Évangile du dimanche 8 novembre 2015

32e dimanche ordinaire (année B), selon l’écrit de Marc 12, 37-44

Du pain sur la table

37 Une foule nombreuse écoutait [Jésus] avec plaisir.

38 Dans son enseignement, il disait:
Prenez garde aux scribes qui tiennent à parader dans leurs habits,
et des salutations sur les places publiques,

39 et des premiers bancs dans les synagogues,
et des premières banquettes dans les festins.

40 Ceux qui dévorent les maisons des veuves
et font comme prétexte de longues prières,
ceux-là recevront une plus grande condamnation.

41 S’étant assis devant la salle des troncs,
il se met à observer comment la foule dépose de la monnaie dans le tronc.
Beaucoup de riches déposent beaucoup.

42 Vient une seule veuve -pauvre- qui dépose deux piécettes
(ce qui fait un quart de sou).

43 Appelant ses disciples auprès de lui, il leur dit:
Amen, je vous dis que cette veuve, cette pauvre, a déposé plus
que tous ceux qui ont déposé dans le tronc.

44 Car tous ont déposé en prenant de leur superflu,
mais elle, elle a déposé -en prenant de son indigence-
tout ce qu’elle a, tous ses moyens de vivre.

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Le commentaire du pain sur la table,

par Georges Convert.

Voici deux petits portraits, les scribes et la veuve,
dont on ne voit pas -à première vue- ce qui les rassemble.
Et si la condamnation des scribes est évidente,
il est moins clair de savoir en quoi la veuve est louée.

La place du texte dans le récit de Marc
Nous sommes dans les derniers jours de Jésus à Jérusalem.
Il a accepté l’appellation de ‘fils de David’ de la part de l’aveugle Bartimée (Mc 10,47)
et de la part des foules lors de son entrée à Jérusalem (Mc 11,10).
Il est intervenu pour chasser le commerce qui se fait autour du Temple (Mc 11,15ss).
Avant d’annoncer la destruction du Temple,
Jésus va rappeller comment les leaders d’Israël ont failli à leur mission
en pratiquant des rites religieux sans un amour vrai de Dieu et du prochain (Mc 12,33).

Le récit de Marc est très succinct.
Le passage parallèle de Matthieu peut nous éclairer (Mt 23,1-7):
Alors Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples:
«Les scribes et les Pharisiens siègent dans la chaire de Moïse:
faites donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire,
mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas.
Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des gens,
alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt.
Toutes leurs actions, ils les font pour se faire remarquer des gens.
Ils élargissent leurs phylactères et allongent leurs franges.
Ils aiment à occuper les premières places dans les festins
et les premiers sièges dans les synagogues, à être salués sur les places publiques
et à s’entendre appeler Maître par les gens.

Le reproche est adressé aux scribes, spécialistes de la Tora, docteurs en droit.
Si Matthieu ajoute les Pharisiens, c’est sans doute
parce que de nombreux scribes étaient membres du groupe religieux pharisien.
Le reproche est de pratiquer leur fonction religieuse
en ayant surtout le souci de se faire remarquer.

Prenez garde aux scribes qui tiennent à parader dans leurs habits…
Marc ne nous dit pas de quel habit il s’agit.
Matthieu parle des franges que les scribes allongent.
Il s’agirait du talith, un manteau spécialement utilisé par les rabbins, que l’on portait traînant.
Il comportait des franges selon les indications de la Tora:
Le Seigneur-Dieu parla à Moïse et dit: «Parle aux Israélites; tu leur diras de se faire
des houppes aux pans de leurs vêtements et de mettre un fil de pourpre violette à la houppe du pan.
Vous aurez donc une houppe, et sa vue vous rappellera tous les préceptes du Seigneur-Dieu.
Vous les mettrez alors en pratique
  (Nb 15,37-39).
Plus on allongeait ces houppes, plus on montrait qu’on était un observateur zélé des préceptes.
Ce vêtement spécifique permettait d’être salué avec les honneurs de son rang dans les lieux publics.

…aux salutations sur les places publiques…
«Sur les places encombrées de marchands et de flâneurs,
les docteurs [de la Tora] avaient tout le loisir de se griser des longues démonstrations de respect
dont le peuple se faisait un devoir de les entourer.
Exploiter le prestige conféré par des fonctions saintes dans un but égoïste et futile,
augmente la malice de cette vanité»
(P. Ternant, Assemblées du Seigneur 63, p. 57).

