Portraits selon Luc: l’enfant prodigue

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Au début du mois de décembre dernier, nous sommes entrés dans l’année liturgique C, celle consacrée à l’évangéliste Luc. Cet évangile présente une grande abondance de paraboles, celles parmi les plus citées dans les cercles des assemblées chrétiennes. Le texte de Luc met en scène des lieux de rencontre où se tissent des relations. La Bible nous parle de l’Alliance. Une alliance que Dieu cherche à établir avec les humains et invite ces humains à faire de même les uns avec les autres. C’est découvrir un évangile qui est assez près de nous, citoyens urbains du 21e siècle.

Chez Luc, le Royaume est présenté comme un dynamisme. Il faut se dépoussiérer de notre vieille image de Dieu et accepter d’entrer dans ce dynamisme. Un dynamisme qui nous propose d’entrer en relation et de prendre  la responsabilité d’entretenir cette même relation. Jésus n’est pas venu nous apporter un code pénal qu’il faut apprendre à réciter et appliquer. Il est davantage venu pour établir une relation. Il est avec, donne sa miséricorde, libère, relève, accompagne. Il nous invite, après nous avoir mis en contact avec la miséricorde, avec le don, d’entrer dans la danse, afin, qu’à notre tour, nous devenions créateur d’un dynamisme d’alliance.

À la suite de la semaine dernière, nous vous proposons ce dimanche un deuxième portrait, afin de vous démontrer cette même dynamique à l’œuvre dans l’évangile de Luc.

Bonne lecture!


Le retour de l’enfant prodigue

par Étienne Godard

La parabole de l’enfant prodigue met à jour la présentation, par Luc, de la miséricorde de Jésus et du Dieu de Jésus. Cette parabole est bien connue. L’enfant cadet demande à son père sa part d’héritage puis quitte la maison et part au loin, où il dilapide son argent et tombe dans l’indigence. Il pense aux ouvriers de son père qui, tous, ont du pain en abondance et décide de rentrer chez son père, se disant qu’il pourrait proposer ses services comme ouvrier. La Tob mentionne (note 15,17) « le retour du fils n’est pas idéalisé, il n’en éprouve aucun remords ». Ainsi, il retourne chez son père. Luc stipule que, « comme il était encore loin, son père l’aperçu, et fut pris de pitié. » Il se précipite vers son fils, le serre dans ses bras, comblé de joie. Il prépare un festin, l’habille et le revêt de sandales, qui distinguent l’homme libre du serviteur. Le fils ainé, regardant la scène de loin, ne veut pas se mêler à la fête. Il n’accepte pas la gratuité du geste de son père. Lui qui, pendant toutes ces années, a travaillé pour son père, l’a respecté, s’est bien comporté, a été fidèle. Pourquoi ce festin n’est pas pour lui ? Son frère devrait donner une réparation pour l’offense faite au père. C’est à lui de recevoir les grâces de son père, non son frère cadet.

On voit ici comment Luc articule la miséricorde de Dieu. Le fils cadet, comme le fils aîné, conçoit le père comme une figure d’autorité qui est mue par une dynamique légaliste; il distribue ses bienfaits en fonction des bienfaits qu’il reçoit lui-même. Les règles sont données, si elles sont respectées, cette soumission donne le droit à l’obtention d’une rétribution, si elles sont bafouées, elles amènent à la réprimande. C’est du donnant-donnant, c’est un rapport dicté par le mérite. L’image que Luc donne de Dieu par l’entremise de l’image du père, ne respecte pas cette dynamique, elle en introduit une nouvelle, celle de la miséricorde. À ces deux fils qui perçoivent leur relation au père sur le plan du mérite, le père répond par la miséricorde. La miséricorde est de l’ordre de la gratuité, du pur don. Le texte le note bien, le père, qui accourt vers son fils, est pris de pitié. Le verbe grec utilisé ici, que la Tob traduit par pitié, est splagchnizomai. Comme l’explique bien l’auteur Marc Girard, cette miséricorde  » va à l’encontre de la logique, des principes, des convenances…et de la Loi! » Comment ne pas comprendre la réaction du fils ainé. Je serai le premier à réclamer que justice soit faite, en pesant les bonnes actions d’un côté et les mauvaises de l’autre. Pour Luc, la miséricorde de Dieu va dans un autre sens, celui d’un accueil inconditionnel, gratuit, mue uniquement par cette émotion, qui saisit aux entrailles, devant l’affligé. Le père ouvre ses bras, ouvre ses entrailles pour réchauffer son fils qui revit.

Étienne Godard

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