Évangile du dimanche 17 mars 2019

Évangile du 2e dimanche de Carême (année C), selon l’écrit de Luc (9, 28-36)

Du pain sur la table

28 C’est environ huit jours après ces paroles,
que [Jésus] prend avec lui Pierre, Jean et Jacques
et monte sur la montagne pour prier.

29 Pendant qu’il prie, l’aspect de son visage devient autre
et son vêtement devient d’un blanc brillant comme l’éclair.

30 Voici que deux hommes parlent avec lui: ce sont Moïse et Élie.

31 Apparus dans la gloire,
ils parlent de son départ qui doit s’accomplir à Jérusalem.

32 Pierre, et ceux qui sont avec lui, sont accablés de sommeil;
se réveillant, ils voient sa gloire
et les deux hommes qui se tiennent avec lui.

33 Alors, comme ils se séparent de lui, Pierre dit à Jésus:
Maître, il nous est bon d’être ici:
faisons trois tentes: une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie.
Il ne sait pas ce qu’il dit.

34 Comme il parle, une nuée survient qui les couvre de son ombre.
Ils frémissent en pénétrant dans la nuée.

35 Une voix vient de la nuée qui dit:
Celui-ci est mon fils, l’élu. Écoutez-le.

36 Quand la voix s’est faite entendre, Jésus se retrouve seul.
Eux vont se taire.
En ces jours-là, ils ne rapportent à personne rien de ce qu’ils ont vu.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

On pourrait penser que ce moment de transfiguration se situe à un moment heureux,
un moment de la vie de Jésus où les miracles attirent les foules enthousiastes
qui s’émerveillent de sa prédication.
Ce n’est pourtant pas la place que les récits évangéliques donnent à la transfiguration.
Elle se situe au contraire après l’échec du grand Repas des pains multipliés
et l’abandon d’un certain nombre des disciples.
Il est comme le point de départ vers la croix.

Le repas des pains multipliés a certes rassemblé une foule nombreuse,
si enthousiaste qu’elle veut enlever Jésus pour le faire roi.
Mais la déception a suivi l’enthousiasme car Jésus se refuse à jouer le jeu.
Il invite plutôt ses auditeurs à chercher la nourriture spirituelle,
à se nourrir de ce pain de vie éternelle qu’est sa parole.
À cette invitation, beaucoup de ses disciples le lâchent (cf. Jn 6,66),
et c’est à ce moment que Judas pense à le trahir (cf. Jn 6,71).
Jésus pose alors la question de confiance aux Douze:
Et vous, ne voulez-vous pas partir?
Ce à quoi Pierre va répondre:
À qui irions-nous? Tu as des paroles de vie éternelle  (Jn 6,67-68).
Ce moment important est ce qu’on appelle la confession de foi de Pierre.
Le récit évangélique va relier cette confession de Pierre à la passion de Jésus:
À partir de ce moment, Jésus messie commence à montrer à ses disciples
qu’il lui faut s’en aller à Jérusalem,
souffrir beaucoup de la part des Anciens, des grands-prêtres et des scribes, être mis à mort…
Pierre le tirant à part se met à le réprimander.
«Dieu t’en préserve, seigneur! Non, cela ne t’arrivera pas!»
Mais lui, se retournant, dit à Pierre:
«Retire-toi! Derrière-moi, satan!
Tu es pour moi une occasion de chute!
Tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des humains
  (Mt 16,21-23).
C’est donc à un moment crucial que se situe le moment de la transfiguration.
Les foules sont déçues du message de Jésus.
Les Pharisiens le traquent et les autorités de Jérusalem s’apprêtent à l’arrêter.
Les disciples ne comprennent pas le choix que Jésus se prépare à faire.
Jésus doit faire un choix: ou monter vers Jérusalem, le haut-lieu de la foi juive
ou de s’enfuir dans les territoires limitrophes qui, eux, sont soustraits à l’autorité des grands-prêtres.
Doit-il risquer de se faire arrêter, condamner et exécuter?
Doit-il choisir de perdre sa vie et de mettre un terme à sa mission par un cuisant échec?
ou bien de la sauver en espérant reprendre ailleurs ou plus tard l’annonce de son Évangile?
Jésus a déjà dit que celui qui veut sauver sa vie la perd
et que celui qui perd sa vie la sauve
  (Lc 9,24).
Quelle est la volonté du Père? Quel sens peut avoir de mourir en livrant sa vie?
La réaction de Pierre n’est-elle pas venue chercher Jésus au coeur de lui-même?
comme une tentation qui l’assaille au plus intime de son être?
C’est ce que semble nous dire la violente réplique de Jésus à Pierre
qu’il accuse de jouer le jeu de Satan.
Au moment de faire un choix décisif,
Jésus a donc besoin de silence pour partager sa réflexion avec Dieu son Père.

