5e dimanche de Pâques (année B), selon l’écrit de Jean 15, 1-8
1 Moi, je suis la vigne, celle qui est vraie, et mon Père est celui qui la cultive.
2 Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il l’enlève
et tout [sarment] qui porte du fruit, il l’émonde
pour qu’il porte plus de fruit.
3 Déjà vous êtes émondés grâce à la parole que je vous ai dite.
4 Demeurez en moi et moi en vous.
De même que le sarment ne peut porter fruit de lui-même
s’il ne demeure pas sur la vigne,
de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
5 Moi, je suis la vigne, vous êtes les sarments.
Qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte un fruit abondant,
car hors de moi vous ne pouvez rien faire.
6 Si quelqu’un ne demeure pas en moi,
il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche;
et on les rassemble et on les jette au feu et ils brûlent.
7 Si vous demeurez en moi et mes paroles demeurent en vous,
ce que vous voulez, demandez-le et cela arrivera pour vous.
8 C’est en ceci que mon Père est glorifié:
que vous portiez un fruit abondant
et que vous deveniez pour moi des disciples.
—
Le commentaire du pain sur la table,
par Georges Convert.
Cette parabole de la vigne risque de peu parler à ceux qui sont des citadins.
Pourtant nous sommes au coeur du testament de Jésus.
Et donc ces propos sont ceux qui livrent le message ultime et l’ultime du message.
La place de ce texte dans le récit de Jean
Jean a placé ces propos au cours de l’Ultime Repas de Jésus avec les Douze.
Le chapitre 13 a raconté le lavement des pieds
et annoncé la trahison de Judas et le reniement de Pierre.
Le chapitre 14 a rapporté des échanges entre les disciples et Jésus (Jn 14,9-10.18.26):
Qui m’a vu a vu le Père. Je suis dans le Père et le Père est en moi.
Je ne vous laisserai pas orphelins.
Le Paraclet que le Père enverra vous fera faire mémoire de tout ce que je vous ai dit.
La fin du chapitre semble mettre un terme au Repas: Levez-vous! Partons d’ici (Jn 14,31).
Selon certains, le chapitre 15 pourrait être un doublet des entretiens du Dernier Repas.
Il serait composé de propos parallèles tenus par Jésus en d’autres circonstances.
Il semblerait d’ailleurs rédigés afin de s’adresser aux disciples de tous les temps.
Une question préalable peut s’imposer à nous, disciples de l’an 2000:
ces longues méditations sont-elles les paroles même de Jésus
ou une réflexion du rédacteur principal de l’Évangile?
Souvenons-nous que Jésus est un rabbi qui enseigne par mode oral.
Son enseignement est fait de formules rythmées pour être
aisément mémorisées par ses auditeurs.
Ceux qui sont des auditeurs assidus et appliqués répéteront avec fidélité les leçons du maître.
L’enseignement sera aussi diversifié en fonction des auditoires.
Celui donné aux foules sera plus simple que celui donné aux disciples.
Le récit de Jean nous rapporterait l’enseignement supérieur de Jésus.
C’est en cela que Jean a pu être qualifié comme « l’appreneur préféré » du Maître,
ce qui est souvent traduit sur le mode affectif par «le disciple que Jésus aimait».
Selon l’anthropologue Marcel Jousse, spécialiste des traditions orales,
les propos de Jésus ont été retransmis avec une grande fidélité.
Pour lui, ce serait ne rien comprendre aux règles de la tradition orale
que de penser qu’ils aient pu être remodelés:
«remodelage stylistique et rythmique pédagogiquement inadmissible
dans un milieu de récitateurs qui avaient comme loi traditionnelle:
« Tout appreneur doit réciter dans les termes de son rabbi ».»
(La manducation de la Parole, Gallimard 1975, p. 99).
Jousse croit pouvoir affirmer que «ce qu’on appelle les grands discours après la Cène
ne sont que des synthèses de leçons, toujours brèves et toujours balancées.
La structure de ces leçons rythmo-catéchistiques est telle
qu’il est impossible à un appreneur palestinien de les oublier négligemment
ou de les déformer systématiquement.
Comment Jean, l’appreneur que Jésus préférait, les aurait-il oubliées
puisqu’il les répétait et les rythmo-catéchisait depuis des années?»
(Le parlant, la parole et le souffle, Gallimard 1978, p. 270).
Je suis la vigne.
Notre texte parle d’un plant de vigne et non d’un vignoble.
Mais, dans le pays de Jésus, certains plants peuvent être gros comme des arbres.
