Un appel à poser un regard neuf
Ce texte de Jean a été choisi par la tradition pour célébrer le sixième dimanche du Carême. Toutes réflexions sur Pâques, qui marque la mort et la résurrection de Jésus, sont des discours fondateurs pour la tradition chrétienne. Les biblistes qualifient généralement les chapitres 14 à 17 de l’évangile de Jean de discours d’adieu fait par Jésus à ses disciples. Rappelons-nous que l’arrestation et la mort de Jésus vont provoquer une onde de choc chez les gens qui constituait le cercle le plus rapproché du maître de Nazareth. Judas va dénoncer Jésus auprès des autorités religieuses juives. Pierre, désigné comme le roc de la communauté, va renier Jésus par trois fois. À l’arrestation de Jésus, ses disciples se sauvent. Pour eux, qui croyait suivre le roi des Juifs, le Messie, cette arrestation n’a pas de sens. Elle remet en question le sens même de leur engagement.
Ce groupe de disciples que Jésus a réuni autour de lui et à qui il a enseigné tout au long des chemins qu’ils ont parcouru ensemble en Galilée, en Samarie et en Judée. est profondément secoué. Comme nous pouvons le lire sur le site unmomentsacre.com, « Jésus est conscient que la perte imminente de sa présence physique sera un coup très dur pour ses disciples. Il les rassure. »
L’amour de Jésus: un agir
Comme nous le voyons dans le texte de Jean, les termes d’am our et de commandement forme souvent une pair inséparable. On peut affirmer, pour être encore plus précis, que le terme amour est lui même associé étroitement aux actes. C’est ce que Alain Marchadour souligne dans son livre «Venez et vous verrez », son commentaire de l’évangile de Jean, aux page 379 à 385. Demeurez, pénétrer et garder sont tous des verbes bibliques forts. Nous les retrouvons dans cet extrait de Jean que nous propose la bible liturgique aujourd’hui. Encore plus percutant: le verbe aimer survole le texte en entier. « Celui qui retient mes directives et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime. Celui qui m’aime, sera aimé de mon Père. Et moi, je l’aimerai et je me manifesterai à lui (verset 21)».
Si nous suivons la pensez de l’auteur de Venez et vous verrez, aimer est le moteur de l’action chrétienne pour le Nazaréen. Il y fait référence tout particulièrement quand il parle du geste du lavement des pieds. Ce geste très significatif, qui n’est reporté que par l’évangile de Jean, Jésus va demander à ses disciples de refaire entre eux. Pour le bibliste, c’est par cet amour qu’ils auront les uns envers les autres qu’ils seront reconnu comme chrétiens.
Je laisse le commentaire de Georges expliquer cette association entre amour et actes dans la parole de Jésus:
Personne ne trouve en soi-même tout ce qu’il lui faut pour vivre. Nous recevons tous la vie d’un « ailleurs », d’un « autre » que nous-mêmes. Chaque personne est faite de ce qu’elle a reçu des autres humains et de l’univers: son sang, son souffle, sa chair, ses gênes, mais aussi sa pensée, ses idées, sa capacité d’aimer. Pour savoir aimé, il faut avoir été aimé. Ne pas reconnaître cette dépendance, la nier, la refuser, c’est se couper de la source de vie, c’est se vouer à la mort. Au contraire, recevoir, accueillir, reconnaître ce qui nous est donné, c’est faire grandir en soi la vie et la communion. Entre Jésus et ses disciples, au long de sa mission, s’est établie une semblable relation. Pour eux, il est comme le Père qui transmet la sagesse. C’est cela qui crée entre eux une unité forte: nous sommes, moi dans le Père, vous en moi et moi en vous. Cette transmission de vie et de sagesse se fait dans l’amour. Le Père aime le fils et lui montre tout ce qu’il fait (Jn 5,20). Entre Jésus et ses disciples, ce sera semblable (Jn 15,15 et 14): Je ne vous appelle plus serviteurs, élèves. Je vous appelle mes amis, mes frères. On ne garde la parole qu’en la faisant, on ne garde la sagesse de vie qu’en l’appliquant. C’est-à-dire vous aimerez à ma manière, à la manière du Père. C’est cela être disciple de Jésus: Il est nécessaire qu’il soit redit par des personnes vivantes, animées de l’Esprit de Jésus. Jésus ne peut être visiblement vivant au milieu de nous que si nous chrétiens le donnons à « voir ».
Georges Convert
Étienne Godard
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