Évangile du dimanche 18 juillet 2021

16e dimanche ordinaire (année B), selon l’écrit de Marc 6, 30-34

Du pain sur la table

30 Les apôtres se rassemblent auprès de Jésus.
Ils lui annoncent tout ce qu’ils ont fait et tout ce qu’ils ont enseigné.

31 [Jésus] leur dit:
Venez vous-mêmes à l’écart, dans un endroit désert, et reposez-vous un peu.
Ceux qui vont et viennent sont nombreux
et ils n’ont pas même un moment pour manger.

32 Ils s’éloignent en barque vers un endroit désert, à l’écart.

33 Les voyant s’en aller, beaucoup comprennent:
de toutes les villes, par terre, ils accourent à cet endroit et les précèdent.

34 En débarquant, il voit une foule nombreuse.
Il est remué jusqu’aux entrailles pour eux
parce qu’ils sont comme des brebis qui n’ont pas de berger.
Il commence à leur enseigner beaucoup de choses.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Voici un texte très court mais qui fait une description très vivante de Jésus et de ses apôtres.
Sans oublier tous ces gens qui s’assemblent à la recherche d’un pasteur, d’un guide.
Comment comprendre cet attrait qu’exerce Jésus et quelle est l’actualité de ce texte?

La place de ce texte dans le récit de Marc
Notre passage nous montre les apôtres de retour de mission
et il sera suivi du grand repas des pains multipliés.
Dans le récit de Marc, il débute ce qu’on appelle généralement la « section des pains ».
En effet dans les chapitres 6 et 8, Marc relate deux grands repas de foules
et le mot pain  y sera mentionné à plusieurs reprises. Ici, il est déjà question de repas:
Ceux qui vont et viennent sont nombreux et ils n’ont pas même un moment pour manger.
On peut d’ailleurs regretter qu’on ait séparé notre passage du récit du grand repas.
Nous verrons que l’un et l’autre sont indissociables.

Les apôtres se rassemblent auprès de Jésus.
Ils lui annoncent tout ce qu’ils ont fait et tout ce qu’ils ont enseigné.

C’est l’unique fois, dans le récit de Marc, où les Douze sont appelés apôtres.
On sait que le mot signifie « envoyé ». C’est qu’ils reviennent de leur première mission.
Ils ne sont donc plus seulement des disciples, des appreneurs, des élèves d’un rabbi
mais des Envoyés qui doivent représenter leur Maître et agir en son nom:
Il fait venir les Douze. Et il commença à les envoyer deux par deux…
Ils partirent et ils proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons,
ils faisaient des onctions d’huile à beaucoup de malades et ils les guérissaient
  (Mc 6,7-8,12-13).
Auparavant, Jésus avait donné une formation à ces Douze
qu’il avait choisis parmi ses disciples:
Il monte dans la montagne et il appelle
ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit douze pour être avec lui
et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons
  (Mc 3,13-15).
Dans cette première mission, les « Envoyés » reproduisent les deux éléments
qui sont essentiels dans l’action de Jésus: enseigner et guérir les corps et les coeurs.

