Évangile du dimanche 14 mars 2021

4e dimanche de carême (année B), selon l’écrit de Jean 3, 11-21

Du pain sur la table11 Amen, amen, je te le dis: nous parlons de ce que nous savons
et nous témoignons de ce que nous avons vu,
mais vous n’acceptez pas notre témoignage.

12 Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses terrestres,
comment croirez-vous quand je parle des choses célestes?

13 Oui, personne n’est monté au ciel
sinon celui qui est descendu du ciel: le Fils de l’homme.

14 De même que Moïse a élevé le serpent de bronze, dans le désert,
de même il faut que le Fils de l’homme soit élevé

15 pour que tout être humain, qui met sa foi en lui, ait vie d’éternité.

16 Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné le Fils, l’unique
afin que tout être humain, qui met sa foi en lui, ne périsse pas
mais qu’il ait vie d’éternité.

17 Non, Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde
mais pour que le monde soit sauvé par lui.

18 Celui qui a foi en lui n’est pas jugé, mais celui qui n’a pas foi est déjà jugé,
car il n’a pas foi en la personne du Fils unique de Dieu.

19 Et voici le jugement: la lumière est venue dans le monde,
mais les humains ont mieux aimé les ténèbres que la lumière
car leurs actions étaient malignes.
Oui, tout être humain, qui fait le mal, hait la lumière

20 et il ne vient pas vers la lumière
afin que ses actions ne soient pas réprouvées.
Mais celui qui fait ce qui est vrai vient vers la lumière

21 afin que ses actions soient manifestées: elles sont en effet accomplies en Dieu.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

La place de ce texte dans le récit de Jean
Cette sorte de méditation sur le rôle du Fils de l’homme dans le salut de l’humanité
se situe dans le prolongement d’un dialogue avec Nicodème.
Nicodème est un membre de l’élite juive de Jérusalem.
Il est venu trouver Jésus de nuit et reconnaître que son enseignement vient de Dieu:
Maître, nous savons que c’est de Dieu que tu es envoyé pour enseigner,
car nul ne peut accomplir ces miracles que tu fais si Dieu n’est pas avec lui
 (Jn 3,2).
Jésus semble ne pas répondre à Nicodème
puisqu’il se met à parler de la nécessité de renaître pour « entrer dans le règne de Dieu »:
Personne ne peut voir le règne de Dieu s’il ne renaît pas d’en haut (Jn 3,3) .
Qu’est-ce que veut dire: voir, entrer dans le règne de Dieu?
Rappelons-nous que, dans la langue araméenne (celle parlée par Jésus),
le même mot: malkouta signifie aussi bien « règne » que « règle ».
Or, dans la culture juive, c’est le père qui transmet à son fils la règle de Dieu: la Tora.
La Tora donnée par Dieu à Moïse contient notamment les dix grands préceptes.
Cette activité de transmission est l’exercice le plus essentiel de la paternité.
Voir ou entrer dans le règne de Dieu,
ce peut donc être de pénétrer intimement la Règle de vie de Dieu,
agir selon cette Règle, vivre selon l’esprit du Père,
et ainsi entrer dans la paternité divine, devenir fils-fille de Dieu.
Mais que veut dire: renaître de Dieu?
Jésus va répondre qu’il faut renaître d’eau et d’esprit.
Certains pensent voir ici une allusion au baptême.
Peut-être… mais il faut expliciter ce qu’est ce baptême fait d’eau et d’esprit.
L’eau peut ici représenter l’enseignement de la Règle, de la Tora.
Comme l’eau fait vivre celui qui s’en abreuve, la Règle de sagesse de Dieu
fait vivre celui qui l’accueille, comme le dit ce texte samaritain:
«Dans les eaux profondes d’une source agréable est la vie éternelle.
Tenons-nous dans la connaissance pour boire de ses eaux.
Nous avons soif des eaux de la vie.»
On retrouve ce même symbolisme dans le livre du Siracide (Si 15,1-3):
Celui qui se saisit de la Tora reçoit la sagesse,
elle lui donne à boire l’eau de la sagesse.

Mais cette Règle de Dieu ne sera source de vie
que si l’Esprit de Dieu vient inspirer celui qui s’efforce de vivre selon la Règle divine.
Les prophètes d’Israël avaient souvent rappelé cela:
pour vivre la Règle de Dieu, il faut la force de son souffle spirituel (Éz 36,27):
Je mettrai en vous mon souffle spirituel et
je ferai que vous marchiez selon mes directives.

