Mon grain de sel, sur l’Évangile du dimanche 6 novembre 2016
par Mario Bard.
Malgré la mort, malgré la révolte, choisir la vie
La mort m’a beaucoup visité cette année. D’octobre 2015 à octobre 2016, des êtres chers m’ont quitté, et autour de moi, des gens ont perdu leur père, leur mère. En octobre, j’ai d’abord perdu petite Mathilda, une chatte de neuf ans, devenue leucémique et aveugle, et dont les vétérinaires ne pouvaient assurer aucun traitement efficace. Résigné, j’ai dû lui donner un avenir meilleur. Puis, neuf mois plus tard, mon père.
La comparaison peut sembler grosse. Une petite chatte – à peine plus grosse qu’un chaton – part. La maison est vide de ses miaulements, de sa façon de dire merci pour la vie. Et ses peurs de l’étranger ont façonné les neuf dernières années de ma vie. Je ne peux faire autre chose que de pleurer et d’espérer qu’une petite âme aussi gentille, puisse survivre quelque part dans un au-delà joyeux, heureux, remplit de paix.
Puis, mon père… La révolte fut grande. Pourquoi? Lui, le survivant qui a appris à ne pas laisser la mort lui ravir sa vie ici-bas. Lui, le survivant qui, au fil des ans, a toujours déjoué le couperet de la mort qu’un cœur malade peut imposer. Lui qui, paradoxalement, attendait ce passage avec une plus grande ferveur ces dernières années, un nouveau détachement.
Une nuit lorsque je le veillais, j’ai dû me rendre à l’évidence. La croix installée dans la chambre d’hôpital, avec dessus un Christ ressuscité, ne m’était d’aucun réconfort. La théologie, la croyance – que dis-je, la foi! – en la résurrection, du passage de la mort à la vie n’avaient aucune prise sur moi. Ni même le CD de Taizé – Music of peace and unity – acheté pour passer à travers ce temps de soins palliatifs
La révolte de voir mon père diminué et ne sachant plus trop où il était; la fatigue d’une nuit, étant couché dans un fauteuil d’hôpital; ma maman qui, elle aussi, se sent désemparée. Tout cela concourt à faire de cette nuit, censée représenter un soutien vers le passage de la mort à la vie, un cauchemar.
Parce que la révolte s’empare de mon cœur. Comment la vie peut-elle s’arrêter? Pour la première fois de ma vie, ma foi chrétienne en la résurrection est annulée, nulle part, enchevêtré dans un méli-mélo de pensées. Pourquoi doit-on absolument passer par ce couloir de la mort à la vie? Pourquoi faut-il passer par là afin de vivre pour toujours?
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Dans un monde où la science est devenue une nouvelle religion et la pensée scientifique – prouve-le-moi — bien ancrée chez une majorité de personnes, le mystère posé par la mort reste entier. De ceux et celles qui voient des fantômes partout, à ceux et celles qui refusent obstinément de croire que l’âme continue de couler sa vie après la mort physique.
Ieshoua a choisi son camp.
Le Dieu des vivants ne peut laisser mourir une âme qui espère la vie. Le Dieu des vivants nourrit pour toujours l’âme qui croit en lui. Le Dieu des vivants ne veut pas vivre seul, il espère l’amour donné, et il veut aussi le recevoir.
Le Dieu des vivants se révolte de la souffrance, mais espère l’humain chez lui, dans un Règne meilleur.
Ieshoua a choisi son camp.
Il mourra d’amour, une vie donnée, alors qu’il aurait bien pu aller se cacher en Galilée, dans le désert de Judée, ou bien chez des païens qui croient en sa parole et en ses actions donnant la vie. Ieshoua n’a pas peur de vivre. Il désire vivre! Mais, les chefs religieux de son temps, en amour avec leur intelligence et l’adoration des Écritures lues de manière littérale, ont décidé de lui donner la mort.
Il dérange les habitudes, il aime trop. La paresse d’une vie bien rangée est dérangée par la bonté trop grande d’un homme qui ne croit pas que l’argent, les sacrifices et les règles suivies à la lettre sauveront l’être humain. Dieu n’est pas le Dieu des morts… il est Dieu des vivants.
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Aujourd’hui, je vis dans l’espérance que mon papa est bien vivant, dans ce monde du Dieu vivant. Une âme qui coule avec les autres, qui ont aussi choisi d’abord d’aimer. Je me révolte toujours de la souffrance. Je me bats pour qu’elle cesse. Mais, le passage de la mort à la vie demeure. Mystère inéluctable qui nous laisse, vivants d’ici-bas, toujours bouche bée.
Redevenir enfant, et grandir et souffrir, et mourir avec toi, Dieu d’amour. « Un matin d’été »*, mon père est mort. Mais, tout de suite, son souffle – je le crois – s’est envolé vers Dieu le Père. Un amour est né…
Mario Bard
*Un matin d’été, adaptation d’une chanson de Neil Diamond dont je ne retrouve pas le titre.
(1971, album Comme un soleil, Nana Mouskouri).
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