Vous autres, venez à l’écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu.
Il est habituel à Jésus de se retirer dans des endroits où il peut être seul.
Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert; là, il priait  (Mc 1,35).
Jésus ne conçoit sa mission qu’en lien avec la pensée du Père qui est Dieu.
C’est dans la communion avec son Père qu’est le centre de sa propre vie
et c’est la communion avec le Père qu’il veut faire découvrir à ses disciples.
Le repos n’est donc pas seulement le besoin de refaire ses forces physiques
mais aussi de se nourrir spirituellement.
Ils n’ont pas même un moment pour manger, ne doit pas être compris seulement au premier sens,
car il signifie aussi que le missionnaire se doit de refaire ses forces spirituelles.
On ne peut parler de Dieu sans être d’abord à son écoute, sans le laisser nous parler.
Les paroles que l’envoyé-misssionnaire a à transmettre ne sont pas les siennes,
mais celles de son Envoyeur, celles du Père qui envoie Jésus.
Rappelons quelques textes bibliques où repos et repas spirituel vont de pair:
Dès ta jeunesse acquiers l’instruction… tu trouveras en elle le repos;
elle se changera pour toi en joie
  (Si 6,18.28).
Venez à moi, gens sans instruction, installez-vous à mon école…
Voyez combien j’ai peu peiné avant de trouver un profond repos
  (Si 51,23.27).
On retrouve chez Jésus cette même alliance, ce même lien
entre repos et apprentissage de la pensée divine:
Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous donnerai le repos.
Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école…et vous trouverez le repos
pour vos vies. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger
  (Mt 11,28-30).
Marcel Jousse explique ces images du joug et du fardeau:
ils sont les deux manières de se balancer lorsqu’on apprend par coeur la Tora,
l’Enseignement de Dieu tel que la Bible l’a recueilli.

Le fardeau léger sera un enseignement bref, facile à retenir par la mémoire.
Au lieu des 613 préceptes, Jésus ramène toute la Tora  aux deux grands préceptes:
aimer Dieu et aimer son prochain. Voilà ce qui donne le repos.
Mais le repos, dont Jésus parle, n’est-il pas plus fondamental encore?
Au lieu de se situer devant Dieu comme devant le Juge tout-puissant qu’il faut craindre,
Jésus conduit à faire la rencontre du Père tout-aimant et miséricordieux.
Être sûr de l’amour de Dieu et de son pardon, voilà qui apporte la paix de l’âme.
C’est à cette paix intérieure dans la communion du Père
que Jésus veut conduire ses apôtres.

Il voit une foule nombreuse. Il est remué jusqu’aux entrailles pour eux.
Jésus cherchait à éviter la foule pour prendre un temps de repos avec ses disciples;
celle-ci l’a rejoint, malgré tout, en longeant le lac.
Cette foule provoque sa pitié, comme l’on traduit couramment.
Mais le mot français « pitié » ne traduit pas toute la richesse du mot biblique.
En grec comme en hébreu, il s’agit d’un sentiment fort jailli des entrailles.
L’image des entrailles évoque la matrice d’une maman
qui porte celui qu’elle enfante dans la bonté et la tendresse.
Il serait mieux de parler de miséricorde:
du mot latin miseri-cordia, formé de miseria, la souffrance et de cors, le coeur;
le miséricordieux est celui dont le coeur est sensible à la souffrance de son prochain.
Ou encore de compassion,
un autre mot venant du verbe latin pati  qui signifie « souffrir » et de cum:  « avec ».
Dans la Bible, le mot employé ici décrit les sentiments de Dieu envers son peuple.
Évoquons quelques textes d’Isaïe qui nous tracent ce merveilleux portrait de Dieu:
Sion disait: «Le Seigneur-Dieu m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée!»
La femme oublie-t-elle son nourrisson,
oublie-t-elle de montrer sa miséricorde et sa tendresse à l’enfant de sa chair?
Même si celles-là oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas!
Voici que je t’ai gravée sur les paumes de mes mains
  (Is 49,14-16).
Un court instant, je t’avais délaissée, mais ému d’une immense miséricorde, je te rassemblerai.
Dans un débordement de colère, un instant je t’avais caché ma face.
Mais dans un amour éternel je suis plein de miséricorde pour toi,
dit le Seigneur Dieu, ton sauveur
  (Is 54,7-8).
Compassion, miséricorde est ce terme que Jésus emploie volontiers
dans les paraboles où il décrit l’action du Père divin:
(Lc 10,33) Un Samaritain qui était en voyage arriva près de l’homme: il le vit
et fut pris de miséricorde, de compassion.
Il s’approcha, banda ses plaies… le conduisit à une auberge et prit soin de lui.