Le livre juif des Jubilées exprime ainsi le projet de Dieu:
«Je crée en eux un souffle spirituel saint et je les purifie.
Je serai alors leur père et eux seront mes enfants» (Jub 1,23s).
Et Jésus traduit cela en disant: Ce qui est engendré de l’humain terrestre est terrestre.
Ce qui est engendré du souffle spirituel est spirituel
 (Jn 3,6).
Notre texte devrait donc expliciter ce que veut dire: être engendré de l’esprit.

Amen, je te le dis: nous parlons de ce que nous savons 
et nous témoignons de ce que nous avons vu.

Le pluriel est un peu surprenant dans la bouche de Jésus.
Peut-être répond-il au pluriel dans la bouche de Nicodème:
Maître, nous savons que c’est de Dieu que tu es envoyé.
Il peut y avoir là un écho des discussions -après Pâques-
entre les disciples de Jésus et les Juifs fidèles à la synagogue.
Nous trouvons en effet un pluriel semblable dans la première lettre de Jean:
Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux,
ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché de la Parole de vie
-car la vie s’est manifestée: nous l’avons vue-
nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette vie éternelle
qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue
 (1Jn 1,1-2).
Voilà peut-être l’essentiel de la réponse de Jésus à Nicodème:
pour être engendré du Père qui est Dieu, il faut passer par Celui qui est la Parole de vie:
Jésus « qui vient de Dieu ». Pourquoi? Qu’est-ce que Jésus apporte de plus que la Tora?

Personne n’est monté au ciel sinon
celui qui est descendu du ciel: le Fils de l’homme.

Que signifie cette affirmation que le Fils de l’homme est descendu du ciel?
Déjà les livres bibliques affirmaient
que la Tora (la Règle de Dieu) était une révélation de Dieu lui-même,
et non pas une simple réflexion des êtres humains.
En effet, Dieu est trop grand pour être connu par la seule intelligence humaine.
Aucun humain ne peut découvrir seul la sagesse qui vient de Dieu.
Les prophètes n’ont cessé de le répéter:
Qui est monté au ciel et puis en est descendu?
Qui a recueilli le souffle dans ses poings?
 (Pr 30,4).
Qui est monté au ciel, qui s’est emparé d’elle [de la Sagesse] pour la faire descendre des nuées (Ba 3,29).
Déjà nous avons peine à nous représenter les réalités terrestres.
Même ce qui est à notre portée, nous ne le découvrons qu’avec effort.
Mais les réalités célestes [divines], qui les a explorées?
Ta volonté, [Dieu], qui l’aurait connue si tu n’avais pas donné toi-même la Sagesse
et envoyé d’en haut ton Esprit de sainteté?
 (Sg 9,16)
Aussi l’être humain est-il invité à demander à Dieu qu’Il lui fasse le don de sa sagesse:
Dieu des pères et Seigneur de miséricorde,
toi qui as formé l’être humain par ta sagesse,
donne-moi la sagesse et ne me rejette pas du nombre de tes enfants
 (Sg 9,1-4).
Ce don de Dieu s’est déjà réalisé par la Tora donnée à Moïse.
Et pour ceux qui écoutent la Tora et la gardent dans la mémoire du coeur,
cette Règle de Dieu est donc déjà inscrite dans leur être le plus profond:
Cette Tora que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes moyens ni hors de ta portée.
Elle n’est pas dans le ciel pour que tu puisses dire: «Qui montera au ciel à notre place
pour la chercher afin que nous l’écoutions et la mettions en pratique?»
La parole est tout près de toi: elle est sur tes lèvres et dans ton coeur
 (Dt 30,11-14).
Pourtant, la longue expérience du peuple juif montre qu’il n’est pas facile
de vivre en accord avec la Tora, d’agir selon la sagesse de Dieu.
Dans sa lettre aux Romains, l’apôtre Paul a bien exprimé cette difficulté (Rm 7,15-25):
Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas:
car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais.
Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais -d’accord avec la Tora- qu’elle est bonne…
Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir:
puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas.
Je me complais dans la Tora de Dieu du point de vue de l’homme intérieur;
mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison
et m’enchaîne à la loi du péché. Malheureux homme que je suis!
Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort?

