Évangile du dimanche 16 mars 2014

Du pain sur la table2e Dimanche de Carême A, Matthieu (17, 1-13)

1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre et Jacques et Jean son frère.
Il les fait monter sur une haute montagne, à l’écart.
2 Il est transfiguré devant eux. Son visage brille comme le soleil.
Ses vêtements deviennent blancs comme la lumière.
3 Et voici que Moïse et Élie se font voir à eux : ils parlent avec lui.
4 Prenant la parole, Pierre dit à Jésus :
Seigneur, il nous est bon d’être ici. Si tu veux, je ferai ici trois tentes : 
une pour toi et une pour Moïse et une pour Élie.
5 Alors qu’il parle encore, 
voici qu’une nuée lumineuse les couvre de son ombre et qu’une voix venant de la nuée dit :
Celui-ci est mon fils, le bien-aimé, en qui je trouve ma joie. Écoutez-le !
6 En l’entendant, les disciples tombent la face contre terre et ils sont saisis d’un frisson sacré.
7 Jésus s’approche, les touche et dit :
Relevez-vous et ne frissonnez pas !
8 Levant leurs yeux, ils ne voient personne, sinon Jésus, seul.
9 Ils descendent de la montagne et Jésus leur commande :
Ne parlez à personne de la vision tant que le Fils de l’homme n’est pas relevé d’entre les morts.
10 Les disciples l’interrogent et disent :
Pourquoi donc les scribes disent qu’Élie doit venir d’abord ?
11 Il répond et dit : Certes, Élie vient pour tout rétablir.
12 Cependant je vous dis qu’Élie est déjà venu et ils ne l’ont pas reconnu ;
mais ils ont fait de lui tout ce qu’ils ont voulu. De même le Fils de l’homme doit souffrir par eux.
13 Alors les disciples comprennent qu’il a parlé de Jean le baptiste.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Voilà une scène que bien des peintres ont tenté d’illustrer.
Mais, ici, les images ne sont pas simplement des clichés photographiques.
Elles sont porteuses de réalités spirituelles.
Comme l’icône qui ne cherche pas à reproduire les traits physiques de Jésus,
mais veut d’abord traduire son être spirituel profond, sa dimension divine.
Le langage est ici d’abord symbolique. Le récit utilise des expressions au sens figuré:
le visage qui brille comme le soleil, les vêtements blancs comme la lumière.
Nous empruntons, aujourd’hui encore, des images pour faire comprendre des réalités intérieures:
son visage était rempli de soleil; il était radieux; son regard était sombre;
il était si heureux qu’il flottait sur les nuages.

Les symboles employés

  • La haute montagne
    On a souvent voulu préciser la situation de la haute montagne:
    est-elle le mont Hermon, au nord de la Galilée ou le Thabor, proche de Nazareth?
    L’évangéliste ne le dit pas et c’est peut-être intentionnel:
    la montagne élevée est le lieu symbolique de la rencontre spirituelle avec Dieu.
    C’est un moment où l’esprit humain s’élève pour aller à la rencontre du Très-Haut.
    Ce haut-lieu où l’on rencontre le Divin est fréquent dans la Bible.
    Moïse et Élie feront une telle expérience sur le mont Sinaï, près de la Mer rouge.
    En ne nommant pas la montagne, le récit nous renvoie peut-être au mont Sinaï
    pour faire le lien entre l’expérience de Jésus et celles de Moïse et d’Élie.
  • La nuée lumineuse
    Dans la Bible, elle est un symbole qui veut décrire la présence de Dieu.
    On peut penser à la lumière du soleil qui perce derrière le brouillard.
    On ne voit pas le soleil mais la lumière dit sa présence;
    comme Dieu qu’on ne voit pas mais dont la création entière dit l’existence.
    On trouve mention de la nuée lumineuse dans les textes de l’Exode (Ex 40,34):
    La nuée couvrait la tente de la rencontre et la gloire du Seigneur-Dieu emplit la demeure.
  • Le visage qui brille comme le soleil.
    Nous trouvons cela également dans l’Exode (Ex 34,29-30):
    Quand Moïse descendit de la montagne de Sinaï, ayant à la main les tables de la Tora,
    il ne savait pas que son visage était devenu rayonnant en parlant avec le Seigneur.
    Celui qui a fait la rencontre spirituelle de Dieu est transformé intérieurement
    et son visage rayonnant exprime ce qui se vit dans son coeur.
    Il en sera ainsi au-delà de la mort:
    Les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43).