C’est le mot compassion  qui décrit les sentiments du père envers le fils prodigue:
Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de compassion:
il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers
  (Lc 15,20).
En dehors des paraboles, l’Évangile n’utilise cette expression que pour Jésus.
Et elle traduit bien, l’amour miséricordieux, la compassion pleine de tendresse
qui pousse Jésus à guérir aveugles et lépreux (Mc 1,41):
Pris de  compassion, Jésus étendit la main et toucha le lépreux. Il lui dit: «Je le veux, sois purifié».
Pris de
  compassion, Jésus leur toucha les yeux.
Aussitôt ils retrouvèrent la vue
  (Mt 20,34).
On trouve le même sentiment vis-à-vis de la veuve:
En la voyant, le Seigneur fut pris de compassion pour elle et il lui dit: «Ne pleure plus»  (Lc 7,13).
En agissant ainsi, Jésus traduit concrètement les sentiments du Père Divin.
Dans notre passage, la compassion de Jésus est motivée
par l’état d’abandon dans lequel se trouve cette foule:
Il est  remué jusqu’aux entrailles pour eux
parce qu’ils sont comme des brebis qui n’ont pas de berger.

André Chouraqui décrit l’état critique de la situation du pays à l’époque de Jésus:
«Les foules qui entourent Iéshoua comprennent,
sans doute, des maquisards qui ont déserté les villes, les villages et même les campagnes
pour échapper aux persécutions, aux exactions des occupants romains.
Une grande misère régnait dans le pays
et cette situation étreint le coeur de Iéshoua»
(Évangile selon Marc,  JC Lattès 1992, p. 126).
Dans ces foules, il y a probablement les am ha arets: les « ignorants de la Tora ».
On ignore la Tora,  soit parce qu’on est empêché d’aller à la synagogue
qui était alors le seul lieu d’instruction pour les gens ordinaires,
soit parce que le métier empêche de pratiquer certains préceptes de la Tora,
comme les bergers qui, le sabbat, doivent garder les troupeaux.
Dans les textes juifs de l’époque, on trouve plusieurs définitions de ces am ha arets:
L’am ha arets,  «c’est celui qui ne respecte pas la dîme,
celui qui ne mange pas sa nourriture selon les règles de pureté,
celui qui ne récite pas la prière du Shema  matin et soir… »

Les Pharisiens étaient alors les guides spirituels du peuple dans la fidélité à la Tora
et ils méprisaient ces ignorants.
Dans le récit de Luc (18,11), la prière du Pharisien vise probablement les am ha arets:
Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui-même:
Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes,
qui sont voleurs, malfaisants, adultères…

En Jean (7,49), nous voyons les Pharisiens maudire la foule qui suit Jésus:
Il y a tout juste cette masse qui ne connaît pas la Tora, des gens maudits!
Les Pharisiens et ceux qui les suivaient ne devaient pas fréquenter les am ha arets
car ils se rendaient impurs simplement en les cotoyant.
Ephraïm nous donne une bonne idée de la marginalisation de ces exclus de la société:
«L’expression (am ha arets) est très péjorative et méprisante
car elle les assimile à ceux qui, en Israël, se sont mêlés avec les païens,
s’engageant dans des mariages mixtes
où l’on finit par abandonner la Thora pour servir les idoles.
Bien qu’étant juifs, ces am ha arets ne sont pas considérés comme appartenant au vrai Israël.
Seuls les disciples de la Thora sont considérés par les Pharisiens
comme étant le peuple saint»
(Jésus, juif pratiquant, Fayard 1987, p. 152).
On comprend alors le constat de Jésus: ils sont comme des brebis sans pasteur.
On devine combien la sensibilité de Jésus pouvait être heurtée par cet ostracisme,
lui pour qui tout être humain, quel qu’il soit, a la dignité de fils ou fille de Dieu.
L’image biblique du troupeau sans pasteur suggère
que Jésus se conduit comme le pasteur-messie qui était attendu.
Il se présente comme le nouveau David qui va rassembler le peuple de Dieu:
Berger au coeur irréprochable, il les guida d’une main avisée  (Ps 78,72).
Il est aussi le nouveau Moïse, lui qui avait guidé le peuple dans le désert
et lui avait procuré, par la grâce de Dieu, les nourritures miraculeuses.
À la fin de sa vie, Moïse parle ainsi au Seigneur (Nb 27,15-17):
Que le Seigneur établisse sur cette communauté un homme
qui sorte et rentre à leur tête, qui les fasse sortir et rentrer,
pour que la communauté du Seigneur ne soit pas comme un troupeau sans pasteur.