Face au poids du péché qui nous voue à une mort spirituelle
-malgré l’enseignement de Dieu donné dans la Tora-
l’apôtre apporte la réponse qui le fait vivre depuis sa conversion:
Gratitude soit rendue à Dieu par Jésus, Christ, notre Seigneur! 
C’est par l’amour gratuit de Jésus que je peux vivre selon la sagesse du Père.
Dans la lettre aux Galates, Paul s’écriera:
Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. Ma vie présente dans la chair,
je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi
 (Ga 2,20).
Voilà donc ce que Jésus va expliquer à Nicodème: pour être engendré de Dieu,
il faut accueillir l’amour du Fils de l’homme qui a « livré sa vie ».

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils.
Que signifie: Dieu donne son fils? Il ne s’agit pas seulement de la naissance de Jésus.
Demandons encore à Paul de nous faire comprendre l’expression:
Dieu n’a pas épargné son propre fils mais il l’a livré pour nous tous (Rm 8,32).
Dans la langue grecque, les verbes « livrer » et « donner » sont de même racine.
Ils traduisent ici le mystère de la mort de Jésus, le sens de la croix.
Le récit de Jean évoque ce don au seuil du Dernier Repas:
Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père,
ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin…
alors que déjà le diable avait mis au coeur de Judas le dessein de le livrer
 (Jn 13,1-2).
Mais si c’est Judas qui sera l’outil de cette mort en « livrant » son Maître,
Jésus nous dit qu’il est le seul auteur de sa mort:
Je donne ma vie pour mes brebis.
C’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie.
Personne ne me l’enlève; mais je la donne de moi-même
 (Jn 10,15.17-18).
Face au rejet de son message d’amour par les chefs religieux,
Jésus n’a d’autre réponse que le don de sa vie.
Sa mort est le geste suprême du pardon envers tous ses adversaires
et spécialement envers Pierre qui le renie, Judas qui le trahit,
et les autres disciples qui vont l’abandonner lors de l’arrestation.
Dans notre texte, cette mort sur la croix est décrite par l’image du serpent de bronze.
À quoi fait-on allusion ici? Lors de la sortie d’Égypte sous la conduite de Moïse,
-lorsque les tribus juives marchaient dans le désert pour gagner la Terre d’Israël-
beaucoup de gens mouraient par des morsures de serpents (cf. Nb 21).
Or, le serpent est le symbole de la mort spirituelle par le péché.
Moïse avait fait un serpent de bronze cloué sur une perche de bois.
Ceux qui regardaient -avec foi en Dieu- le serpent élevé sur le bois,
ceux-là étaient guéris, parce qu’ils étaient sans doute pardonnés par Dieu.
Rappelons que, dans la pensée du temps, la maladie est la conséquence du péché.
Aussi cette guérison est-elle l’oeuvre de Dieu, comme le dit le livre de la Sagesse:
(Sg 16,6-7) Celui qui se tournait vers le serpent était sauvé,
non pas par ce qu’il avait sous les yeux, mais par Toi, Dieu, le sauveur de tous.

Ainsi le serpent cloué sur le bois était-il le signe de la victoire de Dieu sur le mal,
signe de son amour qui n’a de cesse de vouloir guérir et sauver tout être humain.
Dans la vie de Jésus, ce qui était préfiguré par le serpent de bronze se réalise:
De même que Moïse a élevé le serpent de bronze,
de même il faut que le Fils de l’homme soit élevé
pour que tout être humain, qui met sa foi en lui, ait vie d’éternité.
Le mot araméen qui est traduit ici par « élevé » peut aussi se traduire par « crucifié ».
Et le « il faut », que nous trouvons ici,
évoque le « il faut » des autres évangiles lorsqu’ils parlent de la mort de Jésus:
Il faut que le Fils de l’homme soit rejeté, tué… (Lc 9,22).
La mort de Jésus est un don d’amour, et c’est pourquoi elle est source de pardon.
Seul celui qui est rempli d’amour a la force du pardon.
Le coeur de Jésus n’a jamais connu le mal et il s’est gardé dans l’amour jusqu’à la mort:
c’est pourquoi sa mort peut devenir un don de vie pour les autres.
Jésus en fera un mémorial pour la suite des temps:
Prenant du pain, il rend grâce, le rompt et le leur donne, en disant:
«Ceci est mon corps, donné pour vous; faites cela en mémoire de moi.»
Il fait de même pour la coupe après le repas, disant:
«Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous»
 (Lc 22,19-20).
Pour les siècles à venir, le Repas du Seigneur sera ainsi le lieu
où chaque disciple pourra venir chercher la force de l’amour de Jésus
afin de vivre l’Évangile et de renaître comme fils, fille du Père.

Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde
mais pour que le monde soit sauvé par lui.