Cette image est fréquente dans la Bible pour décrire les liens entre Dieu et Israël.
Le peuple de Dieu est comparé à une vigne,
comme dans les passages des prophètes Jérémie, Isaïe et Ézéchiel qui suivent:
Moi [Dieu], je t’avais plantée, comme une vigne portant du fruit,
tout entière véritable;
comment t’es-tu changée en fruits acides, vigne étrangère? (Jr 2,21).
Que je chante le chant du bien-aimé et de sa vigne.
Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau plantureux.
Il y retourna la terre, enleva les pierres et installa un plant de choix…
Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait?
J’en attendais de beaux raisins, pourquoi en a-telle produit de mauvais? …
La vigne du Seigneur, c’est la maison d’Israël… le plant qu’il chérissait.
Il en attendait la droiture et c’est la fausseté (Is 5,1-7).
Ta mère ressemblait à une vigne plantée au bord de l’eau.
Elle eut des rameaux vigoureux… mais elle fut arrachée, jetée à terre
et le vent d’orient a desséché ses fruits qui sont tombés.
Ses rameaux vigoureux ont séché et le feu les a dévorés
(Éz 19,10-14).
Ces textes évoquent à la fois l’attention que Dieu porte à sa vigne
et sa déception devant les fruits amers qu’elle produit.
La vigne qu’est le peuple n’a pas répondu à l’attente
de Celui qui l’a plantée et qui la cultive avec amour.
Le psaume 80 désigne le messie comme la vigne, puisqu’il est le représentant du peuple:
Dieu… daigne intervenir pour cette vigne que tu as plantée,
pour le messie qui te doit sa force (Ps 80,18 version araméenne).
En se présentant comme la vigne, Jésus signifie donc qu’il est messie
et qu’il veut répondre à l’amour du Père au nom de son peuple.
Pour cela, il ne suffit pas qu’il soit le Fils en qui l’amour de Dieu est parfaitement accompli:
il lui faut réunir en lui tous ceux qui veulent être les fils bien-aimés de Dieu.
Demeurez en moi comme je demeure en vous!
Dans le texte qui précède notre récit (14,10-11) nous avions une affirmation
qui revient comme un refrain: Je suis dans le Père et le Père est en moi.
Plusieurs fois, dans notre texte, revient le mot: demeurer. Que signifie ce « demeurer »?
Notre texte nous oriente: Si vous demeurez en moi et mes paroles en vous.
On trouve déjà dans la tradition biblique un lien entre la Vigne et la Parole.
Dans le Siracide et les Proverbes, la Sagesse de Dieu est comparée à la vigne
et à son fruit, le vin: La Sagesse se glorifie au milieu de son peuple.
Comme une vigne, j’ai produit des pousses gracieuses
et mes fleurs ont donné des fruits de gloire et de richesse.
Venez à moi, vous qui me désirez et rassasiez-vous de mes fruits. …
Ceux qui me mangent auront encore faim et ceux qui me boivent auront encore soif (Si24,1.17-21).
La Sagesse a dressé sa table, elle a crié son invitation:
venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai apprêté.
Abandonnez l’ignorance et vous vivrez! Marchez dans la voie de l’intelligence (Pr 9,1.6).
Ainsi l’image de la vigne évoque un plant dont la sève est la Parole de Dieu.
Si le Père demeure dans le Fils qu’est Jésus,
c’est parce que celui-ci est totalement habité par la Parole du Père.
C’est cette Parole -qui traduit la pensée et l’amour du Père- qui fait agir Jésus:
Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi?
Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même.
C’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres oeuvres (Jn 14,10).
Face aux textes qui décrivent le peuple de Dieu comme étant une vigne trompeuse
-car elle ne produit pas les bons fruits que Dieu en attend-,
l’affirmation de Jésus prend toute sa force: Moi, je suis la vigne, celle qui est vraie.
Il se présente comme celui qui produit les bons fruits que le Père attend.
Il veut permettre à ses disciples d’être eux aussi des sarments fidèles,
parce qu’ils seront porteurs de vrais fruits.
De même que le sarment ne peut porter fruit de lui-même
s’il ne demeure pas sur la vigne,
de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Il faut sans doute écarter une fausse impression
que pourrait donner l’affirmation: hors de moi vous ne pouvez rien faire.
Les disciples ne sont pas dépendants de Jésus parce qu’ils sont mauvais et impuissants.
Jésus fait le parallèle entre sa communion avec le Père et celle qu’il a avec ses disciples.
Or Jésus ne se présente pas comme étant rien, impuissant et dépendant.
