Regards croisés
De mercredi 28 juin
Mt 10,35-42
Une invitation à élever notre regard
Ce discours de Jésus que nous rend Matthieu cette semaine peut nous paraître difficile, exigeant, contre nature même. Il nous demande de rejeter ceux et celles qui nous ont mis au monde. Pourtant, Dieu n’est-il pas lui-même un créateur? Ne nous invite-t-il pas lui-même, par la voix de son fils, à devenir soi-même des créateurs, des semeurs de vie, de joie, et de miséricorde? Notre regard contemporain nous invite à faire une lecture différente. Le discours de Jésus nous invite à sortir de soi pour élever notre regard. Il nous demande d’étendre notre cercle de bienveillance au-delà de cet utérus familial et social qui nous a portés. Il nous demande d’aller au-delà de la communauté qui nous a fait grandir, au-delà du clan qui nous a toujours reconnu comme l’un des siens. Ces liens que nous avons tissés à l’ombre de notre langue, de notre région, de nos frontières, Jésus nous appel à les porter plus loin.
Jésus nous invite à embrasser un plus grand nombre de personne. Nous sortons d’une fin de semaine marquée par la fête nationale des Québécois. Cette définition de Québécois, aujourd’hui, particulièrement ici, à Montréal, embrasse beaucoup plus de personnes qu’elle pouvait le faire, dans ma petite ville natale des Laurentides au début des années 1980.
Jésus me demande d’élever mon regard pour me faire proche d’un plus grand nombre d’humains. D’élargir ma compréhension, ma définition de père et de même, de frère et de sœur. Sur mon chemin, je dois reconnaître qu’ils ont été nombreux, qu’elles ont été nombreuses à participer à mon engendrement. En Afrique l’on dit qu’il faut tout un village pour élever un enfant. Nous avons reçu gratuitement, disait Jésus à ses disciples qu’il envoyait en mission, il est temps de donner gratuitement.
Comme notre famille a su nous engendrer, nous devons reconnaître que Dieu aussi nous a engendrés. C’est cette reconnaissance que Jésus nous appelle à intégrer. Accepter celle-ci, c’est accepter de se faire proche, comme Jésus a su se faire proche, même de ceux qui, d’un naturel, peuvent nous paraître si lointains. Un théologien sud-américain qui étudiait la migration des Sud-Américains aux États-Unis invitait les chrétiens à réagir devant à ces migrants comme nous pourrions réagir à la situation vécue par un voisin de longue date. C’est-à-dire de nous en faire proche. C’est certainement-là un chemin que le Nazaréen aurait pris.
La place de ce texte dans le récit de Matthieu.
Nous sommes dans le chapitre qui nous décrit ce que c’est qu’être disciple de Jésus. Il y a comme une ligne directrice qu’il ne faut pas oublier, une sorte de maillon qui relie le disciple à Jésus et Jésus au Père Divin.
Nos parents sont en effet le symbole de l’essentiel de la vie.
Car vivre, c’est d’abord recevoir la vie, accueillir l’amour. Nous sommes le fruit d’un don… En effet nous ne sommes pas le décideur de notre propre existence. Nous n’avons pas choisi de naître à ce monde et nul ne devient vraiment adulte qu’en acceptant d’être comme un « don au monde ». Mais d’autre part ceux qui nous ont engendrés ne sont eux-mêmes que des relais de l’Unique Engendreur, de la seule Source créatrice de la vie: Dieu.
Prendre sa Croix, c’est refuser de laisser monter la haine en nous. Si tu limites ton amour à père ou mère, fils ou fille, à tes amis,
si tu n’aimes que d’un amour conditionnel, si ton amour se refuse d’aller jusqu’au pardon,alors tu n’as pas encore trouvé la source de la vraie vie, ou tu l’a perdue, tu n’es pas encore mon disciple, et tu n’es pas encore fils, fille du Père Divin (Mt 5,45). (…) Au lieu de faire du ressentiment, de chercher à se venger, prendre sa Croix, c’est garder la sérénité dans cette relation, chercher à comprendre ce qui fait agir l’autre et parvenir à lui parler en faisant appel au meilleur de lui-même.
Georges Convert
Étienne Godard
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