Évangile du dimanche 8 juillet 2018

14e dimanche ordinaire (année B), selon l’écrit de Marc 6, 1-6

Du pain sur la table

1 [Jésus] sort de là et vient dans sa patrie.
Ses disciples le suivent.

2 Lorsqu’arrive le sabbat,
il commence à enseigner dans la synagogue.
Nombreux sont ceux qui l’écoutent et sont étonnés:
D’où cela lui vient-il?
Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée?
Et tous ces miracles qui arrivent par ses mains?

3 Celui-ci n’est-il pas l’artisan, le fils de Marie
et le frère de Jacques et de Josét et de Jude et de Simon?
Et ses soeurs ne sont-elles pas ici, avec nous?
Et ils ont en lui un sujet de scandale.

4 Jésus leur dit:
Un prophète n’est sans honneur que dans sa patrie,
sa parenté et sa propre maisonnée.

5 Et il ne peut faire là aucun miracle;
sauf de guérir quelques malades en leur imposant les mains.

6 Il s’étonne de leur manque de foi.
Il se met à parcourir les villages des environs pour enseigner.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Voilà un récit bien connu mais toujours difficile à comprendre.
Comment concilier qu’on passe en un si court laps de temps
de l’étonnement admiratif au rejet scandalisé vis à vis de Jésus?
Pourquoi les récits évangéliques ont-ils gardé mémoire de cet épisode?
Que peut-il signifier aujourd’hui pour les chrétiens que nous sommes?

La place de ce texte dans le récit de Marc
La visite de Jésus dans sa patrie vient clore la première section de son ministère.
Ce premier temps s’est déroulé sur les bords du lac de Tibériade qui se trouve
à une trentaine de kilomètres de Nazareth, le village où Jésus avait vécu jusqu’alors.
Les chapitres précédents ont raconté son activité de prédicateur et de thaumaturge.
Cette activité va trouver son apogée lors de la multiplication des pains.
Cette apogée s’exprimera par la profession de foi de Pierre: Tu es le messie!  (8,30).
Mais ce sera aussi un tournant majeur dans le déroulement de la mission
puisque c’est alors que Jésus commence à leur enseigner
que Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir,
être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué…»
  (8,31)
En effet, les oppositions à son message et à sa personne sont devenus
tels que Jésus sait maintenant qu’il ne pourra éviter la mort.
Notre récit vient nous avertir que Jésus n’a pas rencontré davantage de succès
parmi les gens de son village natal.

Il vient dans sa patrie et ses disciples le suivent.
Lorsqu’arrive le sabbat, il commence à enseigner dans la synagogue.

Jésus fréquente régulièrement les synagogues où il donne souvent son enseignement.
La synagogue est la maison de prière qui rassemble les Juifs d’un village.
Il suffit de dix Juifs adultes pour ouvrir une synagogue
et le chef de la synagogue est choisi parmi les notables du village ou du quartier.
La salle synagogale abrite les rouleaux de la Tora et des prophètes.
C’est l’office du sabbat qui rassemble la communauté.
Il se compose de prières, de lectures de la Tora et d’un passage des Prophètes.
Comme les textes sont proclamés en hébreu qui n’est plus la langue parlée,
un paraclet-interprète en assure la traduction en araméen.
À la suite, l’un des assistants qualifiés fait un commentaire de la Parole.
Jésus utilise donc son droit de se proposer pour commenter l’Écriture.

Nombreux sont ceux qui l’écoutent et sont étonnés:
«D’où cela lui vient-il? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée,
si bien que même des miracles se font par ses mains?