La nécessité de la communion avec son Père est une nécessité de l’amour.
Pour le comprendre, évoquons la naissance d’un être humain.
Elle est le fruit de la communion du père et de la mère.
Sans leur communion, il ne peut y avoir conception, mais cela ne signifie pas
que le père n’est rien, que la mère est dépendante de son époux.
Le vrai fruit est fruit de l’amour, c’est une co-création.
C’est ainsi que Dieu nous a faits et qu’il veut créer avec nous.
Écartons encore une fausse interprétation.
Cette unité de Jésus et de ses disciples ne signifie pas une fusion.
Jésus est une personne… unique… et chaque disciple est une personne… unique.
Chacun reste autonome et pleinement libre.
L’amour fusion n’est pas l’idéal de l’amour dans un couple.
Même en accueillant les préceptes de Jésus,
le disciple ne perd nullement sa liberté et son identité.
Au contraire: l’amour totalement gratuit de Jésus ne peut qu’éveiller et fortifier notre liberté.
Mais il faut encore donner une précision.
Notre conception contemporaine fait de l’amour presqu’exclusivement un sentiment.
Mais l’amour-agapè n’est pas seulement affection et tendresse:
c’est aussi la communication de paroles qui donnent sens à la vie.
C’est le don d’une sagesse qui peut être accueillie comme un don de vie
car elle se propose sans jamais s’imposer.
Cette sagesse se fait nourriture et vient donc habiter celui qu’elle nourrit.
Se nourrir de la pensée de Dieu, la Bible exprime cela par: « garder » sa Parole.
Il faut donner au mot « garder » son sens fort d’observer et d’accomplir.
C’est parce que Jésus garde la Parole du Père que Dieu demeure en lui.
C’est parce que le disciple garde la parole de son rabbi que Jésus demeure en lui.
Depuis longtemps les textes bibliques parlaient de cette nécessité
d’intérioriser la Tora pour l’accomplir:
Mon fils, garde mes paroles, que mes préceptes soient pour toi un trésor.
Si tu veux vivre, garde mes préceptes comme la prunelle de tes yeux.
Attache-les à tes doigts. Écris-les sur la table de ton coeur (Pr 7,1-3).
La Parole est toute proche de toi.
Elle est dans ta bouche et dans ton coeur pour que tu la mettes en pratique (Dt 30,14).
Et cela ne signifie pas seulement méditer la Parole
mais la mémoriser dans la mémoire du coeur:
c’est-à-dire l’inscrire dans la mémoire profonde qui fait agir.
L’image de la vigne doit être prise dans son sens le plus réaliste.
Il ne s’agit pas seulement d’une belle figure poétique.
La sève de la vigne doit concrètement couler dans notre être.
Dans un milieu de tradition orale comme celui où vivait Jésus,
le disciple prend les paroles de l’enseigneur dans sa bouche pour les manger.
C’est ce que dit le prophète Ézéchiel: «Fils d’homme, mange-le, mange ce rouleau;
ensuite tu iras parler à la maison d’Israël.» J’ouvris la bouche et il me fit manger ce rouleau.
Il me dit: «Fils d’homme, nourris ton ventre et remplis tes entrailles de ce rouleau que je te donne.»
Je le mangeai: il fut dans ma bouche d’une douceur de miel (Éz 3,1-3).
L’Évangile nous est malheureusement parvenu dans une traduction grecque,
et il nous est difficile de retrouver les formules rythmées
qui devaient être celles de Jésus, afin qu’il soit facile de les retenir.
Comme il faudrait que l’Évangile nous soit redonné
en des phrases aussi stylisées que nos proverbes:
«Pierre qui roule n’amasse pas mousse.
Tout ce qui brille n’est pas or.
Le silence est d’or; la parole est d’argent.
Qui dort, dîne.»
Pour laisser un proverbe éclairer telle ou telle situation, nous n’avons pas besoin de recourir au livre.
Il vient tout spontanément sur nos lèvres parce qu’il est emmagasiné dans notre mémoire.
Manger sa Parole de Jésus c’est la répéter chaque jour, la mémoriser pour s’en nourrir.
Le repas eucharistique est la mise en acte de cette communion du cep et des sarments.
Celui qui dévore ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.
Comme je vis par le Père, de même celui qui me dévore vivra par moi (Jn 6,56-57).
On sait que l’expression biblique « chair et sang » désigne l’être humain tout entier.
Le pain de son enseignement est sa chair, sa vie même
qui passe en nous à travers ses paroles, sa pensée, son esprit.
