Mon grain de sel

Grain de SelMon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 30 août 2015

par Mario Bard.

Être pur, ou l’art de savoir se salir

Qu’est-ce qu’être pur? La question me hante depuis que, il y a plusieurs années, des personnes m’ont dit qu’elles me trouvaient pur… Ah bon? Et quels sont les motifs de cette pureté inattendue? Ma lenteur teintée de naïveté qui me donne toujours un retard de cinq secondes sur tout le monde? Ou encore, ma propension à avoir un peu trop de générosité envers les personnes qui me demande quelque chose?

La pureté chrétienne, qu’est-ce que c’est? Si la Vierge Marie est, pour plusieurs croyants, l’exemple d’une pureté idyllique qu’il faut atteindre à tout prix, d’autres considèrent qu’elle est tout simplement inatteignable. Un « monstre de perfection » qui ne permet pas aux pauvres êtres humains que nous sommes de devenir saints. Vaut mieux alors abandonner.

Pourtant, l’Évangile d’aujourd’hui parait dire autre chose sur la pureté. Elle n’est pas cette blancheur virginale originelle. Le seul chemin pour rejoindre le cœur de Dieu semble plutôt se situer ailleurs; les rituels, les lavements, les liturgies censées sauver l’être humain… tout cela ne peut avoir de sens si le cœur de l’être humain demeure rempli de tout ce que Ieshoua indique dans l’Évangile d’aujourd’hui.

Mais alors, comment se débarrasser de ces immondices qui peuplent notre âme? Quels chemins prendre quand ils montent en nous et transforment la meilleure volonté en sentier abrupte, comme sur une montagne éternellement trop haute?

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Les années 50 : Âge d’or de la pureté banlieusarde parfaite. Le rêve américain « apothéose » — permettez-moi d’en faire un verbe – son désir de société parfaitement pure… Leonard Bernstein a d’ailleurs bien ressenti toute l’aliénation que cette construction de l’esprit allait créer chez une génération.

Trouble in Tahiti, un opéra moderne présenté avant son classique West side story, reflète cette idéologie d’un monde parfait qui se reflète par la parfaite « petite maison blanche » dans un lieu qu’il nomme ironiquement « suburbia ». L’ennui d’une femme ménagère censée (et sensée!) représenter la perfection féminine reflète bien où mène cette recherche de pureté. Un moule dans lequel seuls les plus forts, ou ceux auxquels cette vie convient finissent par se sortir sans trop d’égratignures.

Pour le reste? Chicane de famille, cachée devant les voisins par une devanture parfaite et un garage aussi propre que la cuisine. Ou encore pire; les secrets de famille que peuvent être l’inceste, une personne qui boit trop ou un conjoint, une conjointe malade et qui ne peut plus montrer la perfection familiale. L’utopique pureté s’écroule tous les soirs dans un lit maculé de cauchemars et d’insomnie, attendrie par des pilules pour dormir.

Loin d’être le paradis, suburbia ressemble à un enfer aussitôt qu’on s’éloigne du fantasme imaginé par les promoteurs du rêve américain. La pureté de cette petite maison blanche n’est même pas une utopie tant elle confond le bonheur et la joie. Une pureté occidentale illusoire… mais lucrative pour ses promoteurs.

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Aucune issue possible? J’en doute.

Si je peux être parfois d’un cynisme fataliste déconcertant pour moi-même, je vous assure que je porte en moi les germes d’espérance qui me permettent toujours de penser, de croire même, qu’on peut atteindre un coin de notre cœur qui soit meilleur.

Par contre, pour y arriver, la pureté fantasmée est illusoire. Pour y parvenir, Ieshoua de l’Évangile ne demande qu’un élément; la confiance en l’Homme et la Femme debout. Qu’est-ce que cela veut dire? J’ai l’intuition que le monde ne se construit pas en fantasmant des idéaux inatteignables, mais en donnant les outils, les espoirs et l’accueil à tous.

La pureté d’un cœur – qui nous permet éventuellement de « voir Dieu » comme le promet la béatitude – s’atteint alors petit à petit. Lorsqu’on accepte d’entrer dans les actions dont Ieshoua nourrit la Vie : guérison, pardon, miséricorde, accueil des plus petits. En rotation; pour soi, pour les autres, avec Dieu. Une bienheureuse trinité qu’il nous faut apprendre, me semble-t-il, tous les jours.

Oh, et pour Marie? Sa pureté virginale, disputée par les théologiens d’aujourd’hui, ne surpassera jamais son « Oui » à la trinité. Un oui qui, petit à petit, l’ouvre elle aussi au cœur d’un Dieu « … lent à la colère et plein d’amour. »

Mario Bard

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