C’est environ huit jours après ces paroles,
que [Jésus] prend avec lui Pierre, Jean et Jacques
et monte sur la montagne pour prier

Une semaine après cet événement que Jésus décide de partir dans un endroit solitaire pour réfléchir.
Et il va faire vivre à trois de ses disciples ce temps fort de prière
qui devrait leur faire comprendre les vues de Dieu sur sa passion prochaine.
Les trois disciples choisis seront les mêmes qui vivront de très près l’agonie de Jésus.
En effet ce sont Pierre, Jean et Jacques que Jésus prendra avec lui dans ces deux moments uniques
dont le premier, la transfiguration, va préparer et donner sens au second.
C’est sur la montagne, de nuit probablement,
que se déroule ce grand moment de prière.
Le lieu et le moment sont habituels à Jésus.
La montagne, lieu où l’on monte vers le ciel,
où l’on trouve le silence loin des bruits et des agitations de la plaine,
est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu.
Luc est l’évangéliste qui signale le plus fréquemment la prière de Jésus.
Il nous montre Jésus en prière chaque fois qu’une décision est à prendre:
les débuts de sa mission, le choix des Douze, l’approche de l’arrestation…
En cette nuit, sa prière sera toute imprégnée des Écritures sacrées.

Voici que deux hommes parlent avec lui: ce sont Moïse et Élie
Que signifie la présence de Moïse et d’Élie?
On nous dit que Jésus s’entretient avec eux de son «exode»,
c’est-à-dire de sa sortie de ce monde, de sa mort.
Ces deux personnages de l’histoire d’Israël sont ici pour représenter toute l’Écriture.
Sur la route d’Emmaüs, plus tard, le Ressuscité parcourra les Écritures saintes
pour donner aux deux disciples la raison de la passion de Jésus:
Esprits sans intelligence, coeurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes!
Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans la gloire?
Et, commençant par Moïse et tous les prophètes,
il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait
  (Lc 24,25-27).
Nous faut-il trouver dans la vie de Moïse et d’Élie un message précis?
La tradition juive voyait en Moïse et en Élie deux prophètes
qui devaient revenir quand Dieu choisirait un messie.
La Bible dit que Dieu avait promis d’envoyer un prophète semblable à Moïse:
C’est un prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu de toi:
c’est lui que vous écouterez
  (Dt 18,15).
La tradition voulait qu’Élie devait revenir sur terre pour précéder la venue du messie.
Un texte rabbinique précisait:
«Johannan ben Zacchai a dit: « Dieu dit à Moïse: quand j’enverrai le prophète Élie,
vous devrez tous deux venir ensemble ».»

