Mon grain de sel

Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 29 janvier 2017

par Mario Bard.

Recommencer à respirer

Est-ce que cela peut arriver que nous manquions de souffle? Je me le demande, car, en ce qui concerne la recherche du bonheur, notre époque est championne. Alors que, paradoxalement, le nombre de personnes traversant des dépressions, des fatigues liées au surmenage ou bien le manque de sommeil sont très importants.

Comme si, dans la recherche du bonheur matériel, nous avions oublié l’essentiel : d’abord respirer pour mieux aimer. Le char, la maison, le voyage au Mexique, la chaîne stéréo dernier cri… tout cela prend toujours une très grande place dans le système de valeur. L’utilisation de techniques enseignées par les grandes traditions spirituelles – apprendre à respirer, apprendre à mieux contrôler ses postures, réciter des mantras, etc. – – ne semblent pas avoir un effet monstre. Oui, elles font du bien pour un temps. Mais elles ne règlent rien concernant les valeurs plus profondes que nous voulons vivre.

Les valeurs matérielles dominent toujours. L’illusion du bonheur fait des victimes. Plusieurs tombent au combat, essayant eux aussi d’êtres des privilégiés du dieu nommé argent. Comment ne pas succomber à l’appel de ces sirènes malfaisantes? Tel Ulysse, nous devons apprendre à résister.

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Qui dit résistance, dit souvent révolution. Mais, loin de faire évoluer les choses, plusieurs révolutions de l’histoire ont souvent la mort violente dans leurs bagages. En France, le règne de la terreur cède le pas à l’enthousiasme du départ et à peine dix ans après la prise de la Bastille, un empereur petit de taille nommé Napoléon crée l’émoi…

Dans les pays qui ont vécu la « révolution communiste », le désœuvrement a suivi les élans des lendemains qui chantent. L’illusion du camarade parfait, de la rééducation, des chefs ouvriers, finalement tout aussi riches que les magnats occidentaux de la finance…

Dans le monde post-moderne occidental qui est le nôtre, la révolution néo-capitaliste commence à faire des victimes : la classe moyenne qui, si elle pensait enfin avoir accès à du temps pour la famille, l’éducation, les loisirs et des vacances reposantes, doit plutôt travailler plus fort pour atteindre un certain niveau de confort. Et, depuis près de 15 ans, les études démontrent l’écart grandissant entre les très riches et les très pauvres.

C’est une révolution violente, car le nouveau dieu nommé argent fait des ravages. Il nous illusionne, comme si nous devions accrocher toutes nos vies à ces pièces et feuilles de papier gentiment imprimées pour nous faire croire au pouvoir, au bonheur. Au départ noblement pensé pour échanger entre nous, l’argent est devenu le dieu qui domine toutes les conversations. On oublie d’aimer tellement on aime notre compte en banque.

Pris dans l’étau, plusieurs membres de notre société ne demanderaient pas mieux que de sortir d’un système qui ne privilégie que les plus méritants, c’est-à-dire, ceux qui ont appris à faire de l’argent, peu importe comment. Et à la garder à l’abri de tout partage…

On oublie de respirer dans tout cela. On oublie de s’arrêter : il faut nourrir la bête.

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Aussi pessimiste soit mon billet de cette semaine, autant en relisant l’Évangile, je me dis qu’il y a de l’espoir. Le Dieu de l’Évangile nous demande d’abord de commencer par marcher dans les traces du bonheur, une à la fois et en toute liberté. Apprendre à respirer avec le souffle de Dieu, c’est apprendre à faire fi des systèmes et des faux dieux qui domine et illusionne. Intérieurement, le courage de changer les choses, d’abord en sa vie puis autour de soi, prend place.

Apprendre aussi une autre chose : que la marche n’est jamais terminée. Une illusion féroce est que nous avons atteint ce qu’il faut pour être heureux et que nous pouvons finalement nous arrêter.

Jamais nous n’arriverons si nous nous arrêtons en chemin. Logique. Arrêter de marcher, c’est comme arrêter de respirer. Nous devenons morts, sinon immobiles avant le trépas. Se remettre à marcher pour que le Dieu de l’Évangile, par les béatitudes, cette nouvelle Torah, c’est revivre et reprendre souffle.

Il fallait que je l’écrive pour recommencer à respirer. Amen.

Mario Bard

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