Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 10 décembre 2017
par Mario Bard.
Écouter le cri de ceux qui crient dans le désert
Aujourd’hui, aller crier au désert, c’est oser des cris en faveur de changements socio-économiques de base, essentiels aux moins nantis, dans un monde où les plus riches, ou bien encore un nombre croissant de ceux et celles que l’on considère comme des élites intellectuelles, ne se gênent plus pour en appeler à l’élimination des plus pauvres.
Bien sûr, ils ne le disent pas ouvertement. Après tout, il est de bon ton de garder une petite retenue. Stratégiquement, et si l’on ne veut pas passer pour une personne sans cœur, on ne peut pas dire que les malades chroniques sont des personnes à éliminer, car elles coûtent cher à la société. Ou encore, que les personnes qui choisissent les soins palliatifs à l’euthanasie sont des charges financières supplémentaires dans un système social qu’on dit surendetté.
Mais, on peut couper; charcuter les services sociaux pour les plus démunis en coupant dans les services communautaires qui les soutiennent; sabrer les dépenses d’éducation; accorder de moins en moins de services en santé tout en gardant des salaires élevés pour « la crème » doctoresse… Bref, on peut faire beaucoup afin d’éliminer des gens devenus indésirables.
Dans le beau mensonge qu’est parfois le management, les plus forts l’emportent, les plus faibles meurent. Les chrétiens n’échappent pas non plus à la « bonne nouvelle » de l’Évangile de la prospérité financière à tout prix. La très controversée théologie de la prospérité révèle-t-elle des gens qui n’oseront jamais remettre en question les structures qui créent la pauvreté et la misère? Dans le groupe très sélect de ceux et celles qui fréquentent la pensée des Joël Osteen et compagnie, est-il de bon ton de se questionner sur nos habitudes de consommation ou bien encore de chercher à comprendre quels sont les impacts qui découlent de l’utilisation de tel ou tel produit sur l’environnement? Le Dieu qui y est présenté crie-t-il dans le désert d’une voix forte pour alerter quant au manque de compassion, ou bien se contente-t-il d’être tout bêtement relié au sentiment que Dieu m’aime parce que je suis prospère?
Sans dénigrer ce qui peut être positif dans le travail qui est effectué chaque jour par les partisans de cette théologie, ces apôtres de la prospérité – toutes religions confondues et spiritualités confondues – en feraient-ils autant avec pour seule arme la voix et une parole forte et discordante comme celle de Jean le Baptiste? Oseraient-ils rester fidèles au Dieu qu’ils disent servir s’ils devenaient comme Job?
Être prospère n’est pas un péché. Mais, ne rien dire et ne rien faire pour alléger véritablement la vie des personnes les moins nanties en refusant ou en omettant de dénoncer des structures économiques qui sont trop souvent viables et conçues pour une petite poignée de personne est grave péché. L’Église catholique, et François le premier, considèrent que l’omission est un péché grave. Aux États-Unis et partout dans le monde, les élites financières réussissent à nous convaincre qu’il n’y a plus d’argent, que nous sommes dans une situation alarmante et critique et que les programmes sociaux qui permettent l’évolution de l’être humain – pas tous, mais plusieurs – sont des charges financières trop grandes pour nos petites épaules. Pendant ce temps, les banques des paradis fiscaux se remplissent, les maisons luxueuses et hors de prix se multiplient et les voitures qui ornent leurs garages aussi.
Oui, nous avons toujours besoin de voix fortes qui crient dans le désert.
Et bien sûr, le changement n’est pas que structurel. Il doit s’opérer au fond de nos cœurs. Notre vide intérieur, commun et mystérieux pour chaque être humain n’est pas nourri par le matériel, malgré la grande illusion. Les chrétiens ont la chance de se trouver devant un frère, Ieshoua devenu Christ par la grâce et l’Amour de Dieu le Père et l’Esprit Saint, qui enseigne la simplicité volontaire et la recherche de l’amour infini, même avec l’ennemi. Les temps que nous vivons, dans lesquels l’avidité ultra-individualiste est érigée en vertu, nous invitent à être encore plus attentifs aux paroles du prophète Jean criées dans le désert.
Mario Bard
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