L’évangéliste Jean rapporte une semblable interrogation:
Comment cet homme connaît-il tant de choses sans avoir fait des études?  (Jn 7,15).
Certes Jésus avait appris les Écritures, de son père comme c’est la coutume juive,
mais aussi à la synagogue qui est aussi la première maison de l’instruction.
C’est en apprenant à lire la Tora et les autres écrits bibliques
que se faisait alors toute l’instruction ordinaire des jeunes.
Certains pourtant recevaient une formation plus spécialisée en se mettant à l’école de Maîtres
comme les rabbis qui étaient les interprètes attitrés de la Tora.
Ces rabbis commentaient toujours en s’appuyant sur l’autorité de toute la tradition
et la formule rituelle était de faire appel à un rabbi plus ancien: Rabbi Untel a dit.
La tradition était à ce point importante qu’un rabbi pouvait se glorifier
de ne jamais avoir rien enseigné
qu’il ne l’ait d’abord reçu d’un rabbi plus ancien, d’un « père » dans la tradition.
On ne connaît pas de rabbi aux pieds duquel Jésus ait été formé,
comme ce fut le cas pour Paul qui suivit les cours du rabbi Gamaliel (cf Ac 22,3).
L’unique rabbi-père pour Jésus fut sans doute Dieu lui-même,
le seul qu’il considère comme étant véritablement Père (cf Mt 23,9).
Déjà, lors de sa première visite au Temple, comme jeune adolescent,
Jésus avait montré à Joseph et Marie où il puiserait sa sagesse:
Ne savez-vous pas que c’est aux choses de mon Père que je dois être  (Lc 2,49).
Plus tard, il ne cessera de dire que la source de son autorité est le Père des Cieux:
Mon enseignement ne vient pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé  (Jn 7,16).
Plus qu’à la synagogue ou dans des écoles de rabbis,
c’est donc dans le coeur à coeur de la prière que Jésus a écouté son Père:
Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même:
mais le Père demeurant en moi fait ses oeuvres
  (Jn 14,10).
Comme le disent les gens de son village, sa sagesse lui est effectivement donnée:
et c’est le Père qui la lui donne dans ces longs temps de silence solitaire
que les récits évangéliques nous décrivent.
Cette source de sa sagesse permet à Jésus de donner une interprétation de la Tora
qui ne sera pas forcément en lien avec celles des rabbis qui l’ont précédé:
Vous avez appris qu’il a été dit aux Anciens… moi je vous dis  (Mt 5,21-22).
On trouve un écho de cela dans ce commentaire de Marc
qui compare l’enseignement de Jésus à celui des scribes:
Ils étaient étonnés de son enseignement;
car il enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes
  (Mc 1,21-22).
Plus tard, à Jérusalem, les gardes envoyés par les grands-prêtres pour arrêter Jésus, s’exclameront:
Jamais homme n’a parlé comme cet homme!  (Jn 7,46).

Ils ont en lui un sujet de scandale…
Comment comprendre que ce rabbi qui a tant d’autorité,
qui est rempli d’une telle sagesse et fait de si grands miracles, soit sujet de scandale
et précisément pour ceux qui sont de sa parenté, de son village?
Il faut d’abord rappeler la définition du mot « scandale » dans la langue de la Bible.
L’image qui sous-tend le mot « scandale » est celle de ce qui fait chuter.
Le scandale est l’obstacle ou le piège placés sur le chemin et qui font tomber.
On retrouve bien souvent cette expression dans l’Évangile.
Si ta main droite te scandalise [entraîne ta chute], coupe-la…
il est préférable pour toi qu’un de tes membres périssent
et que ton corps tout entier ne s’en aille pas dans la géhenne
  (Mt 5,30).
Mais on trouvera surtout cette expression devant le scandale de la croix.
Lorsque Jésus annonce sa passion, Pierre se met à le réprimander, en disant:
«Dieu t’en préserve, Seigneur! Non, cela ne t’arrivera pas!»
Mais lui, se retournant, dit à Pierre: «Retire-toi! Derrière moi, Satan!
Tu es pour moi scandale [occasion de chute],
car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes»
  (Mt 16,22).
En route vers le jardin des Oliviers, Jésus prévient ses disciples:
Cette nuit-même, vous serez scandalisés à cause de moi  (Mt 26,31),
autrement dit: «Vous allez chuter à cause de moi.»
Paul dira: Les Juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse.
Mais nous, nous prêchons un messie crucifié
qui est scandale pour les Juifs
  (1Co 1,22-23).
Qu’est-ce qui fait de la croix, du crucifié, une occasion de chute?
Les Juifs attendaient du messie qu’il soit quelqu’un de tout puissant,
qui devait les libérer des ennemis d’Israël: les Romains.
Aussi, après le grand repas des pains, ils voudront l’enlever pour le faire roi.
Mais Jésus évitera ce piège en se retirant dans la solitude pour prier (Jn 6,15).
Ce refus d’être un messie triomphant des Romains, va entraîner la désaffection
de beaucoup de ses adeptes (Jn 6,60-67):
Beaucoup de ses disciples dirent: «Elle est dure, cette parole! Qui peut l’écouter?»
Jésus leur dit: «Cela vous scandalise ? …
Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie.
Mais il en est parmi vous qui ne croient pas.»
Jésus savait qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le livrerait.
Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui.
Jésus dit alors aux Douze: «Voulez-vous partir, vous aussi?»

