Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 31 mai 2015
par Mario Bard.
Se nourrir pour annoncer
La semaine dernière, des centaines de milliers de personnes – des millions peut-être? — se sont réjouies de la béatification de Mgr Romero. Tué par des militaires alors qu’il présidait la messe dans sa cathédrale d’El Salvador le 24 mars 1980, le nouveau bienheureux a eu de patients admirateurs.
Parce qu’il parlait directement pour les plus pauvres; parce qu’il avait également parlé haut et fort afin de dénoncer la dictature sanglante de son pays; parce que trop de gens voulaient en faire un symbole de la théologie de la libération.
Les autorités d’alors au Vatican ont hésité à le mettre officiellement sur le chemin de la canonisation, c’est-à-dire, de le reconnaitre officiellement comme un saint de l’Église catholique.
Pourquoi?
Parce que dénoncé dérange dans la conception que plusieurs possèdent de la sainteté. Les fondateurs de communautés sont habituellement plus tranquilles. Et s’ils remettent en question un système social, ils le font souvent sous le mode de la discrétion. Par contre aujourd’hui, comment rester tranquille devant autant de souffrances, ou du moins, ne pas oser lever la voix?
Romero, comme tant d’autres de ces compatriotes d’ailleurs, l’a fait au risque de sa propre vie. Et pour moi, cela représente une façon d’annoncer l’Évangile. Une façon d’enseigner aussi. Le Règne de Dieu se bâtit de bien des façons. Celle qu’avait choisie Mgr Romero est certainement aussi valable que la prière des contemplatifs, qui au fond de leurs monastères, demeurent bien conscients des difficultés du monde et prient pour lui.
***
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Ce sont des mots que l’on dit, ou plutôt que l’on prie, au début de chacune des messes. Que faisons-nous? D’abord, nous prions pour qu’entrent en nous ces trois personnes. Que cette trinité bienheureuse nous habite à son tour et devienne une source toujours plus abondante au fond de notre cœur.
Des gens d’autres traditions religieuses ne comprennent pas toujours ce que peut signifier la trinité. Nous-mêmes comme chrétiens, nous ne la saisissons pas complètement.
Pourtant, même si je n’en saisis que de petites portions, je comprends que ces trois entités ne sont qu’une… Elles s’adorent, s’aiment, se respectent mutuellement et elles ont besoin l’une de l’autre pour devenir et rester dans la source d’amour que leur mouvement a su créé. Un tourbillon qui ne s’arrête jamais.
Au risque de paraitre un peu ésotérique – au sens opaque qu’on lui donne parfois —, je me dis qu’un Dieu seul dans son ciel n’aurait jamais la même qualité d’amour sans le fils qui a connu la condition humaine. Puis, cet amour mutuel enfante l’Esprit Saint, qui se laisse inspirer par les deux premiers, et souffle à qui veut bien l’entendre qu’il est — « Je suis » —, maintenant, aujourd’hui et au moment présent, un amour immortel. Éternel. Un amour auquel nous pouvons participer.
Il ne s’agit que de prononcer le nom de Ieshoua. Ou encore de prier avec de la musique, celle qui inspire le cœur à faire le bien et à faire confiance à la vie. Nous pouvons aussi rester en silence devant un paysage qui coupe le souffle. Bref, entrer dans ce tourbillon d’amour et de vie n’est pas du tout réservé à une élite.
Il est au contraire ouvert à tous.
***
Un ami moine me confiait un jour à quel point il est heureux! Vivre avec le Bon Dieu est un bonheur incalculable. Et rassurez-vous, il est plutôt de type réaliste. Alors, quand il me confie cet état d’être, c’est bien ancré dans la terre des vivants.
Il avait aussi été, pendant un an, dans un pays d’Amérique latine. Comme volontaire auprès des orphelins. En tant que moine. Une manière de dire : peut-être que la vie monastique a aussi besoin de ces moments ancrés dans les dures réalités du monde, pour mieux les offrir à la prière ensuite.
Mgr Romero a aussi prié tous les jours pour ce monde souffrant qu’il a offert. En espérant que son pays trouve la paix. Pour que le courant d’amour de cette trinité bienheureuse passe et rafraichisse à jamais les cœurs. Qu’il les mène jusqu’aux portes du paradis, déjà régnant dans les cœurs des saints d’aujourd’hui.
Mario Bard
Laisser un commentaire