Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 21 janvier 2018
par Mario Bard.
Sortir de la mort, aller vers la vie
Devant le sentiment antireligieux qui se développe chez une partie de la population écœurée par les guerres contemporaines supposément nourries par les religions, plusieurs options s’offrent aux croyants chrétiens : devenir reclus dans son appartement ou bien se battre jusqu’au don ultime de sa vie pour affirmer que l’on détient la vérité.
Entre ces deux options, extrêmes et peu chrétiennes au final, reste un milieu, une balance des choix divers et nombreux qui sont directement inspirés de l’Évangile. Parmi eux, le choix de sortir les êtres humains de la mare de la mort m’apparaît être une solution au ton à l’esprit chrétien indéniable. Devenir « pêcheur d’être humain » est une tâche qui, si elle était d’abord comprise comme la mission de christianiser le monde en baptisant dans les quatre coins. Aujourd’hui, la science de la mission – qu’on appelle missiologie – a beaucoup évolué et permet de mieux comprendre que la mission est d’abord située dans son cœur.
Si nous lui donnons la permission, librement, Dieu sème en nous toutes bonnes choses. Il espère ensuite en récolter les fruits : compassion, guérison, joie, louange, connaissance, etc. Toutes bonnes choses, comme un champ de culture de citrouille à l’automne : coloré, appétissant, apaisant, etc. Les fruits de la récolte semée en nos cœurs peuvent s’avérer abondants. C’est pourquoi Dieu le Fils nous demande de « devenir », à sa suite, « pêcheur d’être humain ».
Si l’on repense aux temps où elle a été lancée, cette invitation est d’une force incroyable. Car, loin d’être seulement une invitation à adhérer à la nouvelle religion à la mode, le nouveau courant de pensée, la nouvelle philosophie commune et socialement acceptable, elle est d’abord une invitation à pêcher les êtres humains pour les éloigner de la mort.
Rappel : les étendues d’eau à l’époque de Ieshoua sont des lieux où l’on croit que vivent les forces vives de la mort. Un lieu où l’on n’ose pas se baigner, mettre les pieds. On y pêche, on peut même aller jusqu’à admirer la beauté d’un soleil couchant se reflétant sur les eaux, ou encore craindre avec admiration la tempête qui y fait rage. Mais il demeure que pour les hommes et les femmes de la période de l’Antiquité, une étendue d’eau n’est pas source de vie comme nous le concevons aujourd’hui. Donc, pêcher un être humain, n’est-ce pas le sortir des forces vives de la mort?
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Marawi, Philippines, mai 2016. Des groupuscules terroristes qui affirment leur allégeance à Daech (État islamique), réaffirme avec force et canon leur credo : tout à l’islam, rien aux autres. Ils détruisent donc en grande partie cette ville de plus de 186 000 habitants, située sur l’île de Mindanao au sud de l’archipel pays. Après près de six mois de combats, l’armée du pays, soutenu par des forces de l’Australie et des États-Unis, reprend le contrôle de ce territoire. Bilan : 165 morts et plus de 1000 blessés, sans compter l’évacuation quasi totale des habitants et des banlieues autour. Certaines informations vont jusqu’à dire que plus de 380 000 personnes ont dû prendre les routes, réfugiées dans son propre pays.
La mort rôde. Les catholiques, minoritaires dans cette région du pays, voient détruire plus de 40 ans de travail fragile de dialogue interreligieux. En quelques semaines, des années de dur labeur pour en arriver à vivre en paix entre majorité musulmane et minorité chrétienne s’envolent en fumée. En effet, le Vicariat apostolique a été fondé par le pape Paul VI avec une mission bien précise : celle du dialogue entre chrétiens et musulmans. Loin de baisser les bras et malgré la grande tristesse qui l’habite, le vicaire apostolique déclare vouloir reconstruire les ponts entre chrétiens et musulmans. Signe déjà bien visible de cet espoir pour l’avenir : de jeunes musulmans forment la principale cohorte de personnes qui aident à dégager les ruines, et qui ont nettoyé la cathédrale, visitée pour la première fois par l’évêque le 11 janvier dernier.
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Les signes sont là : après la mort vient la vie. Être pêcheur d’être humain, c’est toujours – et malgré les extrémismes religieux qui tuent le cœur de l’être humain – reconstruire, espérer, croire, reprendre courage, remonter l’escalier malgré ceux qui poussent vers le bas, tendre les bras et sortir quelqu’un d’autre de la mare de la mort. À chaque fois que nous le faisons, petit, moyen, grand geste, c’est de la pêche à l’être humain pour passer de la mort à la vie. N’est-ce pas d’abord notre mission en tant qu’être humain voulant suivre le Dieu de l’Évangile?
Mario Bard
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