5e dimanche ordinaire A, Matthieu (5, 13-16)
Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus sur la montagne,
il leur disait:
13 Vous, vous êtes le sel de la terre.
Si le sel devient fou, avec quoi ce sera salé?
Il n’est plus assez fort pour rien,
sinon être jeté dehors et piétiné par les gens.
14 Vous, vous êtes la lumière du monde:
une ville, située en haut d’une montagne, ne peut être cachée.
15 On n’allume pas une lampe et on la met sous le boisseau,
mais sur le lampadaire
et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
16 Ainsi, que votre lumière brille devant les humains
pour qu’ils voient vos bonnes oeuvres
et disent la gloire de votre Père qui est dans les cieux.
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Lire le commentaire du pain sur la table,
par Georges Convert
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Mon grain de sel,
par Mario Bard.
Devenir sel pour la collectivité
Quelqu’un me confiait dernièrement en entrevue qu’il croyait que la nature de l’être humain est avant tout faite de bonté. L’individu en question n’est pas un croyant en Dieu, mais un agnostique c’est-à-dire quelqu’un qui ne veut pas affirmer l’existence de Dieu. Il ne nie pas nécessairement qu’Il soit. Il préfère laisser la question en suspens.
Sa réflexion m’a surpris. Après tout, comme chrétien, nous pensons trop souvent que nous avons le monopole de l’amour et de la bonté, juste du fait que nous sommes disciples de Iéshoua de Nazareth, qui est devenu Christ et Seigneur par l’amour de Dieu, son père, par la force de l’Esprit.
Et puis, croire en la bonté de Dieu, c’est plus facile que de croire à la bonté de l’être humain. Affirmer que cela est la nature humaine, c’est un acte de foi incroyablement beau. Ou un acte de folie. Une douce folie qui soutient toute notre manière d’être en société.
La nature de la bonté n’est par contre visible que si nous décidons d’en faire une priorité. Et, malheureusement, ce n’est pas toujours la nature que nous laissons sortir au grand jour.
D’abord parce que le monde extérieur n’est pas toujours facile avec nous. Il y a dans nos vies post-modernes beaucoup de concurrences, des jeux de coulisses qui font plusieurs victimes. Des jeux influencés par une économie qui sert d’abord les intérêts des actionnaires et des patrons. On aime rationaliser, car le profit sera au rendez-vous. Mais, peu d’êtres humains en profitent vraiment, sinon une petite majorité.
Quand j’observe ces mouvements d’économie, je n’ai plus le cœur à la bonté. J’ai envie de cracher au visage de ces hommes et de ces femmes qui adorent le dieu économie avec un tel amour, qu’elles en oublient que c’est l’humain d’abord qui est à servir.
Puis…
Cracher…
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C’est vrai, être bon, c’est tout simplement compliqué. Il n’y a pas de manuels d’instruction. On est propulsé dans la vie avec nos natures et conjonctures. De mon côté, je suis prompt, et je sors de plus en plus mes griffes, car j’ai peur de me laisser piler sur les pieds.
La nature du sel chrétien est tout autre.
Non seulement Ieshoua a renoncé à la violence lorsqu’il s’est retrouvé à Jérusalem, arrêté, condamné, humilié. Il a pardonné. Bien sûr, cela n’a pas été une partie de plaisir. Parfois, les Églises ont « surglorifié » la violence et la douleur vécues par le Christ en croix. Et puis, elles ont souvent pensé que ce passage n’était qu’une formalité à passer avant la résurrection, comme les douanes à l’aéroport : chiant, mais obligatoire.
Le sel de Ieshoua est celui qui permet à l’être humain d’assaisonner ses pensées et ses actes d’un amour de bonté.
Mais, loin d’un honneur individuel ou d’une recherche de croissance personnelle, être sel et lumière du monde, c’est avant tout vivre, entre nous, cette bonté donnée par le père, et que Ieshoua a vécue envers nous, inspirés par l’Esprit Saint. Le sel de l’amour est avant tout appelé à assaisonner les relations entre nous. Un défi constant, dans un monde qui me semble si loin du compte.
Cela ne veut pas dire que je ne dois pas m’enrager, me choquer contre les systèmes injustes qui réduisent l’être humain à moins que rien. Mais, la manière d’être sera celle de la non-violence, du respect, du dialogue. Si la croix survient? « Nul disciple n’est plus grand que son maître » disait Ieshoua.
Et puis, être sel et lumière, c’est avant tout nourrir, vêtir, visiter, guérir… C’est servir, au meilleur de nous-mêmes, la collectivité.
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En avril dernier, la chanteuse Lara Fabian a sorti un très bel album. Dans l’une de ses chansons appelées Il est lune – véritable déclaration d’amour à son amoureux secret –, elle écrit qu’il est porteur de « Tout l’amour qui fend les vagues immenses de mes erreurs ».
Un amour qui fend les vagues « de mes erreurs » les transforme en quelque chose d’autre, en quelque chose de meilleur, bien sûr! C’est d’une très grande beauté. Penser que l’amour de l’autre peut nous transformer à ce point.
C’est aussi de ce sel que Ieshoua veut nous saupoudrer, pour qu’à notre tour, nous soyons sel et lumière du monde. Individuellement, puis collectivement. Qu’attendons-nous?