On disait aussi que ni l’un ni l’autre n’avaient connu la mort
mais que c’est vivants qu’ils avaient été réunis à Dieu.
Mais cela ne dit encore que peu de chose pour justifier leur présence.
S’ils éclairent le choix de Jésus, c’est qu’ils doivent avoir un lien avec le chemin que Jésus choisit.
Or quel est le choix de Jésus?
Il doit affronter les chefs de son peuple pour convertir leur idée de Dieu.
Les anciens, les prêtres et les scribes sont unis pour mettre Dieu de leurs côtés:
du côté des justes, de ceux qui pratiquent avec fidélité la Tora, l’Enseignement divin.
Comme en témoigne la prière de ces «justes»
qui pensent vraiment mériter l’amour de Dieu par leur bonne conduite:
Mon Dieu, je Te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des humains
qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce percepteur d’impôts;
je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que j’acquiers
  (Lc 18,11-12).
Jésus, lui, parle de Dieu d’une autre manière.
Il a une autre image de celui qu’il appelle dans sa langue: Abba!  (Papa)!
Pour Jésus, Dieu ne s’intéresse pas seulement aux justes.
Il est bon pour les ingrats et les méchants, nous dit-il (Lc 6,35).
Son amour le porte vers les pécheurs et les marginaux de la société:
les pauvres, les malades, les illettrés, les émigrés…
Le Dieu de Jésus ne se laisse pas annexer par le groupe des bien-pensants.
Sa manière d’être le Dieu de tous en fait d’abord le Dieu des exclus
et de ceux pour qui la bonne société religieuse n’a que mépris.
Un des rares exemples de la prière de Jésus dans les Évangiles explique bien cela:
Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre,
d’avoir caché «cela» aux sages et aux instruits
et de l’avoir révélé aux tout-petits
  (Mt 11,25).
Que veut dire ce «cela» dont parle Jésus?
C’est le mystère du projet de Dieu sur le monde.
Dieu se fait connaître non à ceux qui pensent le trouver par leurs propres mérites
mais à ceux qui vont accueillir son amour comme un pur don, un don gratuit.
Voilà le Dieu de Jésus: Dieu de miséricorde et non Dieu de justice.
C’est le Dieu qui est pleinement libre dans sa bonté.
Et la gratuité de son amour se manifeste particulièrement
lorsqu’il donne à ceux qui n’ont aucun mérite à faire valoir.
C’est le Dieu qui a un faible pour les laissés-pour-compte, les exclus.
Et c’est précisément pour sa doctrine sur Dieu que Jésus est rejeté et qu’il sera condamné.
C’est probablement cette vision de Dieu que Moïse et Élie viennent approuver
pour conforter Jésus… et les disciples.

