aussi l’implication personnelle qu’il attend
de ceux qui boivent à sa propre coupe:
La coupe que moi je vais boire, vous boirez,
et le baptême dont moi je vais être baptisé, vous serez baptisés.
C’est probablement le sens que nous devons donner
à la formule de la liturgie eucharistique: Vous ferez cela en mémoire de moi.
Celui qui boit à la coupe du « don de la vie » doit s’engager à livrer sa propre vie,
c’est-à-dire à vivre le pardon toujours et envers tous, jusqu’à 70 x 7 fois (Mt 18,22).
Vous le savez: les soi-disant chefs des nations dominent en seigneurs sur elles
et leurs grands exercent de haut le pouvoir sur elles.
Il n’en sera pas ainsi parmi vous.
Il est remarquable que le récit de la passion de Jésus soit plusieurs fois scandé
par ces remarques de Jésus sur le service et sur la non domination.
Ainsi après la deuxième annonce de la passion, Jésus donnera cet enseignement:
Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous (Mc 9,35).
Dans le récit de Luc, c’est autour du dernier repas
que vient encore le même enseignement:
Lequel est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert?
je suis au milieu de vous comme celui qui sert (Lc 22,27).
Dans le récit de Jean, Jésus mimera ce service par le geste du lavement des pieds.
Les premiers chrétiens, qui ont composé ces catéchèses que sont les évangiles,
n’ont-ils pas voulu marquer le lien essentiel qu’il y a entre la mort de Jésus
et le pouvoir dominateur?
Ces chefs des nations qui dominent et font sentir leur pouvoir
sont tout autant les chefs de la Rome païenne
que les chefs religieux juifs qui vont mettre Jésus à mort.
«L’image de Dieu que ce pouvoir religieux véhicule et son désir de puissance
ne peuvent s’accorder à la liberté personnelle responsable
qu’exige Jésus dans sa relation avec Dieu» (C. Duquoc, Assemblées du Seigneur 60, p. 48).
C’est parce qu’ils ne peuvent imaginer un Dieu humble
et qui s’agenouille devant celui qui le renie
que les chefs religieux feront taire le prophète de Galilée.
Malgré les enseignements des prophètes,
les chefs d’alors avaient de Dieu l’image du Tout-Puissant.
On donne bien souvent à Dieu le visage qui est celui de nos chefs terrestres.
Et cette image de la grandeur va rejaillir sur notre image de Dieu.
«Le plus grand, c’est celui qui écrase, qui a des sujets, qui commande et exige d’être obéi.
C’est celui devant qui le peuple n’est que poussière.
Et c’est pourquoi les Pharaons sont divinisés.
… Mais si le Pharaon est Dieu, Dieu est aussi un Pharaon.
Dieu apparaîtra comme le maître absolu devant lequel nous ne sommes que néant»
(M. Zundel, Vivre l’Évangile, St-Paul 97, p. 33-34).
De fait, cette image de la grandeur divine toute puissante n’habite-t-elle pas encore,
le plus souvent, nos mémoires? N’empoisonne-t-elle pas nos relations:
celle que nous avons entre humains comme celle que nous avons avec Dieu?
«Cette image corrompt notre esprit, corrompt aussi notre religion,
parce que justement l’Évangile nous a apporté une autre échelle des valeurs.
À cette échelle des valeurs fondée sur la domination,
sur l’écrasement de la fragilité humaine par la puissance divine,
l’Évangile oppose une nouvelle échelle des valeurs, incroyable, merveilleuse
et dont nous n’avons pas encore commencé de comprendre la portée» (ibid. p.35).
La plus belle image de Dieu que Jésus nous ait donnée se trouve sans doute
dans le geste du lavement des pieds.
Et ce geste de Jésus n’est pas d’abord une attitude d’humiliation mais d’amour et de tendresse.
Laver les pieds n’était pas le travail du serviteur mais c’était le geste d’affection
que les enfants avaient envers leurs vieux parents.
Et de même l’humilité du Jésus (et de Dieu) n’a de sens
que parce qu’elle est la porte de notre communion en son amour.
Celui qui aime ne peut qu’être humble et vulnérable. Et Dieu n’est qu’amour.
C’est dans ce geste du lavement des pieds que le «visage de Dieu se révèle enfin,
le vrai, l’unique visage de Dieu, inconnu, insoupçonné, imprévisible, merveilleux,
celui que monde d’aujourd’hui attend et ne connaît pas encore» (ibid. p. 37).
Voilà peut-être la mission actuelle la plus urgente des disciples du Christ Jésus:
témoigner dans leur relations fraternelles au sein des communautés chrétiennes
aussi bien que dans les relations quotidiennes
au sein de la famille, du réseau d’amis, du groupe de travail,
que l’amour vrai a visage d’humilité et de gratuité.
Georges Convert
»»» Questions
1. Comment peut-on comprendre la demande de Jacques et de Jean?
2. Que signifie le mot «gloire» dans la Bible?
3. Comment la gloire peut-elle être associée à la souffrance?
4. Que signifient les images du baptême et de la coupe?
5. Comment comprendre que Jésus donne sa vie en rançon?
6. Qu’est-ce que Jésus demande à ses disciples à la veille de sa mort?
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