Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 24 mars 2019
par Mario Bard
Prêt à tout, le temps qu’il faudra
L’une des facettes de l’être humain qui soit parmi les moins reluisantes est sa propension à encercler le monde dans un grand carré sans porte et à le maintenir ainsi pour qu’il corresponde à sa réalité. Aussitôt que ce monde pensé et réfléchi, qu’il soit virtuel ou réel, est mis à mal par des éléments qu’il considère comme étranger, le voilà complètement dépourvu et prêt à tout pour retrouver sa vision de l’être humain et de la réalité dans lequel celui-ci devrait vivre.
Prêt à tout… Cet Australien de 28 ans qui a massacré 50 personnes dans deux mosquées de Nouvelle-Zélande – des femmes, des hommes et des enfants dont le plus jeune avait trois ans –, qui étaient en train de prier, représente bien cette propension. Cette tragédie et la pensée de son auteur surtout, me semblent rejoindre l’un des pointes de la péricope d’aujourd’hui. Ieshoua remet en question le fait que l’un ou l’autre qui ait péri dans des tragédies soit plus pécheurs que les autres. Il remet en question ce que de nombreuses personnes prenaient pour une réalité immuable.
Je ne sais d’où vient cette croyance, mais il est clair que Ieshoua ne la partage pas. Il semble dire à tous ces sauveurs du monde improvisé, prêt à tout pour sauver le carré dans leur tête, que la mort tragique de personnes dans des accidents d’avion, des toits qui s’écroulent ou des autobus qui tombent dans des ravins, il semble leur dire que cela n’a rien à voir avec Dieu. Ou si peu.
Je ne peux commenter le « Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périssez tous de même. » Un peu d’humour? Une réalité cachée qui finalement contredit la fin de la péricope? Là n’est pas, selon moi, la pointe de tout cet épisode.
Ieshoua ramène plutôt dès la fin ce qu’il considère comme la grande vérité : la miséricorde.
Pour certains experts, Ieshoua présentait le figuier comme le peuple d’Israël qui ne produit plus les fruits qui sont dignes de ce Dieu miséricorde : il est donc bon à être coupé, tout jardinier expérimenté sait cela. Mais, le vigneron est un jardinier persistant, persévérant, insistant. Il y a encore de l’espoir! En ajoutant un peu de fumier, l’arbre produira peut-être un fruit. Et je suis sûr que l’année suivante, le vigneron dira encore la même chose. Comme s’il ne pouvait se faire à l’idée que l’un de ses meilleurs arbres d’autrefois finisse comme cela. Et, si le vigneron représentait Dieu, qui s’adresse aux humains? Il leur dit : patientez! Je sais ce que vous êtes, je sais que votre cœur de chair se transforme parfois en rocher, citadelle imprenable. Mais, si j’ajoute un peu de fumier – un peu d’amour – peut-être que finalement, il produira enfin un fruit digne de mention. Pour lui et pour la société qui l’entoure. Un fruit de miséricorde.
J’en déduis que Ieshoua présente Dieu comme un être de miséricorde infini. Il connaît notre penchant pour la transformation rapide, imitant parfaitement en ce sens le classique Mister Hyde and Doctor Jekkyl, issu d’une nouvelle fantastique, écrite en 1886 par l’écossais Robert Louis Stevenson. En notre for intérieur, nous savons quelles sont ces portes d’entrée vers nos ténèbres. Personne n’est à l’abri d’un moment de folie ou bien encore, d’un durcissement dramatique de son cœur. Personne. Et l’homme bon et droit rencontré la veille se transforme en monstre capable de tout.
Savoir que Ieshoua prône un Dieu-Père-Mère qui est amour et miséricorde infinie devrait, si nous nous estimons suivre le Christ, nous inciter à suivre ces traces. Et ainsi, à sortir des petits carrés idéologiques qui, tous les jours et même inconsciemment, s’installent dans notre cœur et risquent, par effet d’accumulation, de faire sortir l’Esprit saint qui timidement et sûrement – et à notre demande libre! – avait commencé à faire son nid.
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Le massacreur de Christchurch était prêt à tout. Multitudes de fusils, caméra sur l’un d’eux pour documenter son action en direct sur les réseaux sociaux et un manifeste de 74 pages afin de présenter au monde sa vérité. Le sauveur à la mitraillette a réussi ce qu’il voulait faire. Par contre, a-t-il réussi à déshumaniser le monde et à le rendre plus conforme à son idéologie raciste et perverse?
Un homme voulait couper les racines de toute une communauté dans un pays réputé pour un excellent vivre ensemble. Les fleurs qui s’accumulent devant les mosquées, les simples citoyens qui viennent se recueillir quelques minutes et même un gang de Bikers autochtones maori qui vient rendre hommage aux victimes en dansant un rituel traditionnel; tout cela nous rappelle qu’un grand nombre de personnes ont déjà choisi le camp de la bonté et de la miséricorde. Loin de créer la révolution raciste, le massacreur n’a fait qu’amplifier le désir de travailler plus fort afin de dialoguer et de créer des ponts. Parce qu’ils ont prêts à tout, les hommes et les femmes de bonne volonté, pour laisser du temps à l’humain et à la confiance que chacun soit digne de respect et d’amour. En toute miséricorde.
Mario Bard
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