Apparus dans la gloire, ils parlent de son départ qui doit s’accomplir à Jérusalem
Comment Moïse et Élie approuvent-ils cette vision de Dieu?
Il y a un élément qui est commun à Moïse, à Élie et à Jésus en cet instant:
c’est qu’ils ont fait tous trois, sur la montagne, une rencontre spirituelle avec Dieu
qui a été particulière et forte.
Rappelons-nous ce passage de la vie de Moïse: il avait imploré Dieu:
Si je jouis de ta faveur, daigne me révéler tes voies pour que je Te comprenne.
Et Dieu demande à Moïse de monter sur la montagne, et c’est là qu’Il va lui révéler qui Il est.
Dieu passe devant Moïse et sa voix se fait entendre:
Je suis Dieu de tendresse et de miséricorde, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité  (Ex 34,6-7).
Voilà, pour Moïse, quel est le visage de Dieu: tendresse et miséricorde.
L’expérience d’Élie sera quelque peu semblable. La Bible nous décrit qu’Élie est découragé.
Il a été animé d’un zèle fougueux pour Dieu.
Mais son zèle, qui l’a conduit jusqu’à faire mourir les faux prophètes,
ce zèle ne semble pas mener à la vraie victoire de Dieu.
Je suis resté seul et ils veulent me tuer  (1R 19,10).
[Dieu], prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères  (1R 19,4).
Dieu va conduire aussi Élie sur la montagne.
Et là, Il va se manifester à lui, non pas dans le vent et le tonnerre,
qui sont les symboles du Dieu qui manifeste sa puissance contre les forces du mal,
mais Il va se montrer à Élie dans le bruit d’une brise légère.
Et Élie redit sa déception:
Seigneur! Ils ont tué tes prophètes, rasé tes autels
et moi je suis resté seul et ils en veulent à ma vie
  (1R 19,14).
Élie s’étonne: comment Dieu peut-il permettre que son peuple lui soit si infidèle?
Pourquoi ne réagit-il pas en le punissant
comme lui, Élie, a puni les faux prophètes adorateurs des faux dieux?
Et que répond la voix divine?
Je me suis réservé 7000 fidèles en Israël  (1R 19,18).
Que signifie cette réponse?
À l’époque de Jésus, l’interprétation juive comprenait cette réponse
comme étant le signe de la miséricorde divine.
Sept mille est un chiffre parfait pour désigner la multitude de ceux à qui Dieu pardonne.
Comme l’apôtre Paul le comprend:
Que lui répond Dieu?
Je me suis réservé 7000 hommes, ceux qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal.
Ainsi pareillement aujourd’hui il subsiste un reste, élu par grâce.
Mais si c’est par grâce, ce n’est pas à cause des mérites de leurs actes;
autrement la grâce n’est plus grâce
  (Rm 11,4-5).
Ainsi, pour Élie aussi, Dieu se révèle comme le Dieu miséricordieux.
Les expériences que Moïse et d’Élie ont fait de Dieu apportent à Jésus
la certitude que Dieu est Dieu de grâce et de miséricorde avant d’être Dieu de justice.
Et c’est pour cela
que publicains et prostituées précéderont les justes dans le règne de Dieu
  (Mt 21,31).
En effet, ceux qui n’ont aucun mérite à faire valoir sont davantage prêts à accueillir l’amour de Dieu
car l’amour ne s’accueille que comme un don et non comme un dû.
Dieu est Dieu d’amour et c’est l’amour qui sauve et non pas les sacrifices.
Dieu est amour et ce n’est que l’amour qui peut vaincre le mal.
La justice qui punit le méchant est impuissante à transformer les coeurs.
C’est pourquoi la mission de Jésus sera de traduire cet amour de Dieu
pour ceux-là même qui le rejettent et vont le condamner à mort.
Traduire l’amour ne pourra se faire qu’en livrant sa vie à ses adversaires.
On ne peut convaincre de la bonté qu’en vivant cette bonté jusqu’au bout, jusqu’au pardon.
Ce sera cette certitude qui va conduire Jésus à la croix.
Et lorsque la voix divine va dire:
Celui-ci est mon fils, mon élu, écoutez-le!
elle confirmera que ce message de la miséricorde est conforme à la pensée du Père.
Jésus est l’Élu du Père.
Ce mot d’Élu évoque le texte d’Isaïe sur le «serviteur de Dieu»:
Voici mon serviteur, mon élu. J’ai mis sur lui mon esprit.
Il ne crie pas, il n’élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans les rues.
Il ne rompt pas le roseau broyé.
Moi, Dieu je t’ai désigné comme alliance du peuple et lumière des nations,
pour ouvrir les yeux des aveugles et faire sortir les captifs de prison
  (Is 42,1-4.6-7).
Jésus est le fils choisi pour être la lumière d’un nouveau peuple de Dieu:
le «peuple de la grâce» qui sera ouvert à toutes les nations.
Le récit évangélique de Jean traduit cela ainsi:
Si la Tora [la Règle de vie] nous fut donnée par Moïse,
l’amour vrai qui est grâce nous est venu par Jésus
  (Jn 1,17).
Dieu accorde son amour à tout humain, quelqu’il soit: juif ou païen, juste ou pécheur.
Et cet amour totalement gratuit sera accueilli d’abord par les humbles, les exclus, les démunis.

Pierre, et ceux qui sont avec lui, sont accablés de sommeil;
se réveillant, ils voient sa gloire et les deux hommes qui se tiennent avec lui

C’est pour témoigner de ce Dieu Père rempli d’amour, de grâce
que Jésus va mourir en serviteur souffrant, lui aussi humble et rejeté, exclu des bien-pensants.
Sa mort sera le don total de lui-même: une mort d’amour…
Sa mort sera vécu en complet accord, en parfaite harmonie avec la volonté du Dieu d’amour;
et cette conviction profonde illumine le regard de Jésus.
Il est radieux… de sa communion avec le Père.
Il apparaît revêtu de gloire, c’est-à-dire transformé par l’amour, rayonnant de l’amour divin.
Son vêtement est aussi éclatant de blancheur.
Dans la Bible, la blancheur est symbole de la vie, de la communion avec Dieu.
C’est le sens de l’aube qu’on porte pour la liturgie:
le mot «aube» vient du mot latin alba  qui veut dire blanc.
Il y a certaines églises chrétiennes qui demandent à tous les fidèles
de se vêtir de blanc pour l’Eucharistie.
Les catholiques ont gardé cette coutume pour les ministres du culte,
et pour le baptême, la 1ère communion, le mariage.
Un tel vêtement nous rappelle qui nous sommes:
fils et filles du Père qui est Amour.
Il dit de qui nous sommes aimés et pour quelle vie nous sommes créés.