La place de ce texte dans le récit de Matthieu

Cet épisode est situé dans le prolongement de la première annonce de la passion.
En Jean, la multiplication des pains provoque la défection de nombreux disciples,
Jésus pose la question de confiance aux Douze: Et vous, n’avez-vous pas l’intention de partir?
Et Pierre répond: Seigneur, à qui irions-nous? Tu as des paroles de vie éternelle (Jn 6,67-68).
En Matthieu, après le repas des pains, Jésus pose la question de son identité:
Et vous, qui dites-vous que je suis?
Et Pierre répond: Tu es le messie, le fils du Dieu vivant! (Mt 16,15-16).
Il semble bien que c’est alors que Jésus commence à parler ouvertement
de sa décision de se laisser arrêter et de sa condamnation à mort.
Pierre ne saisit pas… ou au contraire il comprend trop bien et exprime son désaccord.
Jésus le traite alors de Satan, de tentateur.
Ce qui divise Jésus et Pierre est fondamental:
quel sens peut avoir le fait que Jésus livre sa vie, se laisse condamner et tuer?
La question ne concerne pas seulement Jésus, mais aussi ceux qui le suivent.
Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce lui-même et prenne sa croix.
Qui veut sauver sa vie la perdra.
Quel avantage l’humain aura-t-il à gagner le monde entier s’il le paye de sa vie (Mt 16,24-26).
Comment comprendre ces phrases?
Si Jésus ne se livre pas à ses adversaires, s’il veut sauver sa vie physique,
il affirme qu’il perdra sa vie, c’est-à-dire son âme, sa vie intérieure, spirituelle.
C’est que refuser de livrer sa vie, c’est choisir de fuir
ou tenter de résister à ses adversaires d’une façon qui ne peut être que violente.
Ceux qui veulent le faire mourir le font en croyant sauver l’honneur de Dieu:
d’un Dieu qui est -pour eux- le Dieu puissant,
le juste Juge qui punit les méchants et récompense les bons.
Souvent on pensera servir Dieu
en faisant passer la prière et les offrandes au Temple avant le secours à porter au faible;
en honorant le repos du sabbat plutôt que de porter secours au prochain;
en obéissant servilement à des lois plutôt que d’aimer Dieu dans l’amour du prochain.
Ce visage de Dieu est sans doute un Dieu à mesure humaine,
que nous faisons semblable à nos propres réactions.
Ce n’est pas le Dieu de Jésus qui est le Dieu qui préfère la miséricorde aux offrandes
et le pardon 77 fois 7 fois plutôt que la punition.
Cette vision de Dieu provoque le rejet de Jésus par l’élite religieuse.
Pour ses adversaires, Dieu est sans doute bon mais il est avant tout juste.
Alors que pour Jésus, Dieu est juste mais il est avant tout bon et plein de compassion.
Il est le Père de l’enfant prodigue qui donne son pardon sans condition et avec joie.
Il est le propriétaire de la vigne qui paie autant
ceux qui ont travaillé une heure que ceux qui en ont travaillé douze.
Jésus n’a pu faire admettre cela par les prêtres, les riches et les gens instruits.
Ce Dieu-là leur paraît trop bonasse et son pardon peut leur sembler une injure
à la responsabilité et à la dignité humaines.
Ce Dieu est peut-être aussi trop dérangeant: en effet, on ne peut recevoir son amour
que si nous aimons, à notre tour, jusqu’au pardon inconditionnel.
Face à ces adversaires qui contestent bonté et pardon,
Jésus ne peut que témoigner jusqu’au bout de bonté et de pardon.
Vouloir convaincre, par d’autres moyens, de la vérité de son regard sur Dieu,
ce serait renier ce visage du Dieu d’infinie bonté, et se renier lui-même: perdre son âme.
Nous vivons des choses semblables, parfois moins extrêmes.
Ains i celui qui voit l’un de ses compagnons calomnié par d’autres de façon injuste
et qui ne vient pas le défendre par peur, sauve peut-être sa vie, sa tranquillité,
mais il a perdu un peu de son âme, un peu de son honneur.
Perd re son âme, c’est rendre son coeur sec de tout amour.
Mour ir ainsi, dans l’égoïsme choisi, c’est se condamner à une vie éternelle sans bonheur.
Mourir en aimant, livrer sa vie par amour, c’est au contraire se présenter devant Dieu
avec un coeur disponible à une vie éternelle de communion avec Dieu et avec les autres.
L’âme des justes est dans la main de Dieu.
Leur exode a semblé un malheur. Pourtant leur espérance était pleine d’immortalité.
Au temps de l’intervention de Dieu ils resplendiront.
Ceux qui restent fermes dans l’amour demeureront auprès du Seigneur (Sg 3,2-4.7-8).
Voilà la sagesse que Jésus propose à ses disciples.
À Pierre qui refuse la perspective de la croix, Jésus veut faire comprendre
qu’on ne peut demeurer dans la communion du Père qu’en allant librement vers la croix.
C’est là sans doute le but de cette retraite sur la montagne.

