1er dimanche de l’avent (année B), selon l’écrit de Marc (13, 3-4, 33-37)
3 Sur le mont des Oliviers, comme Jésus est assis en face du Temple,
Pierre, Jacques, Jean et André l’interrogent à l’écart:
4 Dis-nous quand ce sera et quel est le signe que tout cela doit s’achever?
Jésus commence à leur dire:
33 Prenez garde! Restez éveillés! Vous ne savez pas quand ce sera le temps.
34 C’est comme un homme parti en voyage qui a laissé sa maison
et qui a donné à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche.
Au portier, il commande de veiller.
35 Veillez donc! Vous ne savez pas quand le seigneur de la maison vient:
ou le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou le matin.
36 De peur que, venant à l’improviste, il ne vous trouve endormis!
37 Ce que je vous dis, à tous je le dis: veillez!
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Le commentaire du pain sur la table,
par Georges Convert.
Avec ce 1er dimanche de l’Avent, s’ouvre une nouvelle année liturgique, que l’on appelle l’année B et où nous lisons principalement le récit de Marc. Le mot Avent (à ne pas confondre avec avant) signifie avènement, venue. Ce temps liturgique de l’Avent sera le temps de la préparation à la fête de Noël où l’on célèbre la première venue du Christ Jésus, il y a quelque 2000 ans. Mais ce sera aussi l’attente de la seconde venue du Seigneur. C’est d’elle que nous parle le texte de ce jour.La place du texte dans le récit de Marc
Notre passage prend place dans le discours apocalyptique des récits synoptiques. Le motapocalypse veut dire révélation, dévoilement de ce qui est caché. Les évangélistes ont regroupé ici tous les enseignements de Jésus qui concernent à la fois la ruine du Temple de Jérusalem, la venue du Fils de l’homme et le Dernier Jour de l’humanité. Ces récits se trouvent placés en prologue du récit de la passion-résurrection et on peut penser qu’iIs ont quelque chose à nous dire sur le sens profond de la mort-résurrection de Jésus.
Les ténèbres qui règnent dans le monde
La littérature juive du temps de Jésus parle abondamment des ténèbres qui règnent dans le monde. Les forces du mal sont puissantes dans ce petit pays qu’est alors Israël. Concrètement, elles ont alors le visage de la Rome païenne, ce puissant empire qui brime le peuple de Dieu depuis 100 ans. Le Talmud -qui est un recueil d’explication des textes de la Bible hébraïque- interprète le monde actuel comme le temps de la nuit et la venue du Jour de Dieu comme le temps du matin. La nuit que connaît Israël, ce sont des conditions très pénibles: taxes et impôts, chômage, vexations et brimades, joug de l’armée d’occupation. Cependant la littérature juive de l’époque est aussi pleine de l’espérance qu’un Jour le temps des ténèbres prendra fin. C’est ainsi que le Talmud interprète un texte d’Isaïe (21,11-12):
Veilleur, où en est la nuit? Veilleur, où en est la nuit?
Le veilleur répond: «Le matin vient… Venez, convertissez-vous!»
Les textes du prophète Daniel servaient souvent à décrire cette espérance. On lisait ces textes comme une description de la venue du messie. Cette venue du messie serait précédée d’événements graves: meurtre d’un personnage consacré, profanation du Temple et fin du culte; ces événements seraient l’oeuvre d’un persécuteur impie.
Et après soixante-deux septénaires, un messie sera retranché…
Quant à la ville et au sanctuaire, le peuple d’un chef à venir les détruira;
mais sa fin viendra dans un déferlement….
Des forces viendront profaner le sanctuaire-citadelle,
ils aboliront le sacrifice perpétuel
et y mettront l’abomination de la désolation (Dn 9,26; 11,31).
La ferveur populaire voyait aussi dans ces faits des signes de la fin de ce monde. Elle faisait donc un lien entre fin de ce monde et venue glorieuse du messie qui instaurerait enfin le règne de Dieu sur Israël. Le texte de Daniel donnait également un visage à ce messie par la figure du Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel et recevant de Dieu le pouvoir éternel sur le monde:
Je regardais dans les visions de la nuit,
et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’Homme;
il arriva jusqu’au Vieillard, et on le fit approcher en sa présence.
Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté:
les gens de tous peuples, nations et langues le servaient.
Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas,
et sa royauté, une royauté qui ne sera jamais détruite (Dn 7,13-14).