Pierre dit à Jésus: Maître, il nous est bon d’être ici; faisons trois tentes:
une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie

L’expérience spirituelle de Dieu que Jésus fait vivre à Pierre, à Jean et Jacques
conduit Pierre à vouloir dresser des tentes.
On sait que la fête juive des Tentes rappelle le temps du désert
où Israël a vécu sous la tente et où Dieu est devenu le Roi d’Israël.
Comme il n’y avait plus de roi à l’époque de Jésus,
la fête des Tentes célébrait l’intronisation de Dieu comme le vrai Roi du peuple.
Mais cette fête ravivait aussi l’attente du messie, le fils de Dieu,
qui serait le lieu-tenant du Roi divin.
Pendant les 8 jours de la fête, on passe la nuit sous des tentes de branchage.
Le 7e jour, le grand Hosanna constitue le sommet de la fête:
on se revêt de blanc et, au temple, il y a plein de lumière.
Cette expérience de lumière et de blancheur
qu’est la transfiguration évoque donc pour Pierre la fête des Tentes:
Pierre doit donc penser qu’est arrivé le moment pour Jésus de se manifester comme le messie.
Mais l’évangile nous dit que Pierre ne savait pas ce qu’il disait.
Car, pour Jésus, être messie de Dieu ce sera marcher vers la croix,
achever sa mission par le don de sa vie jusqu’au bout.
Mystère que ce chemin de Jésus, cette voie par laquelle il choisit de sauver l’être humain.
Qui perd sa vie la sauve, répète sans cesse l’Évangile.

En ces jours-là, ils ne rapportent à personne rien de ce qu’ils ont vu.
Les disciples ne pourront rien dire de cette expérience
tant qu’ils ne l’auront pas comprise vraiment,
c’est-à-dire tant que Jésus ne sera pas monté sur la croix
et que sa résurrection ne sera pas venue confirmer
que ce destin de crucifié est celui qui est agréé par Dieu.
Ne comprenons pas cette montée sur la croix
comme si la souffrance était voulue de Dieu pour racheter l’offense,
comme si Dieu voulait un sacrifice humain en rançon pour le mal.
Ne comprenons pas cette montée sur la croix
comme si Dieu nous voulait des moutons résignés, plus ou moins lâches,
refusant de combattre le mal.
La croix est au contraire le signe d’un amour puissant et fort,
d’un amour qui souffre infiniment de tout ce qui détruit l’être humain.
Et cet amour s’engage contre le mal et l’injustice.
Mais cet amour a aussi un infini respect pour chaque humain,
même pour celui qui veut détruire l’autre.
Il sait que celui qui fait le mal se détruit lui-même.
Il sait que la violence ne pourra changer le coeur de celui qui fait le mal.
La croix ne peut se comprendre que comme le paroxysme de l’amour,
le plus grand geste d’amour.
Car aimer celui qui nous blesse, c’est espérer en lui.
C’est croire à la beauté secrète enfouie au plus profond de son être.
Préférer sacrifier sa propre vie plutôt que de détruire l’autre, c’est lui dire:
«Je t’aime malgré le mal que tu me fais.
Je t’aime car je sais qu’au plus profond de toi dort un coeur capable d’aimer,
un coeur souffrant même de ne pas aimer,
car toi aussi tu es fait pour être aimé et aimer.»