…aux premiers bancs dans les synagogues…
Les scribes, parce qu’ils sont les spécialistes de la Tora, ont une grande autorité
que l’on traduisait en disant qu’ils étaient assis dans la chaire de Moïse  (Mt 23,2).
Des écrits juifs postérieurs nous disent
que les scribes avaient des places spéciales dans les synagogues.
Ils étaient assis face à l’assemblée, le dos à l’armoire sacrée qui contient les rouleaux de la Tora.
Mais ils devaient être tentés de se prévaloir également de cette notoriété,
ailleurs que dans les lieux de prière.

…aux premières banquettes dans les festins.
L’ordre des places dans les repas festifs était réglé d’après les fonctions, le rang social.
Jésus a déjà invité ses disciples à la modestie dans ces circonstances (Lc 14,8-10):
Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place,
de peur qu’on ait invité quelqu’un de plus important que toi,
et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire: «Cède-lui la place»;
alors tu irais tout confus prendre la dernière place.
Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place,
afin qu’à son arrivée celui qui t’a invité te dise: «Mon ami, avance plus haut».
Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi».

On trouvera un conseil semblable chez Rabbi Simon ben Azzaï,
vers l’an 110 de notre ère: (Aboth de Rabbi Nathan, 25)
«Descends d’où tu es assis de deux ou trois rangs, et là choisis ta place.
Car il vaut mieux qu’on te dise: Monte, plutôt que: Descends.»

Jésus n’approuve probablement pas ce calcul
mais il se sert de cet exemple pour donner ce conseil plus fondamental:
Quiconque s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé  (Lc 14,11).
Sous une autre forme, on retrouvera le même esprit
pour décrire le comportement des disciples (Mc 10,43-45):
Il n’en est pas ainsi parmi vous.
Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur.
Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous.

Cette consigne se trouve également en finale du passage de Matthieu
qui est parallèle à notre texte (Mt 23,11-12):
Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.
Quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé.

Et Jésus peut donner ce précepte à ses disciples parce que lui-même l’applique:
Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour la multitude
  (Mc 10,45).
Il s’agit donc bien plus que de consignes de savoir-vivre.
Jésus enseigne ce qui est fondamental à une vie en communauté
pour qu’elle soit une vie de communion entre tous: servir avec humilité.

Ceux qui dévorent les maisons des veuves et font comme prétexte de longues prières,
ceux-là recevront une plus grande condamnation.

Il faut se rappeler que la situation faite par la Tora aux veuves était peu enviable:
Lorsqu’un homme mourra sans laisser de fils, vous transmettrez son héritage à sa fille.
S’il n’a pas de fille, vous donnerez son héritage à ses frères.
S’il n’a pas de frères, vous le donnerez aux frères de son père.
Et si son père n’avait pas de frères,
vous le donnerez au plus proche parent qu’il aura dans son clan
  (Nb 27,8-11).
Ainsi la veuve ne pouvait hériter de son mari.
Comme les orphelins et les émigrés, les veuves devaient donc être aidées par la communauté.
C’est ce que demande la Tora:
Tu ne biaiseras pas avec le droit d’un émigré ou d’un orphelin.
Tu ne prendras pas en gage le vêtement d’une veuve.
Si tu fais la moisson dans ton champ, et que tu oublies des épis dans le champ,
tu ne reviendras pas les prendre.
Ce sera pour l’émigré, l’orphelin et la veuve….
Si tu gaules tes oliviers, tu n’y reviendras pas faire la cueillette;
ce qui restera sera pour l’émigré, l’orphelin et la veuve.
Si tu vendanges ta vigne, tu n’y reviendras pas grappiller;
ce qui restera sera pour l’émigré, l’orphelin et la veuve.
Tu te souviendras qu’au pays d’Égypte tu étais esclave et
que le Seigneur ton Dieu t’a racheté;
c’est pourquoi je t’ordonne de mettre en pratique cette parole
  (Dt 24,17-22).
Il est sans cesse rappelé, dans la Tora,
que ce devoir d’aider les veuves est semblable au geste de Dieu
lorsqu’il a libéré Israël du joug de l’Égypte:
Tu n’exploiteras ni n’opprimeras l’émigré,
car vous avez été des émigrés au pays d’Égypte.
Vous ne maltraiterez aucune veuve ni aucun orphelin.
Si tu le maltraites et s’il crie vers moi,
j’entendrai son cri, ma colère s’enflammera…
  (Ex 22,20-23).
Ce devoir d’aider la veuve est donc un devoir sacré,
analogue à celui de respecter la vie et de ne pas servir des idoles, comme le rappelle Jérémie:
Amendez sérieusement votre conduite, votre manière d’agir, en défendant activement
le droit dans la vie sociale: n’exploitez pas l’immigré, l’orphelin et la veuve;
ne répandez pas du sang innocent en ce lieu;
ne courez pas, pour votre malheur, après d’autres dieux
  (Jr 7,5-6).
On verra que les premières communautés chrétiennes veilleront à cette entraide:
En ces jours-là, le nombre des disciples augmentait
et les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux
parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien
  (Ac 6,1).
Il s’agit des convertis hébreux (venant du judaïsme)
et des convertis hellénistes (venant de peuples païens).
C’est ce besoin qui fera désigner 7 hellénistes (appelés les diacres)
pour assumer le service de partage auprès des veuves.
La lettre de Jacques rappelle que cet humble service est lié à l’amour de Dieu:
La religion pure et sans tache devant Dieu le Père, la voici:
visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse
  (1,27).
Que signifiait dévorer les maisons des veuves,
sinon, sans doute, de vider ces maisons de tout le nécessaire pour vivre?
On ne nous dit pas très précisément comment les scribes exploitent ces veuves,
mais il est clair que, sous prétexte de défendre les droits des veuves, ils les appauvrissent.
Il semble qu’il faille unir l’exploitation et les longues prières,
en traduisant: ils dévorent les maisons et font comme prétexte de longues prières,
plutôt que: ils dévorent les maisons et font en apparence de longues prières.
En effet la suite dit que ceux qui agissent ainsi auront une sévère condamnation.
L’Exode disait déjà que le cri de la veuve enflammait la colère de Dieu.
Exploiter les veuves sous des motifs religieux est effectivement un acte très grave
qui va à l’encontre de la volonté expresse de Dieu.
Mais faire semblant de prier ne peut pas être mis en parallèle avec ce geste criminel.
Le Testament de Moïse parlera de ces «hommes impies qui se prétendront justes.
Mangeurs des biens des pauvres, disant agir ainsi à cause de la justice
[c’est-à-dire de l’observance de la Tora]»
(in s. Légasse, L’Évangile de Marc**, Cerf 1997, p. 766).

