Porter le masque comme on porte le drapeau

Jean Binette nous propose aujourd’hui une lecture d’actualité sur le port du masque contre le coronavirus.
Une chronique écrite par Stéphane Laporte :


Vous étiez déçus parce qu’il n’y avait pas de drapeaux du Québec, lors du grand spectacle de la fête nationale. Ça manquait de ferveur. De patriotisme. Vous avez besoin d’exprimer votre amour de la nation. Très bien. C’est le temps. Portez le masque.

Durant les prochaines semaines, le masque, c’est le drapeau du Québec. L’étendard de notre solidarité. Le bout de tissu qui démontre que l’on tient les uns aux autres.

Peu importe sa couleur, ses motifs, sa forme, qu’il soit bleu, blanc, rouge, noir ou à carreaux, qu’il vous décolle les oreilles, vous aplatisse le nez ou fasse de la buée dans vos lunettes, chaque masque porté est un fleurdelisé. L’union d’une nation. Le geste qui prouve que l’on veut le meilleur pour chaque Québécoise, pour chaque Québécois. Pas juste pour soi, mais pour toi et moi.

Gens du pays, c’est votre tour de vous prouver votre amour.

À partir d’aujourd’hui, le port du masque est obligatoire dans les lieux publics fermés ou partiellement couverts, pour les personnes de 12 ans et plus. Il l’était déjà dans les transports en commun.

Pourquoi ? Pour que les postillons que l’on projette se rendent le moins loin possible. Pour ne pas contaminer son prochain. Et pour nous protéger nous-mêmes, un peu.

Je sais, ce n’est pas pratique. Je sais, c’est achalant. Ça pique. Mais par rapport au fait d’être intubé aux soins intensifs, c’est une petite douceur. Il y en a que ça brime. Que ça atteint dans leurs droits. Ils ne veulent pas être muselés. Ni au propre ni au figuré. Ils en font une question de liberté. Pourtant, être libre, ce n’est pas être irresponsable. Ce n’est pas se foutre des autres. Au contraire.

Personne n’est une île. Si on existe, c’est parce que deux amoureux ou deux écervelés ont décidé de nous donner la vie. Et si on est qui ont est, c’est à cause des dizaines de proches et de lointains qui nous ont appris, aimés, aidés et déçus.

La liberté n’est pas un plaisir solitaire. C’est une activité de groupe. Qu’il faut défendre.

Ce qui menace notre liberté, en ce moment, ce n’est pas le règlement, c’est la maladie. C’est le virus. Qui a déjà causé la perte ou le malheur de trop de gens. Pour protéger notre liberté, nous devons nous masquer. Comme les héros. Les héros portent des masques. Batman. Spider-Man. Et surtout, celles et ceux qui travaillent dans les hôpitaux. Il faut faire comme elles. Il faut faire comme eux. Si on veut qu’ils continuent de nous sauver. Il faut les aider à nous aider.

Je sais, ça nous donne un air bizarre. On fait son épicerie comme si on déambulait à Tchernobyl. Mais il ne faut pas se laisser impressionner. Au lieu de vous croire dans un film apocalyptique, dites-vous que vous êtes dans une bande dessinée. Les Dalton au supermarché. Si vous êtes bourru, prenez-vous pour Joe, si vous êtes béat, prenez-vous pour Averell. Mais ne partez pas sans payer ! Vous allez finir comme eux : en tôle et démasqués.

Arrêtons de nous regarder apeurés. Ce n’est pas parce que notre bouche est cachée qu’on ne peut pas se sourire. Des yeux, ça sourit aussi. Des yeux, ça dit tout ce que l’on veut.

Disons-nous bonjour. Disons-nous merci. Chaque personne masquée est une alliée.

Si vous êtes un tout nu du bas de la face, il ne faut surtout pas insulter ceux qui ont le visage habillé. C’est pour votre bien qu’ils endurent des élastiques sur les oreilles. On n’est pas pour se diviser pour ça. Les non-masqués contre les masqués, il ne faut pas que ça devienne Canadien-Nordiques. Cette fois, il faut comprendre qu’on joue tous dans la même équipe. Celle qui veut gagner. Qui veut vaincre la COVID-19. Pour éviter de connaître la suite : la COVID-20, la COVID-21, la COVID-22.

On ne doit pas non plus haranguer les récalcitrants. On doit leur demander calmement de faire un petit effort. Même si ce n’est pas facile. Il y en a qui, par nature, contestent tout. Qui, à un dîner en blanc, arrivent vêtus de noir. Mais là, ce n’est pas une question d’originalité. De marginalité. D’esprit rebelle. C’est une question de vie ou de mort. Ce n’est pas un jeu de gentil organisateur dans un Club Med.

Si on porte le masque, c’est pour éviter le pire. Souvent, c’est plate, faire comme tout le monde. Mais dans ce cas-ci, c’est beau. Parce que c’est plus que faire comme tout le monde. C’est penser à tout le monde. Et ça, c’est aussi rare que gratifiant.

Porter le masque comme on porte le drapeau. Fièrement. Parce que le pays nous concerne. Parce qu’on veut qu’il aille de l’avant. Sans que personne ne tombe dans ses rangs. Portez-le bien haut. Mais pas trop. Sur le nez. En bas des yeux. Pour regarder droit devant. En espérant qu’on viendra à bout le plus rapidement possible de la cochonnerie qui nous oblige à nous cacher les narines et les dents.

Bonnes vacances de la construction ! Passez-les dehors, la plupart du temps. Là où l’on peut respirer le vent. Et sentir le soleil caresser nos joues. Sans masque. Et sans crainte. En restant à deux mètres des citoyens rencontrés. Ce qui n’est pas un problème, le Québec est si grand.

Stephane Laporte

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