Mon grain de sel

Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 10 mai 2015

par Mario Bard.

Une amitié en signe de miséricorde

L’un des éléments dont parle régulièrement la communauté œcuménique de Taizé en France est la confiance. Et pour en arriver à l’amitié, elle est essentielle. Pourtant, il arrive que les amitiés soient mises à rude épreuve. Le passage du temps, l’éloignement, les changements de valeurs, les commérages… On voudrait garder une amitié pour la vie, mais on peine à tenir le coup sous la pression d’une société performante, où finalement, il est interdit de se tromper… même en amitié!

Ce qui fait que les « Tu seras mon ami pour la vie » ou encore « À la vie à la mort » est parfois compromis par notre désir de briller, de devenir un gagnant et donc, de faire table rase des irritants. Un ami n’est jamais parfait. Tout comme nous d’ailleurs. Mais, nos yeux sont embués par la volonté de perfection morale. Elle devient obsédante, hautaine, peu encline à la miséricorde et au pardon. Nous voulons notre indépendance d’une pomme pourrie. Elle est dangereuse pour toute la boite, il faut l’éliminer, la rejeter…

Alors, quand Ieshoua parle avec autant de conviction de l’amitié, on peut d’abord douter. Après tout, il est invisible, il ne se manifeste pas à tout le monde de la même manière, et parfois, des gens affirment qu’il ne se manifeste pas du tout à eux. Ils ont beau prier, chanter, quémander un peu d’amour, rien n’y fait. Rien. Le silence glacial.

Ce choix que le Dieu fait humain adopte est difficile à comprendre. Un vrai mystère.

Par contre, pour ceux et celles qu’il choisit et qui ressentent effectivement son Esprit, la barre est haute. Il donne son amitié sans réserve, et s’attend à ce que nous la donnions à ceux et celles qui ont besoin d’un ami. Laid, beau, hypocrite, sans ressource, multimillionnaire, pauvre, endettés, nommons toutes les conditions que nous connaissons. Humainement, elles sont toutes présentes. Au Fils et Fille de Dieu, il donne et quémande cette amitié, pour qu’à notre tour, nous soyons prêts à aimer sans réserve.

C’est pourquoi nous ne devrions jamais considérer notre condition de sauvés comme un privilège à couronner d’un orgueil démesuré. Une croix dans le cou devrait être le symbole de celui ou celle qui a su accueillir la miséricorde et qui accueillera avec miséricorde.

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Le pardon forge-t-il l’amitié? Peut-être. Mais qu’est-ce que l’amitié? Au sens du Christ Ieshoua bien sûr… D’abord, il me semble que c’est un mystère de don entre deux personnes qui ressentent en elles des valeurs communes. Un mystère de partage d’une âme à une autre.

Dans le Christ Ieshoua, en plus de ces aspects essentiels à la relation, cette amitié permet de bâtir une meilleure société, marquée de plus en plus d’humanité. L’une de ces marques est le pardon. Certes, difficile. Après tout, le pardon véritable est un chemin, un processus – lent ou rapide – qui n’est pas la négation du mal que l’on a subi ou encore, qui n’est pas un acte de pouvoir sur l’autre.

Le pardon… C’est chercher le meilleur pour l’autre. Pour soi aussi. Peut-être… C’est d’arriver, dans une fragilité extrême, à réaliser la justice et la paix. Pour que ce geste ait une véritable portée, il doit être réalisé dans une conscience extrême de qui nous sommes, et de quoi nous sommes faits, pétris.

N’oublions pas que, croyants ou non, nous portons en nous les semences d’une bonté qui ne disparait pas. Elle a pu subir les affres du temps et avoir besoin qu’on souffle sur ses braises. Mais, et Ieshoua, et Dieu et l’Esprit Saint y croient probablement plus que nous; elle est toujours présente en nous. Les chrétiens sont appelés à devenir des allumeurs de cette bonté.

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Chaque jour, comment puis-je me dessaisir de ma vie et la donner à mes amis? Quelles sont les étapes à suivre pour arriver à être un donneur de vie?

Peut-être d’abord, par la visitation de nos propres terrains intérieurs. L’acceptation de nos ilots de nuit. Chaque jour, laisser pénétrer un peu plus la lumière de l’Évangile sur ces endroits de ténèbres. Faire attention à la lumière éblouissante, elle dévore souvent.

Laisser tomber doucement ces rayons de lumière au cœur de notre mal, et les laisser nous guérir.

Voilà l’une des recettes que je connais – au meilleur sens du terme – pour marcher de plus en plus comme un disciple du Christ Ieshoua, et pour devenir apôtre de sa vie, en toute miséricorde.

Mario Bard

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