La fête juive des Tentes comportait un message semblable à celui de la passion.
À l’origine, cette fête -qui durait 8 jours- rendait grâce à Dieu pour les récoltes
et on se construisait des tentes de branchages pour dormir sur place.
Au cours des ans, la fête s’était chargée d’autres significations.
Elle rappelait que Dieu avait été présent au milieu de son peuple dans le désert
pendant que celui-ci gagnait la terre de Palestine après sa sortie d’Égypte.
Lors de l’Exode, la nuée avait recouvert la tente où Moïse faisait la rencontre de Dieu.
«Pendant 7 jours vous demeurerez dans des tentes afin que vos descendants sachent
que j’ai fait demeurer les enfants d’Israël dans la nuée de la gloire de ma Tente sainte
au temps où je les fis sortir d’Égypte.» (Targum Neophiti)
Cette nuée était donc devenue le symbole de la présence de Dieu.
Demeurer sous la tente signifiait participer à l’expérience spirituelle des ancêtres
et entrer comme eux dans la communion avec Dieu.
Mais la fête des Tentes évoquait aussi qu’on était en attente du messie.
Au cours d’une procession, on intronisait à l’avance le messie
en le revêtant de blancheur et de lumière et en le célébrant comme la Parole de Dieu.
De plus, le livre juif des Jubilés (un livre presque contemporain des Évangiles)
annonçait que le messie attendu lors de la fête des Tentes serait un messie souffrant.
Zacharie évoque un messie humble délaissant les chevaux de guerre pour un ânon:
Tressaille d’allégresse, peuple de Jérusalem! Pousse des acclamations!
Voici que ton roi s’avance vers toi; il est juste et victorieux, humble, monté sur un jeune ânon.
Il brisera l’arc de guerre et il proclamera la paix avec tous les peuples (Za 9,9-10).
Lors de la transfiguration, la voix de Dieu reprend le passage d’Isaïe sur le serviteur:
Voici mon serviteur, mon aimé en qui Je trouve ma joie. J’ai mis mon Esprit en lui (Is 42,1).
Et la voix divine demande d’écouter ce fils,
comme le dit la liturgie de la fête des Tentes: mon peuple, si tu pouvais m’écouter!
Ainsi les mentions de la nuée, des tentes, de la voix qui reprend le chant du serviteur,
tout cela nous oriente vers la fête des Tentes.
Celle-ci serait donc le cadre dans lequel Jésus va faire vivre une expérience à ses disciples
afin qu’ils comprennent qu’il est bien le messie,
mais le messie aimant divinement -jusqu’à l’offrande de sa vie sur la croix-
et non le messie triomphant selon des vues humaines.
Si Jésus est bien celui qu’il faut écouter, c’est parce qu’il est le fils aimé de Dieu,
celui qui connaît intimement le Père et peut donc nous le faire connaître.
D’ailleurs, tout un chapitre du récit de Jean est consacré à la fête des Tentes.
Jésus enseigne et s’efforce de convaincre les Juifs de la vérité de son enseignement
quand il demande de préférer la miséricorde aux offrandes du culte,
et de faire passer le secours au prochain avant l’observation stricte du repos du sabbat.
Mon enseignement ne vient pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé.
Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir?
Moïse vous a donné la circoncision et vous la pratiquez un jour de sabbat.
Si donc un homme peut recevoir la circoncision un jour de sabbat
sans que la loi de Moïse soit violée,
pourquoi vous irriter contre moi parce que j’ai guéri entièrement quelqu’un un jour de sabbat?
Cessez de juger selon l’apparence, apprenez à juger selon ce qui est juste (Jn 7,16.18-19.22-24).