Hélas, tout au long de son histoire, Israël a connu
davantage de mauvais pasteurs que de bons.
C’est ce qu’annonçait le prophète Ézéchiel (Éz 34,1,23,30-34):
La parole du Seigneur me fut adressée en ces termes:
«Fils d’homme, prophétise contre les pasteurs d’Israël, prophétise.
Tu leur diras: ainsi parle le Seigneur. Malheur aux pasteurs d’Israël qui se paissent eux-mêmes.
Les pasteurs ne doivent-ils pas paître le troupeau? …
Je susciterai, pour le mettre à leur tête, un pasteur qui les fera paître. …
Et vous, mes brebis, vous êtes le troupeau que je fais paître, et moi, je suis votre Dieu.»

Les prophètes avaient souvent parlé de la tendresse miséricordieuse de Dieu
comme étant la grande espérance pour le Jour où viendra le messie.
Le cantique de Zacharie fait écho à cette espérance lors de la naissance de Jean:
Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité et libéré son peuple…
Il a montré sa miséricorde envers nos pères et s’est rappelé son alliance…
C’est l’effet des entrailles de miséricordieuse bonté de notre Dieu:
grâce à elle nous a visités l’astre levant venu d’en haut.
Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort,
afin de guider nos pas sur la route de la paix
  (Lc 1,68-79 passim).
Paul s’exprimera de la même manière dans sa lettre aux Philippiens (1,7-8):
Je vous porte dans mon coeur…
Oui, Dieu m’est témoin que je vous chéris tous dans les entrailles du Christ Jésus.

Et il invitera les chrétiens à revêtir les mêmes sentiments
de compassion les uns envers les autres:
S’il y a un encouragement dans le Christ,
un réconfort d’amour, une communion de l’Esprit, une entraille de compassion,
mettez le comble à ma joie: ayez le même amour, soyez unanimes
  (Phi 2,1-2).
Vous, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés,
revêtez des entrailles de tendresse miséricordieuse, de bonté, d’humilité…
supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement
  (Col 3,12-13).

Il commence à leur enseigner beaucoup de choses.
Pourquoi associer cette compassion de Jésus pour la foule et son enseignement?
Il nous faut peut-être mieux comprendre ce qu’est: être privé de pasteur.
Le pasteur est celui qui fait paître les brebis.
Or, qu’est-ce que faire paître? sinon donner la nourriture.
Le mot repas  et pâturage  ont la même racine.
Le pasteur est celui qui mène vers les pâturages où ses bêtes trouveront leur pâture.
Ce dont les foules sont privées, c’est peut-être de nourriture matérielle,
mais c’est bien plus de nourriture spirituelle.
Les am ha arets  sont exclus des synagogues où se donne l’enseignement de Dieu.
Les chefs religieux veulent assujettir les petits en leur imposant des règles de vie
qui ne font qu’alourdir l’existence au nom d’un Dieu exigeant et sévère:
Malheur à vous les scribes! Vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter
et vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d’un seul de vos doigts
  (Lc 11,46).
En imposant l’image d’un Dieu souverain juge,
ces maîtres de la Tora  empêchent les gens d’entrer dans la paternité de Dieu.
C’est d’abord pour les humbles que Jésus prêche.
Ce sont eux qu’il invite à venir à son école.
Il se fait le lieu-tenant du vrai Pasteur qu’est Dieu, comme dit le psaume 22(1-6):
Le Seigneur-Dieu est mon berger, je ne manque de rien.
Sur de frais herbages il me fait habiter; près des eaux du repos il me mène…
Même si je marche dans un ravin d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi; ton bâton, ton appui, voilà qui me rassure.
Devant moi tu dresses une table, face à mes adversaires…