Le portrait d’une veuve.
Sans aucun doute, Jésus ne veut pas décrire tous les scribes.
Le récit de Marc a d’ailleurs -peu avant- fait le portrait d’un scribe
que Jésus qualifie comme n’étant pas loin du règne de Dieu (Mc 12,34).
Le Talmud (un écrit juif) condamne de la même façon les croyants hypocrites
dont il donne quelques exemples:

  • ceux qui se glorifient de leurs bonnes oeuvres;
  • ceux qui ne cessent de calculer les mérites de leurs bonnes actions;
  • ceux qui font semblant de donner leur argent à des oeuvres de bienfaisance.

On peut penser que les récits évangéliques ont gardé ce portrait des scribes
tout autant pour expliquer le rejet de Jésus par ceux-ci
que pour dire aux disciples de Jésus ce qu’ils ne devraient pas être.
Le scribe est décrit comme l’exact contraire de ce que doit être un disciple:
quelqu’un qui vit dans le secret, pour ne pas chercher la gloire des humains,
et qui ne calcule pas ses mérites mais vit la générosité et la gratuité.
On a déjà ce portrait dans les conseils qui suivent les béatitudes en Matthieu:
Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les gens pour attirer leurs regards;
sinon, pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.
Quand donc tu fais l’aumône, ne le fais pas claironner devant toi,
comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues,
en vue de la gloire qui vient des hommes.
Amen, je vous le déclare: ils ont reçu leur récompense.
Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite,
afin que ton aumône reste dans le secret;
et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
Et quand vous priez,
ne soyez pas comme les hypocrites
qui aiment faire leurs prières debout dans les synagogues et les carrefours,
afin d’être vus des gens.
Amen, je vous le déclare: ils ont reçu leur récompense.
Pour toi, quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée,
et adresse ta prière à ton Père qui est là dans le secret.
Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra
  (Mt 6,1-6).
Ce portrait du disciple ne parle pas d’abord d’humilité.
Il trace la condition nécessaire pour que l’amour de Dieu et des humains soit vrai:
il doit être gratuit.
Chaque fois qu’on agit pour être vu, on détruit la gratuité du geste
et ce ne peut plus être un geste d’amour.
Cette gratuité est donc fondamentale pour que nos relations avec Dieu
et avec les autres soient des relations vraies.
Le portrait de la veuve vient dire ce que doit être un vrai disciple.
Il doit agir gratuitement, sinon il ne peut être en communion avec le Père divin.

