Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 19 juin 2016
par Mario Bard.
D’abord miséricorde… au prix de sa vie
Être Jésus le Christ. Des fois, je me demande comment Ieshoua de Nazareth a pu se sentir. Les foules sont derrière lui, pleines de ferveur. Elle jubile chaque fois que le miracle dont elles ont entendu parler la veille se produit. Encore mieux : aujourd’hui, Ieshoua de Nazareth en produit deux de plus! « Pour le prix d’un! », éclate la mégère pleine d’espérance. « Il a guéri une prostituée! », se surprend un rabbi indigné. « Est-ce qu’il guérira notre enfant? », se demande un couple venu des pays voisins.
J’aime imaginer la foule qui s’esclaffe, qui applaudit et chante des chants de joie à son Dieu d’Israël. Foule en liesse qui n’hésite pas à en demander plus. Elle est gourmande de miracles cette foule. Donnez-moi ce que je veux pourrait-elle aussi dire. Sinon…
Le sinon vient à la fin du récit des Évangiles. Quand Ieshoua de Nazareth se retrouve sur la croix. Un endroit qui ne fait aucun sens pour le rabbi compatissant et rempli de miséricorde qu’il est. Pourtant, cette même foule ne réagit plus. Car, un miracle, c’est bien. Mais, pardonner les péchés, c’est un geste plutôt grossier. Qui ne fait aucun sens. « How dare you? », diraient les Anglais dans cette expression qui sonne bien et que l’on pourrait traduire par « Comment osez-vous? »
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Osez pardonner. Une insolence que les foules, tout comme les grands prêtres, ne lui pardonneront pas, c’est le cas de le dire. Un individu peut aimer ce pardon généreux et sans fin. Par contre, la foule déteste. Elle a besoin de repères forts, de balises dures et sans exception. Tant pis pour les plus faibles. S’ils tombent, ils se font piétiner. La foule préfère condamner Jésus de Nazareth. Elle reconnait qu’il est peut-être le Messie attendu. Mais, au-delà des miracles, le pardon ne passe pas.
Les plus faibles n’ont qu’à suivre ou se taire.
Nous avons peur du pardon. Car, il remet en question la plus forte. Ceux et celles qui, aux yeux de la société dans laquelle ils vivent, sont les détenteurs de la vérité et des bonnes mœurs. Le problème avec ce genre d’attitude figée, c’est qu’elle ne permet pas la rencontre de l’autre, différent. Elle ne permet aucun dialogue. Elle permet seulement à celui qui est à la mode du jour de s’emparer du pouvoir et de dominer l’autre. Sans qu’il essaie de comprendre l’autre, son monde est égoïstement refermé sur ses théories et des pratiques.
Le pardon est encore vu, aujourd’hui, comme une pratique pour les faibles. Et Ieshoua, après avoir donné des signes de puissance par les miracles qu’il réalise, se montre faible par le pardon qu’il accorde.
Certes, le pardon est accordé dans la société d’alors. Mais, il a ses limites, celles-ci étant données par les grands prêtres et docteurs de la loi. Nul ne peut passer au-dessus. Nul, sauf que Ieshoua ose montrer un chemin : celui de l’accueil inconditionnel, celui d’une miséricorde sans fin, et celui d’un mystère : le pardon.
Remettre ainsi en question un système est tout un problème dans la société d’alors. Dangereux, irresponsable, et peu recommandable. Et puis, tout le travail d’écoute qu’il faut pour accueillir, comprendre, donner du temps! Les règles sont tellement plus simples.
Mais, paradoxalement, les règles ne donnent rien. Elles sont des balises sur lesquelles ceux et celles qui sont responsables de diriger nos sociétés devraient toujours se tenir en équilibre et sauter vers des règles encore plus humaines, plus miséricordieuses, plus en accord avec les valeurs d’Évangile. Dont plus grande, me semble-t-il, est la miséricorde.
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Apprendre à pardonner est très difficile. Mais, c’est ainsi que Ieshoua de Nazareth est devenu le Christ. C’est ainsi que le Messie n’est plus seulement un faiseur de miracles. Il est créé, à l’intérieur de tous, un espace pour que soit reconnue notre pleine humanité. Et cet espace est rempli d’un amour qui peut nous faire éclater. Laissons-nous éclater de joie, car c’est entre autres là que réside la Bonne Nouvelle.
Au-delà de la haine qui déferle sur notre monde, l’amour, ayons foi, est plus fort que la mort.
C’est ainsi qu’au-delà d’un égo qui aurait pu devenir dictature, Ieshoua choisit le service,
même si celui-ci le mène vers la mort.
C’est ainsi qu’il est Messie.
Mario Bard
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