Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 22 décembre 2019
par Mario Bard.
Un songe pour que vienne le règne de Dieu
Toute une génération de Québécois qui sont maintenant parvenus à la fin de leur quarantaine et ceux de 50 ans et + se souviennent sûrement de cette courte phrase : « Je crois rêver! » Le personnage créé par Guy A. Lepage, membre du groupe humoristique Rock et belles oreilles, me fait rire à chaque fois. Le ton laconique de Mme Brossard de la rue Brossard à Brossard, paralysée par la caméra qui lui annonce en direct qu’elle vient de gagner un prix, est légendaire. Le rêve qu’elle fait est éveillé et sa réaction est tout simplement hilarante! Là s’arrête la comparaison avec Joseph.
Au départ, celui qui prend Marie chez lui devait plutôt penser qu’il vivait un cauchemar. Le songe viendra lui dire que, non. Chez Marie, ce n’est pas une quelconque infidélité de passage qui est à l’origine de cette nouvelle inusitée. C’est plutôt la fidélité à un projet d’amour, un projet hors mesure : celui de mettre au monde un petit être qui deviendra pour le monde, un sauveur, un créateur, un reflet parfait de ce que Dieu est. Ou bien devrait être.
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Je me demande souvent si, dans le cours de notre vie, nous aussi sommes appelés à devenir et à être exceptionnels, ouverts et fiers de présenter un Dieu qui soit, non pas celui qui punit, déchire, interdit, réclame, mais plutôt celui qui, comme Marie, Ieshoua et Joseph l’ont saisi à différentes étapes de leurs vies, un Dieu qui n’est qu’Amour. Pourtant, le Dieu courroucé chanté dans le magnifique chant du Minuit chrétien a longtemps habité les esprits de l’être humain de la civilisation chrétienne, surtout depuis la renaissance. Et, malgré l’Évangile – d’une clarté limpide comme un ruisseau quant à l’image de Dieu sur terre –, l’idée générale d’un Dieu courroucé va connaître son apogée au 19e siècle. Heureusement, des chantres de la miséricorde viendront redire que ce n’est pas le cas. Ou si peu… Ainsi, Thérèse de Lisieux qui ose, tout comme Dina Bélanger, parler directement à Jésus comme à un frère. Et, l’amoureux qu’elle admire tant devient ainsi le frère à qui elle peut tout confier.
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L’extraordinaire de Dieu ne réside pas dans la recherche de pouvoir, de création d’une société à l’image des idoles qui vivent et fantasment dans nos têtes. Le Dieu de l’Évangile arrive dans une mangeoire et il est d’abord adoré par des bergers. Ce sont les itinérants de cette société du temps de Jésus. Personne n’écoute vraiment ce qu’ils disent ou font. Ils sont très mal vus et leurs présences sont plutôt gênantes pour ceux qui vivent la prospérité de leur temps.
Les parallèles avec la société du temps de Jésus sont si faciles à faire aujourd’hui! Toute une génération de chrétiens, essentiellement occidentaux et surtout nord-américains, est férue de la théologie de la prospérité. L’argent est censé être le signe clair de cet amour de plus en plus grand que nous porte le créateur. Dieu répond à nos bonnes manières, à notre fidélité morale et aux politiques d’austérité censées éduquer les masses à la dure. Nourrir le plus pauvre? Laisser cela aux Églises et aux organismes de charité. Éduquer? Le « self-made-man » et la « self-made-woman » sont honorés à l’égal des demi-dieux des sociétés dans lesquelles a grandi et vécut Ieshoua. Ils se sont éduqués à la dure! Que les autres font de même et tant pis pour ceux qui trébuchent et tombent. Qu’ils meurent le plus vite possible.
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Le songe de Joseph est plus qu’un songe : c’est un message direct du ciel. Celui qui va naître au milieu de nulle part, sera moqué et mis sur une croix est vraiment Messie. Et le don libre de sa vie, choisi par amour, est chemin de résurrection. Dès la crèche. Joyeux Noël!
Mario Bard
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