Dis-nous quand ce sera et quel est le signe que tout cela doit s’achever.
Notre parabole s’inscrit dans une réponse de Jésus aux disciples (Mc 13,4). C’est en effet alors qu’il leur parle de la ruine du Temple que les disciples font spontanément le lien avec la fin des temps, en faisant sans doute référence aux écrits de Daniel. Mais, contrairement à la pensée de nombre de ses compatriotes, la réponse de Jésus voudra dissocier venue du Messie et fin du monde.
Lorsque vous verrez l’abomination de la désolation [dans le temple],
que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes…
En ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière.
Et alors on verra le Fils de l’homme venant dans des nuées
avec grande puissance et gloire.
Quand vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de l’homme est proche.
Cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive (Mc 13,24-31 passim).
En empruntant des images au livre de Daniel, Jésus annoncerait que sa manifestation glorieuse comme Messie, Fils de l’homme, est proche, et que cette manifestation serait précédée de l’abandon du Temple profané. Mais cette manifestation du Fils de l’homme ne serait pas le Jour de la fin des temps puisque ce Jour est inconnu de tous, y compris de Jésus, comme il le dit:
Au sujet de ce Jour ou cette Heure, nul ne les connaît,
ni les anges du ciel, ni le Fils, personne sinon le Père (Mc 13,32).
Cette description éclaire-t-elle les événements de la passion-résurrection?
Jésus a déjà dénoncé la présence des marchands dans le Temple comme une sorte de profanation:
Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations.
Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits (Mc 11,17).
Dans le récit de Matthieu, il déclarera les chefs religieux coupables parce qu’ils ont versé le sang des justes jusque dans le Temple (Mt 22,34s).
Et il prédit que le Temple sera déserté, même détruit:
Votre maison, elle va vous être laissée déserte!
Amen, il ne restera pas ici pierre sur pierre: tout sera détruit (Mt 23,38; 24,2).
Cette prédiction sur le Temple aura été sans doute très importante pour les rédacteurs des évangiles. Elle est l’une des principales accusations lors du procès de Jésus:
Nous l’avons entendu dire: «Moi, je détruirai ce sanctuaire fait de main humaine
et en 3 jours j’en construirai un autre
qui ne sera pas fait de main humaine» (Mc 14,58).
Mais, pour Jésus, le Temple de pierre n’est que le symbole d’un autre Temple. Le récit de Jean précisera que Jésus parle du temple qu’est son corps (cf Jn 2,21). C’est sa propre mort que Jésus associe à la ruine et à l’abandon du Temple. En profanant la présence divine dans la personne du messie qu’ils crucifient, les grands-prêtres profanent le Temple. Aussi ce Temple ne sera plus désormais le lieu sacré de la présence de Dieu. Et c’est probablement le sens de la déchirure du voile du Temple au moment où Jésus rend le dernier soupir:
Poussant un grand cri Jésus expire.
Le voile du Sanctuaire se déchire en deux du haut en bas (Mc 14,58).
C’est le Fils de l’homme ressuscité qui désormais révèlera la présence divine. Ce sera d’ailleurs la principale réponse de Jésus au grand-prêtre lors du procès:
Vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite du Tout-Puissant
et venant avec les nuées du ciel (Mc 14,62).
Les nuées célestes symbolisent le caractère divin de la venue du Fils de l’homme. À travers toutes ces images du temple profané et du Fils de l’homme divinisé, Jésus décrit le sens qu’il donne à sa mort et sa foi en sa propre résurrection. Il est convaincu que sa mort -parce que vécue dans l’amour le plus pur- le fera entrer pleinement dans la gloire divine, dans la plénitude de l’amour du Père. C’est ce que révèle l’homme qui accompagne les disciples sur la route d’Emmaüs:
Ne fallait-il pas que le Messie souffre cela pour entrer dans sa gloire (Lc 24,26).
Et par cette mort d’amour, Jésus deviendra source d’amour pour tous ceux qui seront en communion avec lui. C’est ce qu’il répond aux Grecs venus l’interroger peu avant son arrestation:
Elle est venue, l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié.
Je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul;
si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance.
C’est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors.
Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les humains (Jn 12,23-24.31-32).