Certes, la croix est le fruit du mal et de la haine de ceux qui ont rejeté Jésus.
Mais Jésus a préféré livrer sa vie plutôt que de détruire ceux qui le rejettaient.
Ainsi, en renonçant à faire violence et en choisissant de livrer sa vie,
il a sauvé son âme en la gardant dans la pureté de l’amour.
Cette âme remplie d’amour, cet esprit de bonté et de miséricorde qui habitent Jésus,
sont dès lors devenus le chemin par où Dieu nous transmet son pardon d’amour.
Aussi, sur la croix, Jésus est-il l’image la plus parfaite de Dieu et de son amour.
Être élevé sur la croix, c’est donc être élevé dans la gloire,
car être glorifié c’est être envahi de toute la plénitude de l’amour du Père Divin.
La mort de Jésus est le lieu d’où nous provient l’amour pardonnant du Père.
Sur la croix, ce n’est pas seulement Jésus qui se donne:
le Père -qui l’habite- s’associe à ce don.
Dieu ne veut pas condamner l’être humain mais au contraire le faire vivre pour toujours.
Ce Dieu-Père de Jésus, qui se révèle sur la croix, est le Dieu qui n’est qu’amour.
C’est un Dieu fragile, vulnérable et désarmé.
C’est un Dieu qui ne peut s’imposer à l’être humain
car on ne peut imposer une relation de communion.
C’est au contraire un Dieu qui s’est exposé au refus de l’être humain.
Un Dieu qui attend éternellement notre consentement sans jamais se lasser.
Ce n’est pas un Dieu extérieur, loin des êtres humains,
mais un Dieu qui est intérieur à notre vie, plus intime à nous-même que nous-même.
Toujours respectueux de notre liberté, du caractère sacré, inviolable de notre Je unique.
On ne peut établir une relation d’amitié en violant la conscience de celui que l’on aime.
Ce Dieu veut nous sauver de notre propre destruction qui est de ne pas aimer.
Il offre son amour, qui a été parfaitement accueilli et accompli dans le coeur de Jésus.

Celui qui n’a pas foi est déjà jugé.
Avoir foi en Jésus, le Fils unique de Dieu qui livre sa vie par amour,
c’est accueillir à notre tour cet amour de pardon.
C’est nous convertir à une relation qui est une relation d’amour avec un Dieu Père,
et qui ne peut coïncider avec une relation de crainte envers un Dieu Juge.
Il n’y a pas de crainte dans l’amour;
au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment,
et celui qui craint n’est point parvenu à la perfection de l’amour
 (1Jn 4,18).
Au contraire, celui qui n’a de relation avec Dieu
qu’à travers les lois, les obligations et les interdits,
celui qui fait de sa vie un perpétuel sacrifice
pour racheter ses fautes et pour mériter la reconnaissance divine,
celui-là ne peut venir à la lumière que lui propose Jésus,
pour qui cette vision d’un Juge -qui ne peut être Père- est le péché le plus grave.
Le Malin ne combat pas toujours Dieu ouvertement:
sournoisement, il trace de Dieu le portrait d’un Créateur dont il faut avoir crainte
et dont on ne peut se laisser simplement aimer.
Ainsi fit le serpent-malin aux premiers jours de la création (cf. Genèse 1).
Éric-Emmanuel Schmitt illustre bien ce péché fondamental qui défigure Dieu,
dans cette scène du Visiteur qui relate la rencontre entre Dieu (l’Inconnu) et Freud:
Freud: Tu es tout-puissant!
L’Inconnu: Faux. Le moment où j’ai fait les hommes libres,
j’ai perdu la toute puissance et l’omniscience.
J’aurais pu tout contrôler et tout connaître d’avance
si j’avais simplement construit des automates.
Freud: Alors, pourquoi l’avoir fait ce monde?
L’Inconnu: Pour la raison qui fait faire toutes les bêtises,
pour la raison qui fait tout faire, sans quoi rien ne serait… par amour.
Tu baisses les yeux, mon Freud, tu ne veux pas de ça, hein, toi, un Dieu qui aime?
Tu préfères un Dieu qui gronde, les sourcils vengeurs, le front plissé, la foudre en mains?
Vous préférez tous ça, les hommes, un Père terrible, au lieu d’un Père qui aime…
Et pourquoi vous aurais-je faits, si ce n’était par amour?
Mais vous n’en voulez pas, de la tendresse de Dieu,
vous ne voulez pas d’un Dieu qui pleure, qui souffre…
Oh, oui, tu voudrais un Dieu devant qui on se prosterne mais pas un Dieu qui s’agenouille.
Dans le chapitre de Jean qui relate la guérison de l’aveugle-né,
Jésus montre bien où se trouve le véritable péché:
Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché;
mais vous dites: Nous voyons! Votre péché demeure
 (Jn 9,41).
Les Pharisiens, à qui s’adresse cette remarque, se croient corrects
parce qu’ils observent les préceptes.
Mais leur attitude vis à vis de l’aveugle -qu’ils condamnent comme pécheur-
en est une de jugement sans compassion.
Cela manifeste que leur belle observance de la Tora est faite sans amour
et qu’ils sont donc dans le péché, dans le véritable mal qui est d’être sans amour.
Étant sans compassion, sans pardon d’amour pour leur prochain,
ils manifestent qu’ils nont pas accueilli l’amour de Dieu dans leur vie.
Le fils aîné de la parabole de l’enfant prodigue les représente:
lui aussi agit correctement mais sans amour,
puisqu’il ne peut se réjouir du retour à la vie de son frère.
En n’ayant pas d’autre visage de Dieu que celui d’un Juge qui châtie,
ces gens ne peuvent donc comprendre le sens de la croix dans la vie de Jésus.
Ils font ainsi leur propre malheur en passant à côté de l’amour.
Faire le mal ne consiste donc pas d’abord à ne pas réaliser les préceptes de la Tora:
voler, mentir, tuer…
Mais c’est avant tout et surtout douter de l’amour miséricordieux du Père Divin.
Celui qui ment et vole, s’il reconnaît sa faute, peut en faire le tremplin vers le pardon
et donc vers un renouveau de son amour de Dieu et du prochain.
Celui qui ne peut que craindre Dieu, celui-là ne peut que demeurer dans les ténèbres.