La présence de Moïse et d’Élie

Ce qui va attester la vérité de l’enseignement de Jésus sur le Dieu bon et pardonnant,
c’est l’expérience de communion intense avec le Père
qu’il va faire en présence des 3 apôtres dans ce moment de prière sur la montagne.
Une expérience qui rend son visage rayonnant d’amour.
Cette expérience mystique est dans la suite de celle que Moïse et Élie ont faite sur le Sinaï.
Le mot mystique peut évoquer une expérience extraordinaire, plus ou moins irréelle.
Au contraire, il veut traduire une expérience réelle de communion avec l’Invisible.
Tout chrétien peut faire cette expérience s’il sait écouter l’Évangile dans la prière.
Avec l’aide de l’Esprit divin qui éclaire son coeur,
l’évangile est alors accueilli comme la Parole même de Dieu qui va inspirer sa vie.

L’expérience de Moïse sur le mont Sinaï

Le Seigneur dit à Moïse: «Monte vers moi sur la montagne.» …
Moïse monta sur la montagne. Alors la nuée couvrit la montagne.
La gloire du Seigneur demeura sur la montagne et la nuée la couvrit pendant 6 jours.
Le 7e jour, le Seigneur appela Moïse du milieu de la nuée. …
Le Seigneur passa devant lui et proclama son nom:
«Le Seigneur-Dieu, le Seigneur-Dieu, Dieu miséricordieux, bienveillant,
qui reste fidèle et supporte la faute.» …
Quand Moïse descendit de la montagne de Sinaï,
il ne savait pas que la peau de son visage était devenue rayonnante
en parlant avec le Seigneur-Dieu (Ex 24,12.15-16; 34,6-7.29).
On voit comment la méditation de Jésus peut s’être nourrie de cet épisode.
Dieu confirme qu’il est bien le Miséricordieux, le Dieu du pardon et de la bonté.
Jésus a raison et il doit être écouté, comme la voix divine le dit aux 3 apôtres.
Avant de mourir, Moïse avait dit à son peuple:
C’est un prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu suscitera pour toi.
C’est lui que vous écouterez (Dt 18,15).
Jésus est bien le nouveau Moïse qui doit être écouté,
et son visage est transformé parce qu’il parle face à face avec le Père.

Que signifie la présence d’Élie?