Élevé sur la croix, Jésus sera élevé dans la gloire divine. Ressuscité, il peut -et cela tout au long des siècles- venir auprès des siens pour leur communiquer la force de son amour et sa joie. C’est ce qu’il explique aux disciples lors du Dernier Repas:
Vous cherchez entre vous le sens de ma parole:
«Encore un peu et vous ne m’aurez plus sous les yeux,
et puis encore un peu et vous me verrez.»
Amen… vous serez affligés
mais je vous verrai à nouveau, votre coeur alors se réjouira (Jn 16,19-22).
Départ de Jésus dont le temple-corps-humain va être détruit, mais venue du Fils de l’homme dans un temple-corps-ressuscité par Dieu: c’est sur ce fond de décor que vient se greffer la parabole du retour de l’homme parti en voyage.
Vous ne savez pas quand le seigneur de la maison vient:
ou le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou le matin.
C’est de nuit que le seigneur de la maison vient. Sans doute pour symboliser qu’il vient apporter la lumière dans un monde où l’on est plongé dans la nuit du mal. Cette venue sera déjà réalisée lors de la résurrection de Jésus. C’est de grand matin, à l’aube, alors qu’il fait encore ténèbre (Jn 20,1) que les femmes font la rencontre du seigneur de la maison qui est de retour: le Fils de l’homme ressuscité, nimbé de la gloire divine. Les autres disciples seront, eux aussi, témoins de ce retour à la vie. Et cette rencontre les établira comme les témoins du Seigneur Vivant auprès de toutes les générations de chrétiens au long de l’histoire. Mais il appartiendra à chaque génération (à chaque chrétien-ne) de rendre réelle cette rencontre du Ressuscité dans la nuit de sa propre vie. Tout repas eucharistique sera le moment où l’on fera mémoire de cette venue du Fils de l’homme dans sa gloire divine. Faire mémoire, au sens fort du mot qui veut dire: rendre actuelle sa présence. La liturgie eucharistique fera crier: Marana tha! qui signifie Notre Seigneur, viens! Cette attente de la venue du Seigneur sera fervente chez les premiers chrétiens. Tout spécialement dans la nuit de la Pâque: «À la tombée du jour, les fidèles s’assemblent pour passer la nuit à prier. Au début de la vigile on allume des lampes. C’était la grande veillée, « la plus auguste de toutes les vigiles », dit saint Augustin. Elle durait jusqu’à l’aube. Elle devait disposer les coeurs à attendre le Seigneur. Résurrection et attente du Kyrios (Seigneur) se fondent dans une même célébration» (A. Hamman, La vie quotidienne des premiers chrétiens, Hachette 1971, p. 216).
Des textes des 1ers siècles illustrent cette attente qui se faisait souvent de nuit. «Il faut prier vers minuit. Les anciens nous ont raconté ce qu’on faisait autrefois. Ils nous ont appris ceci: à minuit, le monde entier se repose un moment pour louer le Seigneur; à cette heure-là, les étoiles, les arbres, l’eau s’arrêtent un instant et tous les anges qui servent Dieu chantent ses louanges. C’est pourquoi les croyants doivent prier volontiers à cette heure-là. Le Seigneur Jésus nous assure que tout cela est vrai; il dit: « Au milieu de la nuit, on entend un cri: Voici le marié, sortez pour aller à sa rencontre. » Et il continue en disant: « Restez donc éveillés parce que vous ne connaissez ni le jour ni l’heure»(Tradition des Apôtres). «Vous vous réunirez et vous ne dormirez pas. Vous veillerez toute la nuit dans la prière et dans les larmes. Vous lirez les Prophètes, les Évangiles et les Psaumes, jusqu’à la troisième heure de la nuit qui suit le samedi. Alors vous cesserez le jeûne, vous offrirez le sacrifice, vous mangerez et serez dans la joie et la jubilation parce que le Christ, prémices de notre résurrection, est ressuscité» (Didascalie 21,14).
De peur que, venant à l’improviste, il ne vous trouve endormis!
Ce que je vous dis, à tous je le dis: veillez!
Que signifie cette insistance à veiller, à ne pas dormir? C’est que Jésus continue à venir sans cesse au milieu des siens: mais sa venue est le plus souvent secrète. Si, pour l’apôtre Paul, cette venue se fera subitement sur la route de Damas, Jésus lui révèlera qu’il aura déjà été bien souvent sur son chemin:Je suis Jésus que tu persécutes dans mes disciples (Ac 9,5). Dans la parabole du jugement dernier, Jésus affirme aussi sa présence dans la personne de ceux qui sont affamés, malades, en prison:
Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères,
c’est à moi que vous l’avez fait (cf. Mt 25,31-46).