Dresser la table, c’est ce que fait Jésus pour tous ceux qu’il nourrit de la Parole divine.
Les repas sacrés juifs -comme celui du sabbat- unissent
le partage de la nourriture et le partage de la Parole divine.
Car le repas n’est pas seulement un temps pour refaire les forces physiques
mais pour établir une communion entre les convives.
Et cette communion se réalise vraiment par le partage de la Parole de Dieu:
«Quand deux ou trois sont réunis autour de la Tora, Dieu est au milieu d’eux.»
Aussi, à la fin de cette journée d’enseignement, Jésus va multiplier les pains
comme il aura multiplié la Parole de Dieu.
«Avant de donner du pain, c’est d’abord par sa parole que Jésus rassasie les hommes.
Le récit de la multiplication des pains ne doit pas être séparé de ce qui précède.
C’est par ‘la Parole’ que Jésus s’efforce de rassembler la foule
en un nouveau peuple de Dieu.
L’Église ancienne l’a bien retenu.
Dans sa pratique de l’eucharistie, elle unit toujours « deux tables » qui s’enchaînent:
celle de la Parole d’abord, puis celle des pains»

(Jacques Hervieux, L’Évangile de Marc,  p. 95, Centurion-Novalis 1991).
Le Cantique des Cantiques traduisait déjà cette joie de la rencontre d’un Dieu
qui est tendresse à travers la nourriture de sa Parole:
Explique-moi, toi que j’aime, où tu feras paître, où tu feras reposer à midi  (Ct 1,7).
Les paroles de vie de Jésus sont donc propres à donner le repos de l’esprit,
à révéler avec force le Dieu qui est Père miséricordieux
et non d’abord le Souverain juge de l’univers.
Et cette découverte d’un Dieu d’amour est une force nourrissante
qui apprend à vivre d’amour vrai, de bonté généreuse et de tendresse.
Voilà comment Jésus se fait le bon Pasteur
et comment il appelle au bonheur les petits et les humbles:
Ils sont sur le droit chemin du bonheur les pauvres d’instruction:
le règne de Dieu est pour eux,

car Dieu est aussi -et en priorité- leur Père.
Dieu veut réintégrer dans sa communauté ceux qui en ont été exclus.
Ainsi, ces versets du récit de Marc nous éclairent bien sur l’attitude du Maître.
«Jésus remue les foules.
Il ne peut se refuser à l’appel qui monte de la foule comme d’un troupeau abandonné.
Or l’acte premier, indispensable et révélateur, par lequel il se situe par rapport à elle,
c’est la parole. Sa mission ne peut se traduire en fait, sans se dire.
Comme le pain partagé, offert à tous,
son enseignement, donné aux multitudes, témoigne: voici le pasteur devant le troupeau,
et l’attachement qui le voue aux brebis délaissées déclare la tendresse miséricordieuse de Dieu»

(Jean Delorme, Assemblées du Seigneur #47, p. 57, Cerf).

Il y a aujourd’hui encore une faim de Dieu, de son amour.
Le Cardinal Suhard, archevêque de Paris, écrivait il y a plus de 50 ans:
«L’être humain ne se rassasie pas seulement de pain,
ni de bien-être ni de dévouement ni de tendresse humaine:
de quelque nom qu’il le désigne: il est affamé de Dieu»
(Le sens de Dieu, Lahure, p. 22).
Une conversation récente avec un québécois lançait le même cri de détresse:
«Mes amis et moi, nous avons entre 25 et 30 ans,
mais nous nous sentons déjà comme des gens de 40 ans,
tellement nous sommes blasés de la vie.
Nous avons de bons salaires mais nous dépensons tout, victimes de la société de consommation.
Nous en sommes conscients mais aucune mystique ne nous donne la force
qui permettrait de nous en libérer.
La génération de nos parents -qui a rejeté toute religion- ne nous a pas transmis
ce supplément d’âme dont nous avons besoin.
Seule une spiritualité nous permettra de vivre et non simplement de survivre.»

