Jésus, un roi messie?
« Sois transportée d’allégresse, fille de Sion! Lance des clameurs, fille de Jérusalem ! Voici ton Roi, il vient à toi; il est juste et victorieux, il est humble et monté sur un âne.
Zacharie 9,9
Cette prophétie de Zacharie, écrite au moins 300 ans avant l’arrivée de Jésus, est souvent citée en référence pour parler de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem que nous décrit l’évangile de Marc cette semaine. Cette scène est décrite par tous des évangélistes.
La ville de Jérusalem, c’est la ville du roi David, perçu dans la tradition juive du temps comme le plus grand roi qu’a connu Israël et à qui on attache l’image du Messie qui va venir libérer Israël de l’envahisseur Romain. Image à la fois religieuse et politique. La foule qui agite des feuilles de rameaux, le fait devant ce qu’elle pense être un chef victorieux. Mais la nature de sa victoire va se manifester ailleurs.
Une scène paradoxale
Cette scène de l’entrée de Jésus à Jérusalem exprime le grand paradoxe de la figure de Jésus, tel que présenté dans les évangiles. Au début de l’évangile de Marc, à Capharnaüm, Jésus semble avoir un grand succès auprès des foules. Et il se sauve, tôt le matin, à l’écart. Ses apôtres le retrouvent après une longue recherche, en prière. Même scénario chez Jean. Dans son discours avec ses disciples sur la montagne, après la distribution des pains et des poissons, la foule — nous dit Jean — veut faire de Jésus son roi. Encore une fois, il se sauve, il rejette cette image que la foule projette sur lui.
Élian Cuvillier, dans son Évangile de Marc (Bayard, 2002) écrit « à la motivation des foules qui nécessiterait que Jésus prenne possession du Sanctuaire, l’évangéliste semble avancer une raison mineure justifiant sa sortie ». Comme l’écrit Marc, « L’heure étant déjà tardive, il sort pour aller à Béthanie avec les Douze ». Pour le bibliste, Jésus nous invite à un déplacement de notre foi de Jérusalem, la riche, la puissante, vers Béthanie, qui nous parle d’avantage d’intimité, d’intériorité. « Il invite à un déplacement de notre foi » écrit Cuvillier, de Jérusalem à Béthanie (p.231). Cet épisode est connu par son titre de l’onction de Béthanie. « Pendant qu’il était à table, une femme entra avec un flacon d’albâtre plein d’un parfum très cher, fait de nard pur. Elle brisa le flacon et le versa le parfum sur la tête de Jésus. »
S’asseoir à sa table
À Béthanie, Jésus nous invite à entrer en relation personnelle avec lui, à tisser des liens. Remarquons que quand cette femme entre, Jésus est à table, déjà dans une relation très humaine et intime avec ses disciples. Ils partagent le pain. La scène est loin, très loin des hosannas de la foule à l’entrée triomphante à Jérusalem. Rappelons-nous que, à Béthanie, le texte de Marc nous dit qu’il est dans la maison de Simon le lépreux.
Les hourras de la foule, ses chants et ses louages, pour le bibliste, c’est « une bulle médiatique! ». Puisque, quelques jours plus tard, Jésus sera mis à mort sur la croix avec l’assentiment d’à peu près tout le monde à Jérusalem. C’est dans cette même ville que la foule choisira Barabbas au lieu de Jésus. C’est toujours dans cette même ville, qu’après sa mort, ses disciples vont nous sembler désespérément seuls.
Une foule ambivalente
Partir à la conquête de Jérusalem, même sur le dos d’un ânon, signe de paix et d’humilité, c’est accabler Jésus d’une certaine vanité. Il ne me semble pas jouer son rôle avec beaucoup d’authenticité. Le long de la procession, Jésus se laisse porter, il ne dit mot, même s’il nous semble que c’est lui qui a mis en scène son arrivée en donnant des instructions à ses apôtres. La foule, chez Marc, est toujours ambivalente. Elle a ses exigences: elle carbure au merveilleux, au fantastique. Jésus veut bien faire quelques signes, mais ne veut surtout pas s’y laisser enfermer.
La fragilité de l’amour
Dans son commentaire sur le ce texte de Marc, Georges Convert, résume une entrevue qu’Éric-Emmanuel Schmitt a donnée à l’Actualité Religieuse en février 1997, en disant que même s’il est plus facile d’avoir que d’être, il est plus important d’apprendre à être. On se révèle beaucoup dans le regard de l’autre, dans la relation. Je vois plus d’acclamations que de relation dans cette entrée à Jérusalem.
Pour le co-fondateur du Relais Mont-Royal, c’est à travers le prisme de l’amour qu’il faut toujours soumettre la vie de Jésus. Cet amour est ouvert à la vulnérabilité, à la fragilité. Parce qu’il ne peut que se proposer.
« C’est parce qu’Il est l’Amour absolu, infini, que Dieu lui-même est fragilité. C’est parce qu’il est à l’image du Père-Divin que Jésus est aussi fragilité et que sa vie ne peut être que vulnérabilité; une vulnérabilité qui le conduira à livrer sa vie. Parce qu’il a aimé jusqu’à l’extrême, Jésus a couru le grand risque de l’amour: celui du rejet par ceux qui se pensent puissants. Pour tous ceux qui ont fait, de la puissance, la vérité de leur vie,le crucifié ne peut être que scandale ou folie. »
Georges Convert
Étienne Godard
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