Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 11 mars 2018
par Mario Bard.
Les tragiques secrets de l’ombre
Netflix et le ministère de Patrimoine Canada portent contre eux présentement beaucoup de critiques, parce que l’entente qu’ils négocient demeure encore secrète. Par contre, on sait déjà que le producteur et distributeur de contenu pourrait être soustrait à la Taxe sur les produits et services (TPS), selon des informations qui sont sorties. Pour les joueurs de ce domaine si fragile de l’économie canadienne, ce détail montre à quel point le reste de l’entente, qui semble avantager le géant américain sur toute la ligne, fera mal à l’industrie audiovisuelle canadienne. En tous les cas, le secret entourant l’entente fait déjà mal à la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, accusée de favoriser un géant états-unien.
Le secret… Un élément qui fait parler, lancer des rumeurs, survivre des grossièretés, et frappe l’imaginaire. Bref, on est en pleine illusion, en plein délire. Le secret, ce non-dit qui se transforme en réalité, pour la déformer. Une série distribuée et produite en partie par Netflix traite avec brio du secret. « Seven seconds » raconte l’histoire d’une famille noire de Jersey City, nouvellement déménagé des logements sociaux dans une vraie maison. Le jour où la famille devait accueillir le frère revenu de son service militaire, le jeune frère est frappé par un VUS dans un parc qui fait face à la statue de la Liberté. Le policier qui le frappe ne portait pas attention à la route; il est occupé à téléphoner à son épouse qui doit accoucher d’une minute à l’autre. Il frappe le jeune homme. Au lieu de s’occuper de lui, désespérer, il appelle son chef d’unité qui lui dit qu’il s’occupe de tout faire disparaître. Il laisse le jeune Brandon pour mort, alors qu’il vit toujours. Douze heures plus tard, un chien le découvre dans la neige; il meurt deux jours plus tard. Commence alors une chasse aux évidences, une série de cachotteries et autres qui mettent le téléspectateur en haleine et le laissent pantois plus d’une fois.
Le secret est omniprésent, et se présente ici comme le pire des remèdes à la situation. On veut protéger les réputations au détriment d’une famille qui, elle, veut savoir exactement comment et pourquoi son fils est mort. Le jeune policier veut au départ appeler la police et tout avouer. Mais l’esprit tordu de son supérieur pense tout autrement et l’ombre s’installe dans l’âme du jeune policier au cœur droit et bon. Jusqu’à sa perte…
N’est-ce pas un peu ce que nous vivons chaque fois que notre cœur n’est pas clair? Une ombre s’installe en nous, et nous avons du mal à continuer à vivre. Ici, le cas est extrême. Mais, nous avons régulièrement l’occasion de cacher des aspects de notre vie, au détriment des autres. Nous voulons sauver quelque chose, quelqu’un : mais pour sauver quoi au juste? Le secret sera toujours révélé. Si la sagesse commande parfois le silence, elle commande également d’en connaître la différence. Et gare à notre cœur si celui-ci tombe dans une ombre qui devrait être lumière. Il risque d’y plonger en créant autour de lui plus de mal que de bien.
Dans « Seven seconds », trois des quatre policiers sont corrompus et se font un revenu supplémentaire grâce à leur entente avec un gang de drogue. Contre un certain pourcentage, ils protègent les membres des « Kings ». Ils entraînent avec eux le plus jeune, dégoûté par ce qu’il voit, mais qui accepte ensuite, au nom d’une fraternité que son épouse elle-même l’oblige à suivre. Au nom de la conformité, du paraître et du bien-être. Et plus la série avance, et plus l’on voit qu’on ne peut négocier avec l’ombre qu’au risque et au péril de notre vie. Pas tant la vie matérielle d’ailleurs que celle de notre âme. La descente aux enfers des policiers, malgré leurs faibles victoires, laisse entendre qu’ils n’ont rien gagné et surtout, qu’ils n’ont rien appris des dégâts causés par le secret.
La tragédie affecte différemment la famille noire, nommée Butler, car elle vit ces événements dans une lumière qui révèlera une capacité d’aimer encore plus grande que ce qui semblait d’abord émerger de la rage et de la peine. Vivre les événements dans la lumière… Cela donne lieu à une scène extraordinaire, tout à fait plausible, mais qui malheureusement, n’ébranlera pas l’ombre qui s’est installée dans le cœur du jeune policier au cœur bon et droit?
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Vivre dans la lumière n’est pas chose facile. Mais, c’est souvent la seule façon de finalement sortir des ravins de la mort et du mal et d’atteindre le soleil de bonté qui nous permet d’être sauvés. Non seulement sur cette terre, mais surtout, dans un ciel qui, si nous le voulons vraiment, peut commencer aujourd’hui, à l’heure où vous lisez ce commentaire d’Évangile. Amen.
Mario Bard
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