26e dimanche ordinaire (année A), selon l’écrit de Matthieu (21, 28-32)
[Alors que Jésus enseigne dans le Templeil dit aux grands-prêtres et aux Anciens du peuple:] 28 Quel est votre avis? Quelqu’un avait deux enfants.
Il s’approche du premier et dit:
«Enfant! Va travailler aujourd’hui dans la vigne.» 29 Celui-là répond et dit: «Je ne veux pas.»
Plus tard, il regrette et y va. 30 Il s’approche de l’autre et dit la même chose.
Celui-ci répond et dit: «Présent, seigneur.» Mais il n’y va pas. 31 Lequel des deux a fait la volonté du père?
Ils disent: Le premier.
Jésus leur dit:
Amen, je vous dis que les percepteurs d’impôt et les prostituées
vous précèdent dans le Règne de Dieu. 32 Jean vous a apporté [l’enseignement] d’un droit chemin
et vous n’avez pas cru en lui.
Mais les percepteurs d’impôts et les prostituées ont cru en lui.
Et vous, en voyant cela, vous n’avez pas regretté
pour finalement croire en lui.
—
Le commentaire du pain sur la table,
par Georges Convert.
Une toute petite parabole qui semble à première vue facile.
Pourtant elle pose plusieurs questions : Qu’est-ce que faire la volonté du Père Divin?
Concrètement, en quoi les prostituées et les publicains font-ils la volonté de Dieu
et en quoi les grands-prêtres et les Anciens ne la font pas?
La place de ce texte dans le récit de Matthieu
D’après Matthieu, notre parabole a été dite par Jésus
dans le cadre d’une discussion avec les prêtres et les membres du Sanhédrin.
Jésus vient d’entrer à Jérusalem où il a chassé les vendeurs du parvis du Temple.
C’est un geste risqué car Jésus provoque ainsi directement les prêtres du Temple.
Les chefs demandent d’ailleurs à Jésus par quelle autorité il ose agir ainsi.
En bon rabbi, habitué aux discussions d’école, Jésus va répondre par une question :
Je vous poserai une seule question:
d’où vient le baptême de Jean le baptiste? De Dieu ou des humains?
La prédication de Jean n’a pas été entendue par l’élite religieuse du peuple juif.
Ce sont au contraire les petites gens qui ont reconnu
que le message de Jean était inspiré par Dieu.
C’est ce que nous rapporte le récit évangélique de Luc :
Tout le peuple –et même les percepteurs d’impôts– qui a entendu Jean
ont reconnu le droit chemin de Dieu en se faisant baptiser. ..
.Mais les Pharisiens et les scribes ont repoussé le dessein de Dieu sur eux
en ne se faisant pas baptiser (7,29-30)
Ce sera aussi la conclusion donnée par Matthieu à notre parabole :
Les percepteurs d’impôts et les prostituées ont cru en [Jean]
Et vous, en voyant cela, vous n’avez pas regretté, pour finalement croire en lui.
La parabole devrait donc nous faire connaître ce qu’est ce droit chemin (la justice)
que Jésus, à la suite de Jean, révèle par sa vie et son message.
Qu’est-ce qui caractérise et distingue les deux fils de la parabole?
L’un est un caractère plutôt entier et direct:
sa réponse à l’invitation de son père est sans détour: Je ne veux pas.
Mais son deuxième mouvement en est un de conversion.
Il ne craint pas de changer d’avis –et de vie– puisqu’il va travailler à la vigne.
L’autre met les formes et répond avec politesse.
Mais son adhésion n’est que du bout des lèvres car il ne va pas à la vigne.
Ce qui distingue ces deux fils, est donc leur réponse ‹concrète› à la volonté du Père.
Quelle est concrètement cette volonté du Père?
Dans la parabole, le Père demande d’aller à la vigne.
Dans toute la Bible, la vigne du Seigneur-Dieu, c’est son peuple –Israël–
qui doit porter les fruits dignes de sa communion avec Dieu,
et Dieu est comparé à un époux amant de sa vigne, comme le fait Isaïe :
Que je chante le chant du bien-aimé et de sa vigne.
Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau plantureux.
Il y retourna la terre, enleva les pierres et y planta un plant de choix.
Au milieu, il bâtit une tour et il creusa un pressoir.
Il en attendait de beaux raisins, mais il n’en eut que de mauvais.
La vigne du Seigneur, c’est le peuple d’Israël. Il en attendait l’équité et c’est la méchanceté.
Il en attendait le droit et il ne trouve que les cris des malheureux (Is 5,1-2.7).
Les prophètes fustigeront souvent Israël
parce qu’il ne donne pas les vrais fruits que Dieu attend de lui :
Ils ont vendu le juste pour de l’argent et le pauvre pour une paire de sandales…
Ils détournent les ressources des humbles. (Am 2,6-7)
Je connais la multitude de vos révoltes et l’énormité de vos péchés,
oppresseurs du juste, extorqueurs de rançons : (5,12)
vous pressurez l’indigent en lui saisissant sa part de grains. (5,11)
Tous, prophètes et prêtres ont une conduite fausse.
Quand je veux récolter chez eux: pas de raisins à la vigne! Pas de figues au figuier!
Le feuillage est flétri. (Jr 8,10.13)
Jean le baptiste criera également contre le péché d’Israël:
Tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. (Mt 3,10)
Le texte qui précède rapporte un geste de Jésus envers un figuier stérile :
Voyant un figuier il s’en approcha mais il n’y trouva rien, que des feuilles.
Il lui dit : «Jamais plus tu ne porteras de fruit!» À l’instant même le figuier sécha. (Mt 21,18-19)
Le geste est celui d’un prophète qui veut donner force et éclat à son enseignement.
Le figuier comme la vigne représente Israël,
du moins ici ses chefs qui ne portent pas de fruit et vont rester stériles.
Pourquoi prêtres et Anciens sont ils comparés au fils qui ne travaille pas à la vigne?
Marc et Luc ajoutent les scribes aux prêtres et aux Anciens.
Les scribes sont les spécialistes de la Tora qu’ils devraient donc observer.
en produisant des fruits qui lui sont conformes.
Mais, plus loin, Matthieu attribuera aussi aux Pharisiens les reproches que Jésus fait aux scribes:
Les scribes et les Pharisiens siègent dans la chaire de Moïse:
faites donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire,
mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. (Mt 23,1-3)
Cela rejoint l’avertissement lancé déjà par Jésus :
Il ne suffit pas de me dire : «Seigneur! Seigneur!» pour entrer dans le règne des cieux.
Il faut faire la volonté de mon Père.» (Mt 7,21)
Scribes et Pharisiens appliquent pourtant nombre des préceptes de la Tora:
ils versent la dime, appliquent les règles de purification, portent franges et phylactères.
Mais ils font tout cela, non par amour, mais pour se faire remarquer (cf. Mt 23,5 et 28).
Ils font toutes leurs oeuvres pour être remarqués
Au dehors vous semblez justes mais au dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et sans Tora.
Pour Jésus, on est ‹sans Tora› lorsqu’on n’en pratique pas les points fondamentaux :
Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites,
qui négligez ce qu’il y a de plus grave dans la Tora:
la pratique de ce qui est droit et juste, la miséricorde et la fidélité. (Mt 23,23)
Comment comprendre ce que Jésus considère comme fondamental?
700 ans avant Jésus, le prophète Michée disait déjà (Mi 6,6-8)
[Tu dis:] «Avec quoi me présenter devant le Seigneur-Dieu?
Le Seigneur-Dieu voudra-t-il des milliers de béliers?
Donnerai-je mon premier-né pour prix de ma récolte, l’enfant de ma chair pour mon péché?»
On t’a fait connaître, ô homme, ce que le Seigneur exige de toi : rien d’autre
que le respect du droit, l’amour de la fidélité, la vigilance dans ta marche avec Dieu.