Ainsi le scandale est ce qui empêche de vivre selon l’esprit de Dieu
et qui nous fait passer à côté de la vie véritable, la vie divine.
Celui-ci n’est-il pas l’artisan, le fils de Marie
et le frère de Jacques et de Josét et de Jude et de Simon?
Et ses soeurs ne sont-elles pas ici, avec nous?
Et ils ont en lui un sujet de scandale.

Quelle raison provoque le scandale des gens du village natal de Jésus?
Marc a déjà préparé ses lecteurs au rejet de Jésus par sa famille.
C’est lorsque Jésus vient de choisir les Douze pour en faire ses apôtres,
que les gens de sa parenté viennent pour s’emparer de lui,
car ils disaient: «Il a perdu le bon sens»  (Mc 3,21).
Comment comprendre cela?
On peut penser que la famille de Jésus s’inquiétait des conséquences politiques
que sa prédication soulevant les foules pouvaient avoir.
En effet, les Romains qui occupent le pays ne pouvaient tolérer des actions
qui pourraient provoquer une révolte contre eux.
On peut y voir aussi l’étonnement de gens qui ne reconnaissent plus leur parent
et qui sont incrédules devant les pouvoirs peu communs
de quelqu’un qui n’a pas fait d’études spéciales.
On peut penser que la famille se sentait frustrée du peu de cas que Jésus faisait d’elle.
N’oublions pas que, dans le contexte d’alors, le clan familial est important
et qu’il a des droits sur chacun de ses membres.
Or les récits évangéliques confirment que Jésus a quitté Nazareth
pour accomplir l’essentiel de son action dans la région du lac de Tibériade:
Abandonnant Nazara, Jésus vint habiter à Capharnaüm, au bord de la mer  (Mt 4,14).
Jésus va enseigner dans les synagogues de la région et sur les bords même du lac:
Jésus sort sur le rivage du lac; toute la foule venait à lui et il les enseignait  (Mc 2,13).
C’est aussi dans cette région qu’il a choisi nombre de ses disciples (1,16-20):
Comme il passait sur le bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, son frère,
qui jetaient l’épervier dans la mer, car c’étaient des pêcheurs.
Et Jésus leur dit: «Venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes.»
Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère,
eux aussi dans leur barque en train d’arranger les filets; et aussitôt il les appela.

Il choisit aussi Philippe, de Bethsaïde, ville située au nord du lac (cf Jn 1,43-44).
Puis il appellera Matthieu-Lévi, le douanier de Capharnaüm (cf. Mc 2,13).
Aucun nom de la parenté de Jésus ne semble figurer parmi les Douze.
De plus, les mouvements religieux de l’époque choisissaient des émissaires
pour faire connaître leur doctrine.
Or, aussitôt après ce passage à Nazareth,
Jésus choisit ses apôtres (apôtre=envoyé) et ils ne sont pas de sa parenté (Mc 6,7):
Il appelle à lui les Douze et il se met à les envoyer en mission deux à deux, en leur donnant pouvoir.

Quelle a été l’attitude de Jésus face à sa famille?
Rappelons la réponse de Jésus alors que sa mère et sa parenté viennent le voir:
«Qui est ma mère? Et mes frères?»
Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui,
il dit: «Voici ma mère et mes frères.
Quiconque fait la volonté de Dieu,
celui-là m’est un frère et une soeur et une mère»
  (Mc 3,32-35).
La famille de sang -aussi importante soit-elle- doit s’effacer
devant la famille dans laquelle nous entrons lorsque nous devenons fils, fille de Dieu.
Jésus va le dire avec force à ceux qui veulent le suivre
pour former avec lui une nouvelle famille spirituelle (Lc 14,26):
Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère,
sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs,
et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.