Le vin de son enseignement est lui-même, son sang qui est symbole de sa vie.
Celui qui me dévore et me boit signifie donc celui qui se nourrit de ma pensée.
Jean nous en avertit: C’est l’Esprit qui rend vivant, la chair ne sert de rien.
Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie (Jn 6,63).
Par Jésus se réalise la promesse de Dieu qu’entrevoyait le prophète Ézéchiel:
Je vous donnerai un coeur neuf, je mettrai en vous mon esprit,
je ferai que vous marchiez selon mes directives (Éz 36,26-27).
Je suis le cep et vous les sarments.
L’unité du Maître et de ses disciples est aussi l’unité des disciples entre eux.
L’apôtre Paul traduira l’image de la Vigne par celle du Corps (1Co 12,12-13):
Le corps est un et pourtant il a plusieurs membres.
Tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Ainsi en est-il du Christ.
Nous avons tous été baptisés [baignés] dans un seul Esprit pour être un seul corps.
Parlant de la communion à la Table du Seigneur, Paul dira aux Corinthiens:
Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps (1Co 10,17).
Ce que saint Augustin traduisait: «Devenez ce que vous recevez: le Corps du Christ.»
Paul précise bien que communion ne veut dire ni fusion ni uniformité:
Nous avons plusieurs membres en un seul corps
et ces membres n’ont pas tous la même fonction.
Ainsi nous sommes plusieurs en un seul corps en Christ,
étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part,
ayant des dons différents selon la grâce qui nous a été accordée (Rm 12,4-6).
Chacun des sarments, chaque membre du corps a une fonction
dont il doit être conscient qu’il l’a reçue gratuitement par don, par grâce
et qu’il doit l’accomplir, la faire fructifier avec une même générosité pour les autres.
C’est ce qu’avait bien compris mon ami Albert.
Avec son épouse, il venait préparer la messe de son 25e anniversaire de mariage.
Ensemble nous cherchions un texte des évangiles et aucun ne semblait convenir.
Lorsque vint le texte de la vigne, Albert décida que c’était son choix.
Comme je lui en demandais la raison, il me dit:
«Vois-tu, plusieurs de nos invités ont malheureusement connu un échec dans leur union de couple.
En célébrant cet anniversaire nous ne voulons pas avoir l’air de faire la morale.
Certes, aujourd’hui, nous sommes unis et heureux.
Mais les débuts de notre union ont été difficiles… et cela aurait pu échouer.
Par grâce, nous avons eu la chance d’avoir des amis,
de connaître une communauté chrétienne et donc d’être aidés.
Ce que nous vivons aujourd’hui, nous ne l’avons pas mérité
plus que d’autres. Nous, on a juste fait qu’accueillir!»
Branchés sur le cep qu’est Jésus et sur les sarments que sont ses disciples,
chacun reçoit lumière et force pour vivre selon l’amour et devenir heureux.
Mais nous ne recevons pas davantage parce que nous avons mérité davantage.
Chacun reçoit en fonction de sa volonté d’accueillir.
Tout [sarment] qui porte du fruit, il l’émonde pour qu’il porte plus de fruit.
Déjà vous êtes émondés grâce à la parole que je vous ai dite.
L’amour fraternel devient le signe auquel se reconnaissent les disciples de Jésus.
Mais cette fraternité ne va pas toujours de soi.
Le don est toujours plus ou moins mélangé de recherche de soi.
De la même façon que le cep de vigne doit être émondé pour porter de beaux fruits,
de même la parole de Jésus doit émonder nos coeurs
afin de les purifier de tout égoïsme.
Émonder un sarment de vigne, c’est lui ôter les bourgeons inutiles, les gourmands,
pour ne laisser que les bourgeons les plus forts.
Ainsi ces bourgeons recevront davantage de sève et produiront de meilleurs fruits.
Le verbe émonder vient d’un mot latin mundus qui veut dire propre, net.
L’image est celle de nettoyer, de purifier.
C’est le rôle de la parole de Jésus que de purifier notre coeur
et notre volonté de tout ce qui n’est pas assez motivé par l’amour.
Sanctifie-les dans la vérité: ta parole est vérité (Jn 17,17),
telle sera la prière de Jésus à son Père avant de quitter les siens.
Pour la pensée occidentale, la vérité est d’abord la conformité au réel.
Le contraire de la vérité est l’erreur ou le mensonge.
Pour la pensée biblique, la vérité est d’abord ce en qui ou en quoi on peut se fier.
Elle dit la relation fiable et aimante entre des êtres.