Pour les prophètes la communion avec Dieu (l’alliance) se réalise
par la pratique de la justice et de l’amour
et non pas par la multiplication des rites religieux, des offrandes et des sacrifices.
[Dieu dit:] «Je déteste, je méprise vos pèlerinages.
Dans vos offrandes rien qui me plaise. Je détourne les yeux de vos sacrifices.
Éloignez de moi vos cantiques… mais que le droit jaillisse comme les eaux
et la justice comme un torrent intarissable.» (Am 5,21-24)
Cette priorité à la solidarité et à la bonté est constamment rappelée par les prophètes:
Recherchez la justice, faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve. (Is 1,17)
Défendez le droit et la justice : libérez le spolié du pouvoir de l’exploiteur,
n’opprimez pas et ne maltraitez pas l’immigré, l’orphelin et la veuve. (Jr 22,3)
Citons enfin Osée: C’est l’amour que je préfère, non l’offrande sacrificielle. (Os 6,6)
Cette formule semble avoir été souvent sur les lèvres de Jésus : (Mt 9,13; 12,7).
Pour André Chouraqui, un exégète juif, la primauté de l’amour sur les rites
est le thème central de la prédication de Jésus.
Et c’est cette pratique de la charité qui traduit concrètement le ‹travailler à la vigne›
L’apôtre Paul énumèrera les vrais fruits de cette vigne:
amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance… (Ga 5,22-23).
Et il précise: en ce qui concerne ces choses, il n’est pas de loi.
On ne peut agir seulement sous l’obligation de commandements et par crainte,
il faut être inspiré, mu par l’amour.
Quand Jésus dira à ses disciples qu’il est, lui-même, la vigne
et que chaque disciple est un sarment de la vigne qui portera du fruit en abondance,
il parlera moins de règles à observer que de communion :
Demeurez en moi comme je demeure en vous. Je suis la vigne, vous êtes les sarments.
Celui en qui je demeure et qui demeure en moi, celui-là produira du fruit en abondance.
Je vous ai choisis pour que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. (Jn 15,4-5.16)
Amen, percepteurs d’impôt et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu.
Comment comprendre que ce sont les pécheurs qui font la volonté du Père?
Comment Jésus peut-il comparer les prêtres et les membres de la haute assemblée
aux prostituées et aux percepteurs d’impôts?
Ces derniers sont considérés comme des voleurs parce qu’ils mettent dans leur poche
une partie des sommes qu’ils imposent aux contribuables;
ils sont, de plus, perçus comme des collaborateurs avec l’ennemi romain
puisque c’est au nom de Rome qu’ils perçoivent les taxes.
Ainsi, pour Jésus, ce sont des pécheurs notoires qui travaillent au règne de Dieu
plutôt que les chefs religieux et politiques et les spécialistes de l’Enseignement.
Jésus oppose ces hommes qui se perçoivent comme les justes, les fidèles de Dieu,
à ceux que la vie et la fonction tiennent loin de la Tora.
Comment comprendre cela? Jésus ferait-il l’éloge de la prostitution et du vol?
Il constate une chose : ce sont des pécheurs qui ont cru au message de Jean,
comme ce sont des pécheurs qui trouvent dans son message une espérance.
Un peu comme si, pour être rejoint par l’Évangile,
il fallait d’abord prendre conscience de son éloignement de Dieu.
Cela, les chefs des prêtres et les responsables ne sont pas en mesure de le faire.
Leur genre de vie les classe dans les fidèles à Dieu:
ils prient en public, ils pratiquent le jeûne, ils font l’aumône au su et vu de tous.
Mais, en fait, ils aiment en parole, et non en actes et en vérité (cf. 1Jn 3,1)
Par contre, ce sont les foules et les publicains qui ont répondu à la prédication de Jean :
Les foules demandaient à Jean: «Que nous faut-il donc faire?»
Il leur répondait: «Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas.
Si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même.»
Des collecteurs d’impôts vinrent se faire baptiser et lui dire : «Maître, que nous faut-il faire?»