Pour entendre la parole de réconfort de Jésus,
ne faut-il pas nous retirer dans les endroits déserts,
trouver ce sanctuaire de silence où seulement Dieu peut être entendu?
La société de communication nous saoûle de bruits qui couvrent la voix divine.
En une heure de radio ou de télé, nous sommes abrutis de 10 à 20000 mots.
Le téléspectateur moyen est assailli de 500 messages publicitaires par jour.
Quand nos églises seront-elles ces sanctuaires du silence rêvés pas Zundel?
Terminons par ce texte d’un jeune de 25 ans sur la nécessité du silence
pour rencontrer Iéschoua de Nazareth et son Père, le Pasteur éternel:
«Chants grégoriens à la chapelle. Balancements à la synagogue.
Prostrations, fronts contre sol dans la mosquée.
Méditation sur l’éphémère des réalités
dans les hauteurs de l’himalaya ou dans un jardin zen.
Prières. Signes extérieurs d’un intérieur. D’un intérieur… Intérieur.
Contact avec un Absolu, un Être Suprême ou une Révélation. Contact.
Plus tard… l’Incarnation. Un plus grand au plus profond de l’être humain.
Au coeur de soi: un temple, un sanctuaire, une chambre secrète.
Là, le plus intime à nous-même que nous-même. Quelqu’un. Contact possible.
Via le silence. Consacrer du temps; consacrer le temps.
Laisser un peu l’extérieur; se tourner vers l’intérieur.
Rejoindre le courant des profondeurs. Profondeurs.
Pourquoi avoir peur? Sans l’intériorité, l’aliénation. La véritable.
Besoin du dedans. Toujours dehors, l’assèchement. Soif de la source.
S’abreuver. En silence. Boire. Boire.
Quoi de plus humain, de plus universel que cette soif, cette quête?
Quête. Quest. Question. Toujours une Question, la Quête.
Question plus forte que notre réponse. L’éternité plus grande que le temps.
Seule voie: se rendre à l’Absolu. Réaliser l’éternité déjà présente. Se rendre.
Le oui d’Abraham, le oui de Marie. Se soumettre au silence éternel.
Ob-éir: ouir; écouter. Heureux le pauvre. Ouvrir. Ne pas géner. Ne pas obstruer.
Accueillir. Ne pas être un pharisien satisfait de soi.
Écouter -comme se laisser aimer.
Ne pas parler. Ne dire mots. Silence. Faire silence. Ouvrir le coeur.
Recevoir le silence de sa parole, sa présence.
Agaçante Question. De fait, souvent bafouée.
Trop souvent absent, perdu dans les futilités.
Qui? Moi, toi, nous… Absents… Fausse recherche de Dieu.
***
Toi, Dieu, Iéschoua, à la recherche de l’être humain en nous. À notre recherche.
Ne pas abimer ton amour. Ne pas le blesser. Amour si fragile…
Amour jamais imposé. Amour donné.
Ta faiblesse, ta fragilité, signes à la démesure de ton amour.
Réponse jamais entièrement saisie. Jamais. Mystère jamais pleinement dévoilé.
Ton dos à Moïse; ton visage dans l’au-delà. Soif.
Prière jamais terminée, jamais conquise, jamais»

(Xavier Gravend-Tirole, Présences magazine #68, sept. 2000).

Georges Convert

»»» Questions

1. Quels sont les 2 éléments essentiels à l’action de Jésus et de ses envoyés (apôtres)?
2. Pourquoi Jésus est-il remué dans ses entrailles devant les foules?
3. Quel lien y a-t-il entre parole et repas?
4. Ce lien est-il bien exprimé dans nos repas eucharistiques (la messe)?
5. Comment se manifeste aujourd’hui la faim de Dieu?

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