S’étant assis devant la salle des troncs,
il se met à observer comment la foule dépose de la monnaie dans le tronc.

Dans le Temple, Jésus se trouve probablement assis
devant la salle où se trouvent les troncs destinés aux offrandes
et qui est attenante au parvis des femmes.
Il devait y avoir treize troncs près desquels se tenaient des prêtres.
Les donateurs ne déposaient pas eux-mêmes leur argent.
Ils devaient déclarer au prêtre la destination de leur don,
qui était déposé dans un tronc correspondant à cet usage.
Cette façon de faire encourageait sans doute des dons importants,
qui n’étaient pas forcément le fruit d’une vraie générosité
mais plutôt le désir d’être vus et de se faire valoir.
Certains groupes religieux connaissent encore aujourd’hui de telles pratiques:
lors de l’assemblée de prière, on annonce haut et fort le montant du don de chaque fidèle.
Au Temple, les dons sans destination spéciale étaient déposés dans le treizième tronc
pour financer les holocaustes, les sacrifices d’animaux offerts en louange à Dieu.
Cette pratique explique que Jésus ait pu connaître la valeur des dons offerts.
Contrastant avec les nombreux riches déposant de nombreuses pièces d’argent,
une seule veuve va offrir plus qu’eux tous.
C’est ainsi que Jésus qualifie son offrande.
Pourtant son offrande ne représente qu’une très modeste somme:
c’était le 8e de la ration quotidienne distribuée chaque jour aux pauvres:
le 16e d’une journée de salaire.
Jésus dit que cette somme représentait précisément
ce qui était alloué aux indigents pour survivre.
Ce sont donc ses propres moyens de survie que cette pauvre veuve a donnés.
En quoi représentent-ils plus que les sommes des riches?
Il me semble qu’on peut retrouver encore ici la question de la gratuité.
Car l’opposition n’est pas entre donner beaucoup ou donner peu,
mais en ce que les riches déposent de leurs superflus
-ils ont calculé leur don et cela ne mettra pas en danger leurs besoins quotidiens-,
alors que la veuve -au contraire- n’a pas calculé: elle donne généreusement.
Le don qu’elle fait est le signe de son amour vrai du Seigneur.
Le don des riches est un don calculé pour se mériter les éloges des humains.
Il ne peut pas être agréé par Dieu car il n’est pas un geste d’amour vrai.
Les riches se méritent le reproche de Jésus aux Pharisiens (Lc 16,15):
Vous êtes, vous, ceux qui se donnent pour justes devant les humains,
mais Dieu connaît vos coeurs.
Ce qui est le plus haut pour les humains est objet de dégoût devant Dieu.

Le don de la veuve est un don tout entier d’elle-même
-comme une réponse de tout son coeur à l’amour de Dieu pour elle-
et il est fait dans le secret.
La parabole du Jugement dernier montre bien ce qu’est le signe d’un amour vrai:
qu’il soit fait sans chercher d’abord à plaire ou à Dieu ou aux humains,
et qu’il soit un geste purement gratuit.
Dans cette parabole du Jugement, le geste est d’autant plus gratuit
qu’il s’adresse à des gens dont la situation sociale est telle
qu’on ne peut rien attendre d’eux en retour:
les pauvres, les malades, les prisonniers.
Alors les justes lui répondront: «Seigneur, quand nous est-il arrivé
de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire?
Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir?
Quand nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison, et de venir à toi?»
Et le roi leur répondra:
«Amen, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits,
qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait
  (Mt 25,37-40).

Une double leçon peut être tirée de ce passage.