Il leur dit: «N’exigez rien de plus que ce qui a été fixé.» (Lc 3,10-13)
Qu’est-ce qui rend ces pécheurs plus ouverts à la miséricorde que les scribes?
Maurice Zundel nous aide à comprendre cela :
«Les religions risquent de présenter la morale comme une contrainte,
une contrainte sans doute nécessaire, une contrainte bienfaisante, mais une contrainte…
Toute la sainteté est là : laisser vivre cet Autre en nous, qui est confié à notre amour….
En Jésus, il n’y a plus de morale, il y a une mystique,
il y a un mariage d’amour qui assume toute la vie, qui la transfigure…
Il y a donc un dialogue d’amour où la morale devient: ‹aime›…
Parce que dans ce débat où il s’agit de se construire,
on rencontre une Présence dans le silence de soi, on rencontre enfin l’Amour.
Cet Amour que l’on cherche partout sans jamais le trouver, on le rencontre enfin,
et alors toute la morale devient «Aime et fais ce que tu veux»
C’est dans l’union avec le Seigneur que nous allons nous réaliser en plénitude.
S’il y a Quelqu’un qui nous attend et qui nous aime,
si c’est pour Lui qu’il s’agit de devenir un espace de lumière et d’amour,
toute contrainte est exclue, mais toute exigence peut s’accomplir.» (Nouveau Dialogue 120, p.26)
Pour éclairer cette question, empruntons une réflexion à Abraham Baumgarten,
un sociologue juif qui a étudié tout particulièrement le temps où Jésus a vécu.
«Pour un Juif de l’époque de Jésus, être saint, c’est être lié à des obligations, à des restrictions.
Dans le judaïsme, la sainteté est une servitude par rapport à la Loi.
Plus vous êtes saint, plus on vous demande des comptes.
Jésus a une tout autre notion de la sainteté. Pour lui, être saint, c’est être libre.
Pour un Juif, dire que la sainteté se trouve dans la liberté
et non pas dans la restriction, c’est une révolution.»
(S. Malka, Jésus rendu aux siens, Albin Michel, p.141-142)
La disponibilité des prostituées et collecteurs d’impôts peut s’expliquer par leur liberté.
Ils n’ont pas d’images d’eux-mêmes à défendre, ni devant les humains ni devant Dieu.
Ils sont libres par rapport aux préceptes secondaires de la Tora.
Celle-ci n’est pas pour eux un code de privations
et ils peuvent donc aller à l’essentiel pour vivre davantage dans l’amour gratuit.
Ils sont davantage prêts à comprendre que faire la volonté de Dieu,
ce n’est pas d’abord observer des règles, mais c’est entrer en communion avec Lui.
Seul le coeur battant au rythme de l’amour peut entrer dans cette dynamique de vie.
Le coeur, qui se croit juste et correct parce qu’il se prive, devient dur et sec,
étant davantage sur la longueur d’onde de sa propre gloire que sur celle de l’amour.
Les scribes contemporains de Jésus peuvent se retrouver aujourd’hui,
comme le dit Zundel, en ces chrétiens qui ignorent la révolution qu’opère l’Évangile :
«Les chrétiens sont encore dominés par la législation mosaïque.
Ils ne sont pas passés à une révolution dont Jésus est la source.
Il n’y a pas de morale chrétienne. Il y a une mystique chrétienne.
L’immense majorité des chrétiens ne s’en sont pas aperçus» (ibid.)
.
Vous n’avez pas regretté!
Dès le début de sa prédication, Jésus proclame: Convertissez-vous! (Mt 4,17)
On traduit parfois ‹convertissez-vous› par ‹faites pénitence›.
Mais les verbes grecs regretter et se convertir indiquent tous deux un changement :
changement d’attitude, changement de façon de voir, de penser, d’agir.
La conversion est un retour à Dieu parce que notre regard sur Lui change.
Pour exprimer ce retour, le prophète Osée prenait l’image de la femme
qui revient vers son époux après avoir couru après des amants.