Dans l’hébreu, qui n’utilise pas le comparatif, le verbe haïr peut dire «ne pas donner priorité».
Pour Jésus, il ne faut donc pas donner priorité aux amours familiaux
car on risque alors de perdre le sens de la gratuité inconditionnelle
avec laquelle on doit aimer tout humain.
Le nouveau prototype du Règne de Dieu que Jésus veut former
ne passe plus par les liens du sang -et donc aussi par les liens de l’ethnie.
Notre parenté fraternelle se réalise dans notre commune écoute du Père Unique.
C’est notre commune filiation en Dieu-Père qui nous fait frères et soeurs.
Alors que la parenté d’ethnie peut créer des barrières, refermer sur le clan,
la parenté, telle que Jésus la désire, ne peut être qu’universelle, sans frontière.
Dans sa lettre aux Éphésiens, Paul traduira très bien cette mission de Jésus:
À présent, dans le Christ Jésus, vous [les païens] qui jadis étiez loin,
vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ.
Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un,
détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine, cette Tora des préceptes,
pour créer en sa personne les deux en un seul Homme Nouveau,
faire la paix, et les réconcilier avec Dieu, tous deux en un seul Corps, par la Croix.
Par lui nous avons en effet, tous deux en un seul Esprit, libre accès auprès du Père.
Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des hôtes;
vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu
  (Ép 2,12-19).
Mais ce projet universel sera rejeté par tous ceux
qui n’accepteront pas cette abandon de l’ethnie et cette ouverture aux païens.
Dans le passage du récit évangélique de Luc qui raconte la visite à Nazareth,
on peut trouver la raison de l’hostilité des gens à l’égard de Jésus (cf. Lc 4,16ss).
Jésus enseigne en effet que Dieu a compassion de tout humain, y compris des païens.
Il rappelle qu’Élisée -un prophète juif- a guéri un païen Naaman,
tout comme Élie a secouru une païenne de Sarepta.
Pourquoi Dieu n’a-t-il pas alors guéri les lépreux ou secouru les veuves d’Israël?
«Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Elisée;
et aucun d’eux ne fut purifié, mais bien Naaman, le Syrien.»
Entendant cela, tous dans la synagogue furent remplis de fureur
  (Lc 4,27-28).
Et Jésus y reprend le même argument que dans notre texte:
(Lc 4,23-24) >Aucun prophète ne trouve accueil dans sa patrie.
Sûrement vous allez me dire: Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm…
fais-en donc autant ici dans ta patrie.

Qu’est-ce ce qui empêche Jésus d’agir chez lui, à Nazareth?
Qu’est-ce qui empêchait Dieu d’agir pour les lépreux d’Israël
alors qu’il guérissait le lépreux syrien?
À Nazareth, Marc dit que, ce qui manque, c’est la foi:
Il ne put faire là aucun miracle. Et il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas.
Mais de quelle foi s’agit-il?
De la totale confiance en Dieu qui ne s’appuie sur rien d’autre
que sur la certitude de son amour gratuit.
Dieu ne peut agir en nous que par amour.
Si nous pensons avoir des droits sur Lui,
en raison de notre appartenance à son peuple, ou de notre bonne conduite,
nous annihilons sa possibilité de nous aimer gratuitement.
Les parents de Jésus pensaient avoir droit à ses miracles car ils étaient de son sang.
Et voilà que Jésus donnait priorité aux gens des villes du lac
et même à des païens comme le possédé de Gérasa! (cf Mc 5,1ss).
Voilà sans doute une des raisons de l’incompréhension entre Jésus et sa famille.
Pourtant, après la résurrection, la famille de Jésus prendra une part importante
dans l’organisation de la première communauté.
Au début des Actes, Luc signale la présence des frères de Jésus à côté des Douze:
Rentrés en ville, ils montèrent à la chambre haute où ils se tenaient habituellement.
C’étaient Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu…
Tous, d’un même coeur, étaient assidus à la prière avec quelques femmes,
dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères
  (Ac 1,13-14).
Paul signale d’ailleurs l’apparition du Ressuscité à Jacques,
qui est distinct de l’apôtre et qui doit être le frère du Seigneur:
Ensuite, il est apparu à plus de 500 frères à la fois …
ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres
  (1Co 15,6-7).
Ce Jacques sera le premier responsable de la communauté de Jérusalem.
Son influence se mesure lors de l’assemblée où se discutent les conditions
pour l’accueil des païens dans l’Église (Ac 15,12-13):
Alors toute l’assemblée fit silence.
On écoutait Barnabé et Paul exposer
tout ce que Dieu avait accompli par eux de signes et prodiges parmi les païens.
Quand ils eurent cessé de parler, Jacques prit la parole et dit: «Frères, écoutez-moi.»

