Au début du mois de décembre dernier, nous sommes entrés dans l’année liturgique C, celle consacrée à l’évangéliste Luc. Cet évangile présente une grande abondance de paraboles, celles parmi les plus citées dans les cercles des assemblées chrétiennes. Le texte de Luc met en scène des lieux de rencontre où se tissent des relations. La Bible nous parle de l’Alliance. Une alliance que Dieu cherche à établir avec les humains et invite ces humains à faire de même les uns avec les autres. C’est découvrir un évangile qui est assez près de nous, citoyens urbains du 21e siècle.
Chez Luc, le Royaume est présenté comme un dynamisme. Il faut se dépoussiérer de notre vieille image de Dieu et accepter d’entrer dans ce dynamisme. Un dynamisme qui nous propose d’entrer en relation et de prendre la responsabilité d’entretenir cette même relation. Jésus n’est pas venu nous apporter un code pénal qu’il faut apprendre à réciter et appliquer. Il est davantage venu pour établir une relation. Il est avec, donne sa miséricorde, libère, relève, accompagne. Il nous invite, après nous avoir mis en contact avec la miséricorde, avec le don, d’entrer dans la danse, afin, qu’à notre tour, nous devenions créateur d’un dynamisme d’alliance.
À la suite de la semaine dernière, nous vous proposons ce dimanche un dernier portrait, afin de vous démontrer cette même dynamique à l’œuvre dans l’évangile de Luc.
Bonne lecture!
Repas chez le pharisien Simon
par Étienne Godard
On retrouve dans le récit que fait Luc chez Simon le pharisien (Ch.7), une mise en opposition entre mérite et miséricorde. On y voit une dichotomie encore plus claire entre les deux acteurs du récit, Simon et la femme d’un côté, et les fils cadet et aîné de l’autre. Je dirais que si les deux fils se situent au niveau du mérite, les deux acteurs principaux dans l’histoire du fils prodigue, il n’en est pas le cas au repas chez Simon. Voyons le récit de plus près. Simon donne un repas, auquel il a invité Jésus. Celui-ci est attablé, allongé à la romaine près de la table. Il y est l’invité de Simon le pharisien. Soudain, une femme, que le récit qualifie de pécheresse, entre dans la salle où a lieu le repas et se précipite vers Jésus, qu’elle couvre d’attention (parfum, larmes). Reprenons en détail. Jésus est invité chez un pharisien. Jésus est un invité, donc sa présence est désirée par Simon. On remarque que chez Luc, à l’opposé de Mathieu, les relations sont parfois plus conviviales entre Jésus et les pharisiens. Une fois la femme entrée dans la salle, il n’y en a plus que pour elle et Jésus. Une cassure s’installe, Jésus et la femme, d’un côté, Simon et les pharisiens, pieux et respectueux de la loi, de l’autre.
Elle verse du parfum sur les pieds de Jésus, les mouille de ses larmes puis les essuie de ses cheveux. Elle fait preuve de beaucoup d’affection, démontre beaucoup d’amour pour Jésus. Sur les faits, Simon est secoué par ce qu’il voit. Pourquoi fait-il un tel accueil à une pécheresse? Comme il apparaît à quelques reprises dans Luc, Jésus y est appelé prophète. Simon se dit en lui-même révolté: « Il sait qui est cette femme qui la touche… une pécheresse. » (Tob, Luc 7,39).
Nous avons vu dans le fils prodigue, que les deux acteurs dans leurs relations au père se situaient au niveau du mérite alors que ce dernier leur opposait la miséricorde. Dans le cas précis du repas chez Simon, je dirais que ce dernier se place aussi du côté du mérite. Simon est pharisien, c’est un homme respectueux des règles de la Torah: il suit les fêtes religieuses, respecte les lois associées aux exigences de la diète religieuse, donne l’aumône aux pauvres et donne au Temple. Il est bien vu par les autres concitoyens juifs. En un mot, cette attention de Jésus, c’est lui qui la mérite. Pourquoi Jésus, un homme que Simon voyait comme un prophète, accorde-t-il toute son attention à une pécheresse: « Tous la connaissent » (Cahier d’Évangile, numéro 5, page 61), « peut-être pour avoir péché avec elle… ». La femme n’entre pas en relation avec Jésus sur la base du mérite. Bien au contraire, son parfum, ses larmes, ses baisers sont des gestes d’affection, des gestes d’amour qui transparaissent de son langage corporel. On peut émettre l’hypothèse qu’elle a entendu parler de ce Jésus, elle a entendu son discours qui parle de pardon et de miséricorde. Quelque part, elle s’est sentie libérée de cette lourde charge qu’elle portait, elle s’est sentie sortir de l’esclavage pour enfin devenir libre. C’est la conclusion que nous devons tirer si nous traduisons le verbe grec utilisé ici aphiemi. Elle s’est sentie pardonnée. Ce pardon de Jésus a fait naître ces gestes d’amour. Elle ne s’est pas sentie accueillie par le pharisien. C’est dans la personne de Jésus qu’elle a senti cet accueil, cette miséricorde. Cette miséricorde, elle l’a senti se déverser sur elle des « entrailles » de Jésus, ce qui l’amène à son tour à déverser sur lui son affection, son amour.
Dans la théologie de Luc, Jésus, c’est la présence du règne. Qu’est-ce qui attire à Jésus? Nous avons un très bon exemple ici. Ce qui attire la femme, vers Jésus, dans le récit de Simon, c’est la miséricorde, c’est cette sensation formidable qui a gagné la femme: le pardon. Si un des signes du règne de Dieu est le salut, ce salut est ici manifesté par le pardon. L’évangéliste nous montre cette miséricorde active dans la Palestine du premier siècle à travers la présence de Jésus.
Étienne Godard
Marie COLLING
Merci pour ces trois beaux articles. Je connaissais moins le pharisien Simon.
Je me permets de relever deux erreurs, qui se sont glissées dans ce texte.
Elle .. les mouille, …les essuie (paragraphe 2, ligne 1)
ses larmes, ses baisers, par 3, ligne 8
Et merci à tous les chrétiens du Canada pour leurs blogs, leurs activités de KT, pour les textes de Prions en Eglise, Canada
Eric
Merci beaucoup pour vos remarques et pour avoir noté les fautes, c’est corrigé!