Si Moïse représente le don de la Tora, de la Règle de vie,
Élie est le représentant de tous les prophètes
qui ont mission de rappeler la Tora lorsque le peuple lui est infidèle.
Il a, lui aussi, fait la rencontre de Dieu sur le Sinaï.
Pour Élie, Dieu ne sera ni dans le tremblement de terre ni dans la foudre.
Dieu va lui parler dans le bruissement d’un souffle léger.
Tremblement de terre et foudre sont les symboles d’un Dieu puissant
et ils peuvent parfois évoquer son juste châtiment pour punir ceux qui font le mal.
Le Souffle évoque au contraire l’action créatrice de Dieu
qui va maintenir, par son pardon re-créateur, un petit reste de croyants fidèles.
C’est la promesse que le Seigneur-Dieu fait à Élie:
Je laisserai en Israël un reste de 7000 hommes,
tous ceux dont les genoux n’ont pas plié devant le Baal (1 R 19,18).
Le Baal est le nom des dieux païens, des idoles.
Il est intéressant de voir comment Paul, dans la lettre aux Romains, reprend cela:
Dieu aurait-il rejeté son peuple? Certes, non!
Ne savez-vous pas ce que dit l’Écriture dans le passage où Élie se plaint à Dieu:
«Seigneur, ils ont tué tes prophètes; moi seul je suis resté et ils en veulent à ma vie!»
Mais que lui répond Dieu? «Je me suis réservé 7000 hommes…»
De même dans le temps présent, il y a aussi un reste, selon le libre choix de sa grâce (Rm 11,1-5).
Paul évoque ce texte pour montrer qu’on est sauvé,
non pas d’abord par ce que l’on fait de bien
mais par l’amour gratuit de Dieu qui pardonne.
Ainsi, Élie est là pour témoigner que Dieu est le Dieu de la grâce, de l’amour.
Malgré la violence faite à Élie et aux prophètes,
Dieu demeure le Dieu d’amour qui pardonne 77 fois 7 fois.
Ainsi pardonnera-t-Il à ceux qui auront tué Jean le baptiste, le nouvel Élie,
et à ceux qui tueront Jésus, le fils de l’homme.

Pourquoi Jésus a-t-il choisi Pierre, Jacques et Jean pour l’accompagner?

Les trois apôtres qui font avec Jésus cette rencontre mystique de Dieu
seront aussi ceux qui seront témoins de son agonie (cf. Mc 14,32-33).
La communion avec Dieu ne supprime pas l’épreuve;
au contraire elle en est souvent la cause.
Mais elle en assure le terme: c’est l’amour qui sera finalement vainqueur du mal.
Dieu réveillera de la mort ceux qui auront choisi de livrer leur vie
plutôt que de perdre leur âme en reniant l’amour, la bonté, le pardon.
C’est cette certitude de l’amour victorieux qui déjà fait rayonner le visage de Jésus.

Cette expérience faite par les 3 apôtres vaut-elle pour les disciples d’aujourd’hui?
Il appartient à chacun des disciples de Jésus de se poser chaque jour la question:
«Aujourd’hui ai-je accueilli le pardon d’amour de mon Père? Et qu’en ai-je fait?
Ai-je vécu de cette certitude que Dieu peut tout accomplir en moi,
de cette espérance qu’Il peut changer mon coeur de pierre pour un coeur de chair?
Pour le prochain que j’ai rencontré aujourd’hui,
ai-je vécu le pardon (dont Dieu m’a fait le témoin) comme étant plus fort que le mal,
plus fort que l’égoïsme et l’injustice,
plus fort que la méchanceté, la vengeance et la haine?
Aujourd’hui, ai-je écouté le Père à travers Jésus son bien-aimé?
Pourrais-je entendre Dieu me dire que je suis le bien-aimé en qui Il trouve sa joie?»

Georges Convert

»»» Questions

  1. Que symbolise la montagne?
  2. À quel moment de la mission de Jésus se déroule la retraite sur la montagne?
  3. Pour quelles raisons Jésus peut-il prévoir sa fin tragique? Quels aspects de son message déplaisaient à l’élite religieuse?
  4. Que signifie la présence de Moïse et d’Élie? Quel visage de Dieu a été révélé à Moïse et à Élie?
  5. Pourquoi Jésus est-il transfiguré?
  6. Quel est le message donné par Dieu sur la montagne?
  7. Pour le chrétien, disciple de Jésus, comment comprendre: prendre sa croix? Que signifie l’expression: Qui perd sa vie la sauve?
  8. Quelles expériences spirituelles de transfiguration peuvent faire, aujourd’hui, les disciples de Jésus?

Mon grain de sel,

par Mario Bard.

Invincible amour

Transfigurer, rayonner, parler avec les prophètes. Peu de chrétiens vont avoir la chance de vivre un événement semblable dans leurs vies. À moins que la transfiguration soit un phénomène plus près de notre vie intérieure.