Dans sa 2e lettre, Pierre parle avec force de cette expérience de la transfiguration.
Mais c’est qu’alors il a fait l’expérience du Ressuscité.
Nous vous avons fait connaître la venue puissante de notre Seigneur Jésus messie
pour l’avoir vu de nos yeux dans tout son éclat.
Il reçut, de Dieu le Père, honneur et gloire
quand la voix venue de la splendeur magnifique de Dieu lui dit:
«Celui-ci est mon fils bien-aimé, mon élu.»
Cette voix, nous-mêmes nous l’avons entendue venant du ciel
quand nous étions avec lui sur la montagne sainte
  (2P 1,16-19).
Ce témoignage de Pierre doit conforter notre propre foi dans la puissance
qui est celle de la bonté et du don de l’amour sur toutes les forces du mal.
Aujourd’hui encore nous avons besoin de témoins.
Citons quelques lignes de Luc Balbont, auteur d’une biographie de Mère Térésa:
«J’ai été saisi par cette femme.
Rien qu’en regardant son visage, j’ai senti que cette soeur chrétienne était dans le vrai.
Avant même qu’elle ne dise un mot, j’ai su que ses propos étaient ceux de l’amour universel.
Cette femme est une manifestation divine.
Elle est un témoin du divin.
En elle, le don total de soi se transforme en joie, en amour, en lumière.
Lorsque nous rencontrons de tels êtres,
nous pressentons une transparence qui s’ouvre sur une lumière plus forte que nos ténèbres.
Cette joie qu’elle porte en elle, elle en fait don et la partage avec les plus pauvres,
sans rien demander, sans rien attendre en retour.
L’étincelle qu’elle donne à ceux qui l’approchent finit par allumer un brasier d’amour.
Là peut-être commence déjà l’éternité.»

Chez mère Teresa, chez tant d’autres inconnus, comme chez Jésus le bien-aimé du Père,
le don total de soi se transforme en joie, en lumière.
Car celui qui se donne ainsi ouvre large son coeur à l’Esprit divin.
Et quand l’Esprit de Dieu envahit un coeur humain,
il le remplit d’une paix radieuse que rien ni personne ne peut lui enlever.
Certes, l’intensité de cette présence rayonnante de l’Amour se laisse percevoir encore voilée
pour nous qui sommes encore en ce monde.
Un peu comme se perçoit, à l’aurore, la splendeur éclatante du soleil
à travers la nuée matinale. Au-delà de la mort, lorsque nous serons dans l’éternité,
le rayonnement de l’amour de Dieu nous transfigurera
parce qu’alors nous le connaîtrons et le verrons dans la pleine lumière,
comme nous le dit Paul dans sa 1ère lettre aux Corinthiens:
A présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse,
mais alors, ce sera face à face.
A présent, ma connaissance est limitée,
alors, je connaîtrai comme je suis connu
  (1Co 13,12).

      Sur la montagne, je désire monter près de Toi, Père de lumière!
Mais mon coeur ne comprends pas encore le don de moi,
le don du pardon, don de la croix.
Esprit du Dieu vivant, insuffle en mon coeur
le désir du mystère de la croix qui rend joyeux et amoureux
celui qui l’accueille.
Par ton fils Jésus, donne-moi la force
de construire la tente de ton Règne sur la terre.   Amen!

Georges Convert

 

»»» Questions

1. Pourquoi Jésus choisit-il la montagne pour être transfiguré?
2. Pourquoi Jésus choisit-il Pierre, Jacques et Jean pour monter avec lui?
Où retrouvons-nous ces trois disciples?
3. Quelles peuvent être les raisons de la présence d’Élie et de Moïse auprès de Jésus?
Quelle expérience ont-ils faite sur la montagne?
4. Pourquoi Jésus et son Père choisissent-ils le chemin de la croix pour sauver le monde
plutôt que la voie de la puissance des armes contre les méchants?
5. Qu’est-ce que la fête des Tentes? Quel lien y a-t-il entre cette fête et la transfiguration?
6. Quel est le sens profond des images employées comme celle de la blancheur?
7. Quel est le sens du mot «gloire» dans la Bible?
8. Quelle est la raison première de la transfiguration de Jésus?
9. Que signifie la parole du Père pour les disciples de Jésus: ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui?
10. Quel est le chemin de notre propre «glorification» comme fils, fille du Père Éternel?
11. «Je croirai à leur Dieu quand les chrétiens auront un visage de ressuscités», disait Nietsche.
S’il est vrai que Dieu nous habite, qu’avons-nous fait, chrétiens de cette gloire du Christ?

 

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