Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 16 novembre 2014
par Mario Bard.
Un saint qui s’ignore
J’ai un ami qui me dit toujours que je suis un saint. Parce que lorsque je prie, je ferme les yeux et, je l’avoue, je ressens habituellement une très grande paix intérieure. Facilement, je m’évade vers Dieu. Lui comme il me dit, reste sur le champ de pâquerettes, il ne ressent rien, ne semble pas avoir de communication particulière avec Dieu, et ne goûte pas cette paix que j’avoue ressentir lorsque s’élève une prière, une musique, un chant, une Parole de bonté et de beauté. Je suis facilement touché, certes.
Est-ce que cela fait de moi un saint? Pas nécessairement. Je peux être en train de pleurer de joie sur un détail, et pendant ce temps-là, l’autre à côté de moi meurt de faim et de soif. Ou bien, l’autre ne peut plus monter les escaliers seul, et je ne le vois pas, aveuglé par mes larmes.
Cet ami qui dit n’avoir aucun contact avec Dieu a le sens de la générosité. Bien sûr, il ne pleure pas aux mêmes accents. Mais aussitôt qu’il voit un problème de la vie quotidienne, il essaie de le résoudre par son aide. Ouvrir une porte, accompagner une dame qui doit marcher plus vite parce que le feu deviendra rouge dans deux secondes, oser dire l’impensable quand vient le temps de dénoncer des situations d’injustices.
Cet ami a probablement plus de sainteté qu’il ne le clame. La sainteté, ce n’est pas seulement s’habiller de rouge cardinal en traînant une cape énorme derrière soi pour impressionner la galerie et redire que, finalement, la sainteté est inaccessible aux laïcs que nous sommes.
La sainteté, c’est cette générosité amoureuse et fragile qui ose se salir, recevoir des coups, et recommencer parce que c’est la seule chose qui compte : aider, soutenir son prochain. Le service de Dieu n’a rien d’un long fleuve tranquille. La joie de l’Évangile (j’ose reprendre ce titre de plus en plus parlant), c’est d’oser abandonner sa cape de cardinal pour en faire des vêtements pour les plus pauvres.
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« Seigneur, je savais que tu es un homme dur,
que tu moissonnes où tu n’as pas semé,
que tu ramasses ce que tu n’as pas répandu. »
Le Seigneur de l’Évangile n’a aucune intention de laisser tomber ceux et celles qui souffrent dans les douleurs provoquées par la pauvreté, la maladie et la souffrance causées par le péché. Il marche et moissonne avec les cœurs. Il ose nous dire « N’AIES PAS PEUR! ». Lorsque le psalmiste écrit : « Les ténèbres ne sont point ténèbres devant toi » – comme pour nous rappeler que Dieu n’a pas peur de nos propres ténèbres –, savons-nous lui donner ces ténèbres? Savons-nous lui abandonner nos noirceurs afin de nous laisser remplir de sa lumière?
Avec le Dieu de l’Évangile, ce n’est pas d’abord la performance morale qui est au programme. C’est plutôt cette entrée en relation avec un Dieu qui ne juge pas, ne violente pas, ne veut qu’être aimé pour que nous puissions à notre tour être des aimants auprès de tous ceux et celles qui cherchent un chemin de paix, de joie et de lumière.
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Mon ami ne se sent toujours pas saint. Après lui avoir exposé mes idées, il demeure convaincu qu’il lui manque quelque chose pour rejoindre Dieu. Pourtant, jour après jour, je vois des différences dans son attitude. Il ose maintenant accueillir un peu plus d’amour sur lui. Un amour de moins en moins conditionnel. Une ouverture se crée. Et ses gestes sont toujours ceux de la générosité, qui « moissonnent » où rien n’est semé…
Le prix de la générosité, c’est la croix. Mais, par l’amour donné gratuitement, c’est aussi la résurrection.
Mario Bard
La bonté multiplié à plus
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