Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 20 décembre 2015
par Mario Bard.
Un Règne de Dieu à la fois
Quel est le bonheur? Une maison en banlieue, une voiture, les week-ends au Centre commercial et le renouvellement du salon tous les cinq ans! Je m’amuse aujourd’hui avec l’idée que l’on se fait du bonheur.
Élisabeth ose dire à Marie : « Bienheureuse qui a cru ». Le bonheur semble un mot très faible à côté de la réalité d’une bienheureuse. Le bonheur semi-artificiel créé par la banlieue où tout autre mode de vie « à la mode » résiste peu en face de cet aveu : le bonheur, celui qui fait bondir d’allégresse, vient d’ailleurs. Un chemin intérieur – immense de reconnaissance! – que le Règne de Dieu est, d’abord accueilli dans une personne.
Là-dessus, au-delà d’un côté merveilleux et symbolique concernant un enfant qui bondit dans le ventre de sa mère à la vue de l’autre mère, nul besoin de chercher midi à quatorze heures : nous sommes aussi appelés à reconnaître et apprécier le Royaume qui se prépare en nous. Nous devons certainement y prêter une attention particulière et nous donner du temps pour mieux comprendre en quoi et de quoi il s’agit.
Mais voilà : le Royaume de Ieshoua est à la fois simple et complexe pour nos compréhensions humaines.
D’abord, Simple. Parce que nous pouvons en découvrir le sens, accessible à tous, en lisant et partageant les Évangiles, et en mettant en pratique le plus grand commandement : « Aimez-vous les uns les autres ». Ieshoua, de par l’Évangile de Matthieu, est d’ailleurs clair sur ce qui constitue les règles de base de ce Royaume dans ces chapitres 5 – les béatitudes – et 25 – le Jugement dernier.
Le don de soi, le partage… chercher à consoler, à donner à qui a faim… Celui ou celle qui voit Dieu en toute situation et en dégage sa venue dans le quotidien… Ieshoua n’aura pas comme règle de vie d’abord la pureté morale des habitants de son Royaume. Il pointera plutôt vers un monde où partage, accueil et réconciliation sont au cœur de tous les processus.
Ensuite, complexe. Parce que notre cœur est régulièrement traversé par ces icebergs de doute et de recherche d’un bonheur artificiel. Nous avons souvent aussi des ambitions concernant le pouvoir que l’on peut retirer d’une situation, que cela soit considéré comme positif ou négatif.
La peur est également un puissant moteur qui ne cesse de nous hanter et de détruire les vies de chacun et chacune quand il prend la place du désir de donner, ou de celui de recevoir. Il paralyse, et c’est ce qui fait en sorte qu’on ne peut connaître ce bonheur qu’a eu la « Servante du Seigneur », Marie, quand l’Ange lui indique un peu plus tôt dans le même Évangile qu’elle enfantera.
« Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » Selon les spécialistes de la Bible, le mot « servante » utilisé par l’évangéliste Luc désigne ici une esclave. Marie se fait donc non seulement « servante » dans la mesure de son parcours en tant que mère en devenir, mais également dans le parcours qui la mène vers la venue de ce Règne de Dieu annoncée par les prophètes.
Marie accueille, au-delà de la crainte initiale, le Règne de Dieu en elle-même. Pouvons-nous en dire autant? Avons-nous l’espérance et la compréhension de Dieu si forte que nous disons à son Ange que nous serons l’esclave de ce projet? Laissons-nous parler en nous la crainte? Ou bien au contraire, avons-nous cette confiance si développée que, malgré tout, et malgré les obstacles petits et immenses, sommes-nous capables de ne plus avoir peur de l’établissement d’un Règne d’amour et de justice, aujourd’hui?
Notre réponse est comme cette goutte d’eau qui, en ruisselant dans le ruisseau, rejoint la rivière, puis va dans le fleuve, pour ensuite se retrouver dans la mer. Si nous ne faisons pas partie de ce ruisseau, nous ne serons jamais capables de faire partie de l’océan.
Peut-être que, scientifiquement, ma comparaison est boiteuse. Alors, d’un point de vue symbolique, ma comparaison tient si je considère que chaque goutte d’eau est unique. Elles sont comme nous… La différence entre les gouttes d’eau et nous, c’est notre « OUI » libre, fondamental et premier à ce Règne de Dieu.
Comme le oui de Marie, il peut faire « bondir d’allégresse » tous ceux et celles qui rencontrent ce Règne de Dieu que nous participons, à notre manière, à construire ensemble, un Règne de Dieu à la fois.
Mario Bard
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