Et c’est son opinion qui s’imposera à l’assemblée.
Ce sera aussi l’entourage de Jacques qui voudra freiner l’entrée des païens,
comme le rapporte cet incident entre Pierre et Paul:
Quand Céphas (Pierre) vint à Antioche, je lui résistai en face,
parce qu’il s’était donné tort.
En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques,
il prenait ses repas avec les païens; mais quand ces gens arrivèrent,
on le vit se dérober et se tenir à l’écart, par peur des circoncis.
Et les autres Juifs l’imitèrent dans sa dissimulation. …
Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile,
je dis à Céphas devant tout le monde: «Nous sommes, nous, des Juifs de naissance
et non de ces pécheurs de païens; et cependant, sachant que l’homme n’est pas justifié
par la pratique de la Tora, mais seulement par la foi en Jésus Christ,
nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus, afin d’obtenir la justification
par la foi au Christ et non par la pratique de la Tora»
  (Ga 2,11-16).
Le point de division reste le même qu’à Nazareth:
Dieu est-il d’abord le privilège d’un peuple, fut-il le peuple de la première alliance?
La vie divine nous est-elle assurée en récompense à notre fidélité à la Tora
ou est-elle d’abord un don gratuit
qui doit ensuite nous permettre d’aimer à la manière de Dieu?
Ce point de division est celui qu’illustre la parabole du Père et des deux fils:
le fils aîné a-t-il des droits à l’amour de son père parce qu’il lui est fidèle?
ou l’amour du père ne s’ouvrira-t-il pas aussi (et d’abord) au fils infidèle
parce qu’il a tragiquement perdu cet amour qui seul fait vivre?
Le fils aîné ne représente-t-il pas les gens de Nazareth (de tous les temps)
dont la certitude d’avoir des droits à l’amour du Père les en éloigne inévitablement?

Ce point de division est ce qui a détaché les premiers chrétiens du judaïsme.
Cela se fit lentement et Paul fut le premier artisan de cette division.
Il devait en payer le prix puisqu’il s’aliéna la communauté juive qui voulut sa mort.
Évoquons ce passage des Actes des apôtres (21,18-34):
Paul se rendit avec nous chez Jacques, où tous les anciens se réunirent.
Il se mit à exposer ce que Dieu avait fait chez les païens par son ministère.
Ils glorifiaient Dieu de ce qu’ils entendaient.
Ils lui dirent alors: «Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont embrassé la foi,
et ce sont tous de zélés partisans de la Tora.
Or à ton sujet ils ont entendu dire que, dans ton enseignement,
tu pousses les Juifs qui vivent au milieu des païens à la défection vis-à-vis de Moïse,
leur disant de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les coutumes.
Que faire donc?»

Jacques conseille à Paul d’aller au Temple avec 4 frères qui doivent y accomplir un voeu.
«Ainsi tous sauront qu’il n’y a rien de vrai dans ce qu’ils ont entendu dire à ton sujet,
mais que tu te conduis, toi aussi, en observateur de la Tora.»

Malheureusement des Juifs reconnaissent Paul dans le Temple:
Ils ameutèrent la foule et mirent la main sur lui, en criant:
«Hommes d’Israël, au secours! Le voici, l’individu
qui prêche à tous et partout contre notre peuple, contre la Tora et contre ce Lieu!»
La ville entière fut en effervescence, et le peuple accourut de toutes parts.
On s’empara de Paul. … On cherchait à le mettre à mort
.
Finalement Paul n’aura la vie sauve que par l’intervention du tribun romain,
mais celui-ci le fera enfermer dans la forteresse.
Paul sera finalement jugé et décapité à Rome.
Comme Jésus, il aura payé de sa vie pour témoigner de l’universalité de l’Église.

Après le baptême de l’empereur Constantin, une alliance s’est faite
entre l’Église et la société qui devint officiellement chrétienne.
Mais la « chrétienté » n’est pas exactement le projet de l’Évangile.
La communauté née de Jésus doit sans cesse faire éclater l’équation religion=nation.
On n’est pas catholique parce qu’on est français, canadien-français ou brésilien.
Non pas que ces peuples soit impropres à témoigner du règne de Dieu.
Mais la communauté de Jésus a vocation de traduire le règne de l’amour de Dieu
en rassemblant des disciples de toutes les nations dans une même communion.
Paul traduira cela en disant aux disciples de Jésus (Ga 3,28) qu’il n’y a plus ni Juif, ni Grec,
ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme,
car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus messie.

L’Évangile doit faire éclater toutes les barrières de clan, de race, de classe sociale.
Il doit engager les chrétiens à être des êtres de paix
en collaborant à tout ce qui peut favoriser les rapprochements,
à tout ce qui peut contribuer à guérir les causes de divisions:
collaboration à l’oecuménisme et au dialogue entre les religions,
action pour l’abolution de la torture, pour le développement et la paix, etc…
C’est là que -par ses disciples- le Ressuscité veut faire des miracles.

Georges Convert

 

»»» Questions

1. Quelle est la patrie de Jésus?
2. Pourquoi les gens de Nazareth sont-ils étonnés par la manière d’enseigner de Jésus?
3. Quelle est la signification du mot scandale dans la Bible?
4. Pourquoi Jésus est-il un objet de scandale pour les gens de Nazareth?
5. Qu’est-ce que la chrétienté? Est-elle conforme au projet de Jésus?

 

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