Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 19 février 2017
par Mario Bard.
Se donner, avant tout pour le Règne de Dieu
La perfection de Dieu réside donc dans son amour, pour celui ou celle qui nous est un ennemi. Un amour parfait ne consiste pas à seulement donner à ceux qui nous aiment en retour. Il consiste plutôt à devenir une antenne de paix avec ceux et celles qui me persécutent…
L’Évangile présenté aujourd’hui est loin d’être facile à vivre. Qui peut affirmer avec assurance qu’il aime son ennemi et fait du bien à celui ou celle qui l’a persécuté? Pourtant, et c’est une victoire de Dieu sur cette terre, il a existé dans l’histoire des gens qui ont accepté d’aimer leurs ennemis. Au risque de leurs vies. Certains l’ont perdu, d’autres ont pu continuer à être les témoins de cet amour immense du père, Dieu, pour l’humanité. Parce que la conversion opérée au cœur de ceux et celles qu’ils ont aimés est telle, que même la société autour a changé.
Je pense à cette femme américaine qui a adopté le tueur de son fils, un ami qui s’est avéré empoisonné. Un amour qui a changé sa vie, au point où il a accepté cette adoption. Au départ, il n’y croyait pas, et surtout, il considérait qu’on ne peut aimer à ce point.
Dans le reportage que j’avais vu, la dame a expliqué qu’elle était chrétienne et que cette parole l’avait touchée au point de vouloir entrer dans cette dynamique où l’amour libère même celui qui nous a blessés à jamais. Rien ne s’est fait du jour au lendemain, tout s’est fait graduellement.
Au Rwanda, le génocide de 1994 a laissé des centaines de milliers de personnes seules et sans famille. Des voisins autrefois gentils sont soudainement devenus des tortionnaires. J’ai eu la chance de lire que certaines religieuses ont pris le taureau par les cornes et se sont attelées à la tâche de la réconciliation. Ainsi, elles ont d’abord accueilli ceux et celles qui étaient censés être l’ennemi. Puis, elles ont accueilli des orphelins(e) s issus des deux nations traditionnelles : hutus et tutsis. Elles leur ont appris que le sang qui coule dans leurs veines avait la même couleur, les mêmes composantes de base, etc. Elles ont décidé de créer un monde nouveau. Un monde où les races ne seraient plus ennemies, mais amies.
Autre exemple : des évêques irakiens appellent au pardon et à la miséricorde. Les chrétiens irakiens de La Plaine de Ninive ont dû fuir la violence antireligieuse de l’État islamique en août 2014. Souvent, elles ont dû quitter la maison en pleine nuit, en courant pour échapper aux assauts meurtriers d’un des pires groupes terroristes des dernières années, remplis de haine pour l’autre, et prêts à tuer pour « purifier » la terre des scories infidèles qui ne sont pas en règle avec leur façon de voir l’Islam.
Le cœur des chrétiens aurait pu être aigri, animé par la vengeance. Pourtant, nombre d’entre eux ont témoigné : bien qu’il soit difficile de le faire, il vaut mieux essayer d’aimer l’ennemi que de passer son temps à la haïr. Parce que l’espérance au bout, c’est que le cœur du tortionnaire change grâce à cet amour donné, si petit soit-il. La haine n’anime que la haine. Au contraire, l’amour devient une porte ouverte afin que nous soyons changés et renouvelés.
Ici, les évêques irakiens en ont appelé à pardonner.
Qui dit amour de l’ennemi ne parle pas de l’embrasser sur la bouche dès que je le vois. Qui dit amour de l’ennemi parle essentiellement — d’abord! — de ne pas entrer dans la tentation de haïr l’autre. Aimer veut d’abord dire croire que l’autre est meilleur que ce qu’il porte présentement. Y croire tant que le changement s’opère en soi et dans le cœur de l’autre.
Quand Dieu nous parle d’amour dans l’Évangile, ce n’est pas que d’amour de la Saint-Valentin qu’il se réclame. Pour un changement du monde et pour que nous entrions dans le Règne de Dieu, Jésus de Nazareth, inspiré du Père et du Saint-Esprit, remplit le cœur de ses disciples d’espérance. Afin qu’ils entrevoient qu’au-delà des blessures que l’on s’est donné et qui seront toujours une cicatrice sur notre cœur, l’amour de l’autre – accueil, pardon, miséricorde, don, paix, parole, joie, rire, espérance – peut changer le monde.
Mario Bard
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