On peut donc se laisser surprendre par la venue du Ressuscité, comme on est surpris par un voleur, qui vient presque toujours de nuit. L’apôtre Paul donnera cet enseignement aux Thessaloniciens:
Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres,
pour que ce Jour vous surprenne comme un voleur.
Tous, en effet, vous êtes fils de la lumière, fils du Jour:
nous ne sommes ni de la nuit, ni des ténèbres.
Donc, ne dormons pas comme les autres, mais soyons vigilants et sobres.
Ceux qui dorment, c’est la nuit qu’ils dorment,
et ceux qui s’enivrent, c’est la nuit qu’ils s’enivrent;
mais nous qui sommes du Jour, soyons sobres,
revêtus de la cuirasse de la foi et de l’amour, avec le casque de l’espérance du salut (1Th 5,4-8).
Paul rappelle que les disciples de Jésus sont déjà des fils de la lumière, comme Jésus l’avait dit:
Pendant que vous avez la lumière,
croyez en la lumière pour devenir des fils de lumière (Jn 12,36).
L’Évangile et l’Esprit du Ressuscité sont des guides pour faire vivre dans la lumière de Dieu. Mais celui qui s’endort spirituellement ne verra pas la présence du Ressuscité car il ne vit pas dans la lumière de Dieu. Dans la parabole du Jugement dernier, ceux qui n’auront pas accueilli le pauvre, l’affamé, le malade sont les endormis qui auront failli à leur tâche de serviteurs de leurs frères et soeurs. En effet,cet homme, parti en voyage, a donné à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche. Souvenons-nous de la parabole des talents (cf. Mt 25,14-30):
C’est comme un homme qui part en voyage,
il appelle ses serviteurs et leur remet sa fortune.
Jésus a confié à ses disciples la fortune qu’est l’Évangile; et cela pour être lumière du monde. Paul le rappelle aux Éphésiens:
Autrefois vous étiez ténèbres; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.
Vivez en enfants de lumière. Et le fruit de la lumière s’appelle: bonté, justice, vérité (Ép 5,8-9).
Veiller ne signifie donc pas seulement penser au dernier Jour et méditer…
Il ne s’agit pas d’une attente passive. Être témoin de la lumière de l’Évangile ne signifie pas seulement que le disciple doit annoncer la Parole de Jésus. Il doit en être le témoin parce qu’elle inspire sa vie quotidienne.
Le disciple de Jésus est appelé à réaliser la présence divine en ce monde
en faisant fructifier le don de la bonté qu’il a reçu de son Maître et Ami. En agissant avec bonté, en accueillant les affamés et les malades, le chrétien est éveillé à la présence de l’Esprit qui l’interpelle à travers eux. En effet, ce sont souvent ces humbles et ces marginaux qui nous précèdent dans l’amour de Dieu. Soeur Stéphanie raconte ce petit fait qu’elle voit comme le fruit de la lumière divine:«Nathalie est une maman de trois jeunes enfants qui vit de l’aide sociale. Elle se voit -à sa grande joie- offrir un logement dans un H.L.M. Très vite, elle apprend que voilà quelques mois il y a eu, dans ce logement, un drame familial d’une extrême violence. Inquiète, décontenancée, elle vient me demander de l’aide pour contacter le prêtre de la paroisse. Elle aimerait que l’on fasse une prière dans son futur logement. Des questions théoriques montent en moi: superstition, exorcisme? C’est Nathalie qui spontanément nous dit: «J’aimerais qu’on prie ensemble pour que, dans ce logement où il y a eu tant de violences et tant de douleur, il y ait maintenant, par notre famille, beaucoup d’amour, pour qu’on grandisse en amour» (revue Nouveau Dialogue #111, Montréal).
À travers la nuit du monde, nous pouvons être de « petites lumières », chacun selon notre capacité, selon le talent reçu de Dieu. Une attention à un plus petit, à celui que la société marginalise, c’est ce qui nous fait rejoindre secrètement l’Esprit du Ressuscité qui vit et agit dans le coeur des mal-aimés.