Ces amants sont les idoles qui possèdent notre coeur et le mettent en esclavage.
Ces idoles ont le visage de l’argent, du pouvoir, du sexe vécu sans amour véritable.
Mais il est peut-être une autre idole plus pernicieuse :
chaque fois que nous vivons avec Dieu comme avec un Tout-Puissant
–juge et punisseur–, nous en faisons une idole.
Le Dieu fort et puissant qui domine l’être humain par la crainte et qui le rend esclave,
ce Dieu n’est pas le Père Tout-aimant de Jésus.
Le Dieu d’Osée est un Dieu amoureux de son peuple, de chacun de ses fils et filles.
Ce Dieu ne veut pas vaincre par la peur mais convaincre par son amour :
C’est moi qui vais la séduire: je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur.
Je te fiancerai à moi par la justice et le droit, par la miséricorde et la tendresse,
je te fiancerai à moi par la fidélité et tu me connaîtras, moi ton Seigneur.
Et là elle me répondra comme au temps de sa jeunesse. (Os 2,16-17.21-22)
.
Je vous donnerai un coeur neuf, je mettrai en vous un esprit neuf.
J’enlèverai de votre corps le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair.
Je mettrai en vous mon propre esprit et vous ferai marcher selon mes pratiques. (Éz 36,26-27)
Jésus dira qu’on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres. (Mc 2,22)
.
Le vin nouveau est cette façon toujours neuve de voir Dieu avec des yeux d’amant,
cette capacité de se renouveler constamment pour rester amoureux de Dieu
et du prochain, de retrouver toujours la ferveur de la jeunesse.
C’est être vieux que de se durcir dans ses attitudes et ses façons de penser,
dans une pratique de routine où il n’y a plus d’amour.
Il en est souvent ainsi de nos relations humaines comme de notre lien avec Dieu.
L’observance des règles, même les plus belles et les plus nobles, ne vaut rien
si cela n’est pas fait avec amour… et donc avec l’humilité
de celui qui se sait toujours manquant d’amour, manquant à l’amour.
Péguy a bien décrit ceux qui sont comme blindés dans leur bonne conscience
parce qu’ils sont en règle avec les commandements de Dieu :
«Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée.
C’est d’avoir une pensée toute faite. …
Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse. C’est d’avoir une âme habituée.
On a vu les jeux incroyables de la grâce pénétrer une mauvaise âme
et même une âme perverse, et on a vu sauver ce qui paraissait perdu.
Mais on n’a pas vu mouiller ce qui était verni, on n’a pas vu traverser ce qui était imperméable,
on n’a pas vu tremper ce qui était habitué.
De là viennent tant de manques … dans l’efficacité de la grâce,
et que, remportant des victoires inespérées dans l’âme des plus grands pécheurs,
elle reste souvent inopérante auprès des plus honnêtes gens.
C’est que … les honnêtes gens, ou enfin ceux … qui aiment à se nommer tels,
n’ont pas de défauts eux-mêmes dans l’armure. Ils ne sont pas blessés.
Leur peau de morale constamment intacte leur fait un cuir et une cuirasse sans faute.
Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure. …
Ils ne présentent point cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché.
Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont plus vulnérables.
Les honnêtes gens ne ‹mouillent› pas à la grâce.»
(Note conjointe sur Descartes, Gallimard, 1935, p.96ss)
Le premier fils a ‹mouillé› à la grâce et à la vie.
Le second s’est enfermé dans son ego impeccable et dans la mort.
Georges Convert
»»» Questions
- Quelles questions nous pose l’attitude de Jésus face aux deux fils ?
- Comment peut-on justifier l’attention prioritaire de Jésus envers les pécheurs?
- Quel visage de Dieu est-il exprimé par l’attitude de Jésus et les écrits des prophètes?
- Qu’est-ce qui est reproché aux prêtres et aux scribes?
- Quelle conversion personnelle cette parabole nous enseigne-t-elle?
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