Mon grain de sel

Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 26 janvier 2020

par Mario Bard.

D’abord, savoir qu’Il m’aime

Ose-t-on encore annoncer l’Évangile? La question se pose à l’heure où le découragement et la rage sont au rendez-vous dans nos Églises. En France, le procès de l’ex-prêtre Bernard Preynat s’est terminé le vendredi 17 janvier 2020.

Une information donne le tournis; une centaine d’enfants auraient subi des agressions sexuelles de sa part, et ce, sur une période de 20 ans. Mais, le compte serait beaucoup plus lourd, l’ancien prêtre ayant admis qu’il pouvait abuser d’enfants – tous différents! – presque 6 fois par semaine, dépendant de la période de l’année. Un procureur a fait le compte : ce serait entre 3000 et 4000 enfants qui auraient ainsi subi des agressions.

Une hiérarchie molle et préoccupée de son propre honneur plutôt que par le bien-être des victimes – des êtres humains – a fait plus de mal en ne choisissant pas d’abord d’affronter la vérité. Dans cette affaire mondiale que représente la crise des abus dans les Églises – sexuels, psychologiques –, le Peuple de Dieu est passé par toutes les gammes d’émotions. De l’incrédulité à la colère, en passant par la tristesse et le découragement, il cherche à comprendre et se demande comment continuer. Car, lorsqu’on a goûté à la joie de l’Évangile et que l’on a eu la chance de grandir dans des communautés chrétiennes vivantes et heureuses, sans que des tragédies de cet ordre surviennent, il est difficile de quitter l’Église.

Par contre, la question se pose toujours et quand même : comment continuer? Comment affronter les regards de ceux qui nous disent de quitter une institution qui ne semble être que minée par la gangrène? 

Avouons-le : continuer est difficile et affronter les regards demande de faire la vérité en soi-même.

Je veux continuer. Mais, je désire que les communautés chrétiennes deviennent de vraies communautés et non pas seulement des lieux de socialisation ou le bien paraître l’emporte sur ce que tout un chacun vit au quotidien : peine, joie, colère, injustice, sérénité, apaisement, etc. Ces sentiments sont ceux de l’humain. Certaines communautés lui préfèrent des produits de leur imagination. Des surhumains qui jugent les autres, les condamnent et, qui pendant qu’elles déblatèrent sur la société des tas de pontifes, oublient leurs cours… Elles oublient de pratiquer l’accueil et la miséricorde. Si elles ne le font pas entre-elles, comment y arriveront-elles dans la société ?

L’être humain est le cœur, le destin de l’Évangile; ce Livre sacré désire d’abord être une Parole agissante, un baume d’amour qui agit cœur de nos fissures et de nos failles humaines. Déconnectés par des années d’apprentissage savant et organisé, des membres ont appris à d’abord protéger l’institution au lieu d’en faire un lieu d’accueil. Le pape François est tout à fait juste quand il dit que l’Église est un hôpital de campagne. Il rappelle que nous ne sommes pas non plus des travailleurs sociaux et que l’accueil inconditionnel prime sur la construction d’une société où tous seraient de petits robots pareils.

Quand nos communautés chrétiennes arrêtent d’êtres des lieux habités par l’Action de la Parole et qu’on lui préfère une annonce organisée, mais sans passion, une annonce juste, mais sans conviction, il est bon de se poser la question : sommes-nous devenus fonctionnaires de Dieu, mais qui au final, ne servent que leur propre intérêt et leurs propres égoïsmes. Certes : il n’est pas facile de laisser le Règne de Dieu être accomplie en soit. Mais, ce Règne qui un jour nous a touchés au plus profond du cœur, il ne peut rester dans les tréfonds de nos âmes sans crier sa soif de nourrir l’humanité d’accueil inconditionnel, de l’apprentissage de la miséricorde, et de ne plus avoir peur. La peur est une bien mauvaise conseillère. Avoir peur d’accomplir le Règne des Cieux, quand il a touché notre cœur, c’est comme arroser une fleur sans lui donner de lumière. Les racines vont pourrir faute de chaleur et la plante ne pourra réaliser la photosynthèse nécessaire à son épanouissement.

Oser accomplir le Règne de Dieu, contre vents et marées, délicatement, patiemment, en écoutant d’abord Celui qui peut tout me redire des mots d’amour. Oser croire qu’il me choisit. Non comme un orgueilleux qui pavane son élection. Mais plutôt pour servir. Jusqu’à la croix.

Mario Bard

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