Enfin, veiller à la venue du Ressuscité n’est-ce pas aussi lutter contre l’injustice, une injustice qui renaît sans cesse dans la nuit du monde? Dans le contexte de la mondialisation des marchés, la priorité de bien des gouvernements va de plus en plus vers la bonne santé des finances. C’est ici qu’au nom de l’Évangile peut intervenir le veilleur, en interpelant les décideurs afin qu’on porte attention aux plus démunis. «Une société est jugée au regard qu’elle porte sur les blessés de la vie et à l’attitude qu’elle adopte à leur égard» (Jean-Paul II lors d’un voyage en France).
Voilà 2000 ans que dure le voyage du Seigneur Jésus.
Ne risquons-nous pas de ne plus attendre la venue du Maître? Être dans la lumière du Christ ne signifie pas que nous sommes sortis de ce monde de la nuit. Même si le Père nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le règne du Fils de son amour -comme dit Paul aux Colossiens (1,13)-, nous continuons à vivre dans le temps de la nuit. En tout moment nous courons le risque de tomber, de céder aux puissances du Mal. La parabole du semeur nous le rappelle (Mt13,20-21):
Celui qui a été ensemencé en des endroits pierreux,
c’est celui qui, entendant la Parole, la reçoit aussitôt avec joie;
mais il n’a pas de racine, il est l’homme d’un moment:
dès que vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il tombe.
Ce Mal peut prendre toutes sortes de formes: la course à la richesse, le refus de partager, la volonté de dominer… ou des formes plus sournoises comme l’accoutumance au mensonge… Il n’y a donc rien d’acquis dans notre attachement au Christ. Même si son Évangile fait de nous des « ressuscités » -dans la mesure où nous essayons de le vivre quotidiennement-, nous pouvons toujours nous laisser endormir par ce que le monde présente. Et cela est vrai non seulement pour chaque chrétien mais aussi, malheureusement, au niveau de l’Église tout entière. Dans notre passé d’Église, il y a eu des temps d’aveuglement où nous n’avons pas accueilli la venue du Ressuscité dans notre monde. Il n’est pas nécessaire d’évoquer pour cela l’Inquisition ou les crimes des Borgia! La tentation est toujours actuelle pour l’Église de ne pas vivre l’absolue miséricorde de Jésus envers les pécheurs en donnant priorité à l’ordre plutôt qu’au pardon. Mais une tentation -plus perverse- sera de se croire possesseur de la vérité au point de ne plus voir les semences de la Parole divine dans la vie des autres croyants comme dans celle des incroyants.
Il faut toujours être en état de veille pour discerner l’Esprit oeuvrant dans tous les coeurs de bonne volonté. Le poète indien Tagore traduisait ainsi ce passage discret de Dieu dans le monde: «N’avez-vous pas entendu son pas silencieux? Il approche, Il approche, Il approche. À tout instant, à tout âge, chaque jour et chaque nuit, Il approche…»
Depuis l’aube de Pâques, le Dernier Jour de l’humanité est commencé. C’est avec tous les veilleurs, avec tous ceux qui croient en l’amour, en la bonté, qu’il nous faut faire monter vers le Seigneur notre humble appel pour qu’Il vienne sans cesse parmi nous, pour que nous sachions reconnaître sa présence; même si les chemins de Dieu nous semblent bien souvent déconcertants.
Tu es venu, Seigneur, dans notre nuit, tourner vers l’aube nos chemins;
Le tien pourtant reste caché, l’Esprit seul nous découvre ton passage.
Pour nous mener au jour, Tu as pris corps dans l’ombre humaine où tu descends.
Beaucoup voudrait voir et saisir: sauront-ils reconnaître ta lumière?
Nous leur disons: «Voyez le grain qui meurt! Aucun regard ne l’aperçoit;
mais notre coeur peut deviner dans le pain du partage sa présence.»
Puis nous portons vers toi, comme un appel, l’espoir des hommes d’aujourd’hui.
Mûris le temps, hâte le Jour, et que lève sur terre ton Royaume!
(CFC, Prière du temps présent, p. 679).
Georges Convert
»»» Questions
- Ce texte a une teinte apocalyptique. Que veut dire le mot apocalypse?
- Quel était l’attente de nombreux juifs au temps de Jésus?
- Quelle est la pensée de Jésus à propos du Temple?
- Comment comprendre la conviction de Jésus concernant son retour à la fin des temps?
- Quel peut être le sens de sa venue de nuit?
- Quelle peut être la façon dont nous devons veiller aujourd’hui?
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