Après tout, qui n’a pas vécu un jour cette sensation que seul le bon peut nous arriver, que ce moment est à nous, qu’on peut tout accomplir sans aucun problème? Nous nous sentons invincibles et les autres voient en nous des sauveurs, des porteurs de Bonne Nouvelle. Nous nous considérons comme « The King of the World! », ainsi que le criait le personnage joué par Leonardo di Caprio dans le succès mondial Le Titanic. Invincible.

Peut-être qu’au moment où Ieshoua est sur la montagne avec les trois disciples qu’il a choisis pour ce moment, il se sent aussi invincible. Rien ne nous parle de ce qu’il ressent avec Élie et Moïse à ses côtés. Ces deux figures mythiques du monde juif l’assurent qu’il est choisi comme Fils de Dieu au sens le plus près de ce qu’eux-mêmes ont ressenti au plus profond de leur âme. Pour Moïse, c’est le « Dieu, lent à la colère et plein d’amour ». Puis Élie, celui à qui Dieu se manifeste dans le « murmure d’une brise légère » et non dans le tremblement de terre ou le tonnerre.

Peut-être que finalement, Ieshoua devient invincible dans cette tendresse et dans cet amour qu’il désire vivre pour le reste de sa mission. Trouver la force de marcher jusqu’à Jérusalem pour y accomplir l’amour jusqu’au bout demande une bonne dose de courage. Être soutenu par les Anciens constitue alors une source inestimable afin de monter sur la croix sans haine au fond du cœur.

***

Dans son livre, Les signes des temps (Albin Michel 2012), le grand sage chrétien Jean Vanier écrit : « Si nous nous abaissons pour être avec le plus bas, alors nous rencontrons Celui qui s’est abaissé pour nous tous. » Par contre, il s’inquiète : « Cependant, je suis déçu par la perte de vitalité et d’enthousiasme des membres de mon Église qui peinent à s’engager auprès des pauvres pour leur annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus. Trop peu de responsables ecclésiaux affirment que la foi en Jésus est intimement liée à cet engagement auprès des pauvres. »

Ce livre a été écrit juste avant la démission de Benoît XVI, dans une Église alors en proie aux différents mouvements de l’ultra-droite tonitruante, et pour qui le pauvre est un instrument de rédemption parmi tant d’autres. Cependant qu’il est inférieur aux flaflas de la liturgie. Cette dernière est le lieu du sauvetage des âmes.

J’adore la liturgie. Elle est parfois sublime. Elle peut nous transfigurer quand tous les intervenants y élèvent la participation à un état de grâce. Mais si elle nous mène vers le dédain du monde – et non des mondanités… nuance! –, et la négation des autres qui ne sont pas comme nous, donc pécheur, je la rejette. Car elle nous éloigne de la pensée même de Ieshoua.

Ce dernier est allé manger avec les pécheurs de son temps. Il a pris le temps d’aimer la femme prise en adultère (où était l’homme?), le centurion romain venu vers lui, la femme souffrant d’hémorragie, Zachée, et Matthieu le collecteur d’impôt. Tous honnis par les membres du peuple de Dieu. Tous à la recherche d’un souffle nouveau dans leurs vies.

Paradoxalement, par sa grandeur, la liturgie doit nous ramener aux plus pauvres, en commençant par l’admission de nos propres pauvretés et misères intérieures.
Car c’est là que se trouve la rencontre avec « Le Très-Bas » (Christian Bobin).

***

La faiblesse de Dieu, c’est qu’il est prêt à nous aimer, quoi que nous fassions. Elle est dure à accepter pour nous qui sommes souvent attirés par un Dieu grandiose, surnaturel et dictant ses quatre volontés. Nos fantasmes de grandeurs pourraient s’attarder à la seule blancheur du Christ Ieshoua sur la montagne. Par contre, elle serait perte de temps.

Ieshoua n’est pas venu pour sa propre gloire. Mais pour que l’invincible amour de Dieu soit transfiguré dans l’être humain.

Mario Bard

 

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