Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 3 décembre 2017
par Mario Bard.
Être prêt, même pour un café
La nuit tombe sur New Delhi, Inde, Terre, Espace, Quelque Part. Là où tente de vivre la race humaine.
Il est à peine 17 h 26 et déjà les premières lueurs de l’obscurité viennent silencieusement tuer les derniers rayons du soleil doux et chaud de l’automne indien, qui est une belle saison des récoltes cette année. Elle ressemble tant à notre mois d’août québécois! Il est maintenant 17 h 27, et je ne suis pas prêt.
À partir.
Car ce soir – journée et nuit de jeudi pour tous les Québécois! – je retourne dans les terres froides où, faute de la chaleur envoûtante des jours et de la juste fraîcheur des nuits, la vie est plus rude et moins exubérante. Je ne suis pas prêt. Au cœur de la nuit, je pars rejoindre ceux et celles que j’aime. Mais je ne suis pas prêt à quitter un peuple accueillant. Des gens de la ruralité vibrante, à la fois humbles et fiers, qui m’ont offert un accueil au-delà de mes attentes. Un amour. Peut-être un peu égoïstement pour leur amour de la fête – quand on travaille si fort, on peut se le permettre –, mais aussi pour l’autre – l’Étranger — qu’ils accueillent comme un roi. Vous me direz : « Oui, mais on savait que tu venais! » Vrai. Tout de même; l’accueil est sincère, non forcé, teinté des louanges de Dieu, et qui se réjouit du seul fait qu’on ait roulé des kilomètres dans la campagne ou dans la forêt pour venir dire coucou l’espace d’à peine cinq minutes ou une heure. C’est énorme.
Étais-je prêt à recevoir tant d’amour?
Assurément non.
L’espace de mon cœur s’était bien rétréci ces dernières années.
La révolte des deuils; la révolte d’une impuissance face aux puissances avide de l’argent trompeur; la révolte de la mort qui approche…
Je n’étais pas prêt.
Pourtant, au fur et à mesure des accueils, je suis devenu prêt. À d’abord accueillir tout cet amour. Avouons-le, nous sommes rarement prêts à laisser notre cœur être dévoré par cet amour qui émane du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, Trinité bienheureuse, et qui ne demande qu’une porte ouverte pour entrer avec joie, nettoyer l’espace, et y faire son nid. Une graine de moutarde qui devient arbre majestueux. Sommes-nous prêts?
En écrivant ce mot non savant presque chaque semaine, je m’aperçois à quel point Ieshoua nous demande d’être prêt. À tout moment, nous avons à apprendre à accueillir sa Parole, accueillir sa générosité, accueillir les nombreux silences qu’il nous propose et qui permettent de marcher plus assurément dans sa Parole.
Devenir meilleur.
Non pour satisfaire une quelconque soif d’orgueil spirituel teinté de l’égo démesuré qui rôde si souvent près du cœur de notre cœur afin de le transformer en statue de pierre, idole cul-de-sac. Nous avons trop souvent marché dans les chemins du mal sans trop y porter attention. Sans être prêts à les affronter avec les forces de l’Évangile.
Accueillir Dieu veut dire accueillir la vie qui culmine dans les petites et les grandes choses du quotidien. L’extraordinaire accueil de peuples qui souffrent, tout comme leur bonté généreuse. Être prêt à se laisser aimer. Parce que pour aimer, il faut d’abord être aimé.
Épilogue
Plus assez de roupies, mais la carte de débit, je commande un café avant même de savoir que le petit afficheur m’écrive « Invalid » — merci Desjardins! ☹ – : cette machine à débit veut m’effrayer. Nous sommes tout de même à l’aéroport!
Le « Beverage » déjà en train de couler, le jeune homme au comptoir m’offre le café.
« Complimentary ». Dans un Starbucks d’aéroport où le petit café ordinaire vaut 4,50 $.
Assez percutant. J’offre d’aller retirer des roupies. Il insiste. Une troisième tentative en laissant quelques dollars canadiens et quelques pièces d’euro (ça vaut cher!) sur le comptoir (presque 10 $ en valeur).
« Ravale tes pièces », pourrait-il me dire en Hindi.
« Complimentary ».
Un sourire sincère.
Je n’étais pas prêt. Mais j’ai remercié la vie.
« Seigneur, apprends-moi à être prêt à recevoir et à donner de plus en plus.
Sans rien attendre qu’un silence d’amour généreux de ta part,
afin que ce qui émane de moi soit juste, évangélique.
Et que ta générosité essentielle puisse se répandre sur cette terre. Amen. »
Mario Bard
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