  • D’abord le vrai disciple de Jésus est décrit sous les traits d’une femme
    et d’un être pauvre.
    Cela est dans la logique de l’enseignement de Jésus et du meilleur de la Tora.
    C’est un être sans droit (comme sont les veuves, les orphelins, les enfants)
    qui représente celui qui comprend le mieux la gratuité de l’amour.
    Celui qui n’a pas de droit, n’ayant rien à défendre et à échanger,
    est souvent plus prêt à tout donner, à se donner. C’est-à-dire à aimer.
    Cela est dit dans la première des béatitudes (Lc 6,20):
    Il sont sur le chemin du bonheur les pauvres, car le règne de Dieu est pour eux.
  • Mais il y a peut-être une autre leçon.
    De la même manière que Jésus condamne le scribe
    -qui dépouille les veuves de leurs biens
    alors que leur devoir sacré est au contraire de les assister-,
    de même Jésus condamnerait cette pratique religieuse du Temple
    qui dépouille la veuve de ses moyens de survie au profit des sacrifices du culte.
    Cela ferait écho aux prophètes.
    Ainsi parle le Seigneur-Dieu en Isaïe:
    Que me fait la multitude de vos sacrifices, dit le Seigneur-Dieu?
    Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié.
    Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’en veux plus.
    Quand vous venez vous présenter devant moi,
    cessez d’apporter de vaines offrandes:
    Vous avez beau multiplier les prières, je n’écoute pas:
    vos mains sont pleines de sang.
    Lavez-vous, purifiez-vous. tez de ma vue vos actions mauvaises,
    cessez de faire le mal.
    Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, mettez au pas l’exacteur,
    faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve
      (Is 1,11-17 passim).
    Jésus s’est inspiré de la parole de Dieu qu’on trouve dans le prophète Osée:
    J’ai aimé la bonté, et non le sacrifice,
    et [j’aime] la connaissance d’amour de Dieu plus que les holocaustes
      (6,6).
    Aussi il n’a cessé de répéter que la miséri-corde
    (la bonté d’un coeur sensible à la souffrance [la misère] de l’autre)
    est plus importante que les offrandes du culte.
    Lors de son action contre le Temple,
    Jésus s’est insurgé du fait que ce soit devenu une maison de commerce.
    Les récits synoptiques illustrent le fait par une citation de Jérémie:
    Cette Maison sur laquelle mon nom a été proclamé,
    la prenez-vous donc pour une caverne de bandits?
    (Jr 7,11).
    Caverne de bandits, que le récit de Jean traduira maison de trafic  (Jn 2,16).
    On verrait mieux ainsi le lien entre les deux portraits des scribes et de la veuve.
    «Jésus ne peut tolérer qu’au lieu de nourrir les veuves,
    ceux qui prétendent être la voix officielle de Dieu les réduisent à la famine.
    Au lieu d’être nourrie par les contributions faites au Temple,
    la veuve jette «tout ce qu’elle avait pour vivre» dans le trésor.
    Jésus ne peut tolérer que le Père, connu comme «défenseur des veuves»
    ,
    soit transformé en vampire qui les saigne à blanc»
    (A. Maggi, Comment lire l’Évangile sans perdre la foi, Fides 1999, p. 151)
    .

La leçon des scribes et de la veuve vaut encore aujourd’hui,
tant au plan personnel qu’au plan collectif.
Les pays pauvres de notre monde sont sans défense et sans droit,
car ce sont les riches qui fixent le prix des matières premières qu’ils leur achètent.
Au Brésil, il faut 4 heures de travail pour acheter une livre du café que le pays produit.
Au Québec, il faut seulement une demie-heure de travail au salaire minimum
pour payer la livre de café qui nous vient du Brésil.
Alors, posons-nous cette question:
lorsque Jésus porte son regard sur nous, que voit-il: le scribe ou la pauvre veuve?

Georges Convert

 

»»» Questions

1. Quelle est la prescription fondamentale donnée par Jésus pour vivre en communauté?
2. Pourquoi Jésus opposent-ils la conduite des scribes et celle d’une pauvre veuve?
3. Jésus parle-t-il d’humilité ou de gratuité?
4. Comment vivre aujourd’hui la leçon que la miséricorde est plus importante que le culte offert à Dieu?

 

  1. Darowski Gilbert

     » Comment vivre aujourd’hui la leçon que la miséricorde est plus importante que le culte offert à Dieu ?  »

    Ai-je de la miséricorde dans mon cœur ? Personnellement je ne sais pas si j’en ai, sauf, bien sûr si le Seigneur rempli mon cœur de miséricorde. J’ai appris que sans Lui je ne peux rien faire. Voilà ma foi ! Sans Lui je ne peux rien faire. C’est à partir de cette petite prise de conscience, que la notion de culte intérieur s’est faite jour en moi. Prier le Seigneur de changer mon cœur, c’est déjà me reconnaître pêcheur. C’est désirer devenir un homme nouveau libéré des convoitises de ce monde, et de l’envie de paraître ce que l’on n’est pas. Se rendre disponible à recevoir la miséricorde du Seigneur et la partager autour de moi, c’est possible selon mon culte intérieur. Alors aller à l’église tous les dimanches est-il plus important que le culte intérieur ? Je crois que les deux sont complémentaires. Ce qui handicape c’est de vivre l’un sans l’autre. Alors oui la pauvre veuve est véritablement une femme nouvelle en Jésus Christ notre Seigneur.

    Gilbert Darowski.

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