Je suis le chemin, la vérité et la vie (Jn 14,6), dit Jésus.
Ce que nous pourrions traduire: «Je suis le chemin fiable pour avoir la vie divine.»
Si Jésus est ce chemin c’est en raison de sa fidélité à l’amour:
«En lui, il n’y a jamais eu d’obstacle à l’amour.
Alors son regard a pu rejoindre le regard de chaque être humain
pour découvrir, au-delà de toutes les apparences, l’ultime secret de chacun.
Il a rejoint en chacun la source jaillissante de la vie, déposée par l’amour créateur du Père.
Jamais il n’a jugé, ni rejeté, ni condamné.
Sa simple présence, d’une infinie tendresse, invitait chacun à se redresser, à se mettre debout,
à retrouver sa dignité inaliénable d’homme, de femme, créés pour la vérité et la lumière.
Il a fait sauter tous les carcans étouffants, écrasants, des lois qui contraignent de l’extérieur,
pour mettre au-dedans de chacun la douce et ferme loi de l’amour.
Il a appelé chacun à la liberté des fils et des filles de Dieu»
(Jean Civelli, Sa tendresse est inépuisable (St-Augustin), Suisse, 1995).
Si Jésus a pu devenir pour chaque disciple le chemin qui mène au Père,
c’est qu’il est en communion parfaite avec lui.
Rejoindre la volonté du Père, devenir fils, fille de Dieu,
c’est rejoindre son désir le plus fort sur nous:
nous permettre de devenir libres dans l’amour.
Dieu est le seul Père qui nous aime totalement gratuitement
et sans jamais nous rendre dépendants de Lui.
L’humain naît dépendant, pour sa nourriture, pour son instruction, son besoin d’être aimé.
Son épanouissement est de se libérer des dépendances:
apprendre à se nourrir lui-même, apprendre à apprendre par lui-même,
apprendre surtout à aimer l’autre sans dépendre de lui.
La vraie joie est celle que l’on puise en soi,
lorsqu’on porte aux autres un amour qui ne dépend que de notre seule volonté.
On trouve la joie quand on aime l’autre
sans faire dépendre notre propre amour de l’amour de l’autre pour nous.
Le proverbe arabe: «Quand ton fils devient adulte fais-en ton frère»,
Dieu l’accomplit à la perfection.
Il nous veut, non pas des enfants dépendants, mais des frères, des soeurs libres.
C’est cette liberté qui nous permet d’aimer comme Dieu aime, comme Jésus:
Je vous donne un précepte nouveau: aimez-vous les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres.
À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples:
à l’amour que vous aurez les uns pour les autres (Jn 13,34-35).
Notre façon d’aimer est souvent au plan des sentiments: «Je t’aime parce que tu m’aimes.»
Mais, pour Jésus, l’amour ne se réduit pas à un sentiment, à un besoin passionnel.
Aimer en vérité est le fruit d’un choix, c’est un acte de notre volonté.
«Je choisis de t’aimer sans condition,
de tout faire pour que tu deviennes libre et que tu connaisses le vrai bonheur.»
Cette liberté féconde d’amour est le chemin qui mène à la vie véritable et à la joie.
Ces fruits que porte le disciple de Jésus doivent donc être des gestes d’amour vrai
c’est-à-dire des gestes de bonté et de gratuité,
comme ceux que la parabole du Jugement dernier décrit:
Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger;
j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire;
j’étais un étranger et vous m’avez recueilli;
nu, et vous m’avez vêtu; malade, et vous m’avez visité;
en prison, et vous êtes venus à moi (Mt 25,35-36).
Celui qui est enfermé sur lui-même et stérile d’amour et de bonté
devient le sarment désséché qui se détache de la vigne:
Au contraire celui qui vit dans l’amour harmonise sa volonté
avec la volonté d’aimer de Jésus, qui est la volonté même du Père Divin.
C’est pourquoi sa prière sera exaucée:
Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous
demandez ce que vous voulez et cela arrivera pour vous.
Ce que le Curé d’Ars traduisait ainsi: «Dieu fait les quatre volontés de celui qui fait sa volonté.»
Georges Convert
»»» Questions
1. Que représente la vigne dans la Bible? Comment Jésus peut-il se dire la vigne?
2. Que signifie la phrase de Jésus: Je demeure en vous?
3. Pourquoi le disciple ne peut porter de fruit sans être branché sur Jésus? Quels sont ces fruits?
4. Que signifie «garder les paroles de Jésus»? Comment réaliser concrètement cela?
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