Notre question -celle de Nicodème- était de connaître le chemin menant au Dieu-Père,
la façon de se laisser engendrer par Dieu pour devenir son fils sa fille.
Paul nous a redit qu’aucune loi morale, fut-elle révélée par Dieu comme la Tora,
n’est suffisante pour vivre ce qu’elle commande.
Nous avons été conduits vers la personne de Jésus, le Fils de l’homme,
qui s’offre à nous pour nous faire vivre une relation d’amour et de confiance
avec Celui qui n’est qu’amour car Il est le Père Tout-aimant.
Maurice Zundel nous décrit ce caractère absolument neuf du message de Jésus.
«Voilà la charte de notre liberté:
l’Évangile nous a libérés de ce monarque, nous a délivrés de cette menace d’un Dieu
dont on avait peur et devant lequel on pensait toujours mourir.
C’est cela notre Dieu.
Non pas une limite, non pas une menace, non pas un interdit,
non pas une vengeance,
mais l’Amour agenouillé qui attend éternellement le consentement de notre amour.
L’Évangile nous a fait entrer dans l’intimité du Dieu vivant qui fait surabonder la vie.
L’Évangile nous ouvre cet horizon que secrètement notre coeur attendait.
L’Évangile nous fait connaître le coeur de notre Dieu et nous introduit dans son amitié,
car désormais il n’y a plus de serviteurs, il y a des amis.
C’est une révolution sans précédents. Dieu attend notre amour de fils.
Il attend notre confiance d’ami.
C’est une découverte qu’il faut faire sans cesse.
Le Bien est Quelqu’un, le Bien est une Personne, le Bien est une Vie… un Amour.
Toute la sainteté est là: laisser vivre cet Autre en nous, qui est confié à notre amour.
En Jésus, il n’y a plus de morale, il y a une mystique, il y a un mariage d’amour
qui assume toute la vie, qui la transfigure et qui vise à l’existence dedon.
C’est pourquoi le péché ne s’inscrit pas au dehors dans un grand livre
où sont tenus les comptes de notre conduite, mais il est au-dedans.
Le bien, c’est nous en état de « oui » nuptial; le mal, c’est nous en état de « non ».
Il n’y a pas de morale chrétienne. Il y a une mystique chrétienne.
L’immense majorité des chrétiens ne s’en sont pas aperçus»
(revue Nouveau Dialogue 120, Montréal 1998, p. 19 et 26).

Georges Convert

»»» Questions

1. Que signifie cette affirmation que le Fils de l’homme est descendu du ciel?
2. Que signifie «Dieu donne son Fils»?
3. Que signifie «juger le monde»?
4. Comment comprendre «Celui qui n’a pas foi est déjà jugé»?
5. Pourquoi Jésus est-il le vrai chemin qui mène au Père?

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