Regards croisés du mercredi 19 juillet 2023
Matthieu 13,24-43
Un autre regard sur le semeur
Nous avions découvert, dans Matthieu 13,1-23, que le choix de la parabole du semeur nous parlait de l’espérance de Jésus, qu’il veut transmettre à ceux et celles qui marche avec lui. Dans le texte de Matthieu qui suit, celui de cette semaine, tout en parlant toujours de la parabole du semeur, l’accent est mis ailleurs. Dans la première des trois paraboles de ce texte, celle qui s’adresse à la semence plus précisément, « un homme qui avait semé du bon blé dans son champ » s’aperçoit qu’il y pousse aussi de l’ivraie. Il décide de laisser pousser les deux, côte à côte, jusqu’au temps de la moisson. Les deux plantes étaient très semblables et il était difficile de chercher à éradiquer l’une sans endommager l’autre.
La moisson et le jugement
Dans le langage biblique, quand on parle de la moisson, on fait généralement référence à la fin des temps, la fin de l’histoire. Nous pouvons y lire les intentions profondes de la mission de Jésus. Il n’est pas venu pour juger, mais pour sauver l’humanité. S’il avait voulu juger, ai-je lu dans différents commentaires, il n’aurait pas voulu laisser pousser l’ivraie dans les champs côte à côte avec le blé pour ne pas donner aucune chance de le contaminer. Plutôt, il voulait peut-être donner sa chance à l’ivraie de faire du blé… Dans le commentaire de l’évangile de Matthieu par Claude Tassin, nous pouvons lire à la page148 que Jésus attache la parabole au Royaume. « Au long de l’histoire humaine, les disciples doivent cultiver avec confiance et accepter que le Royaume soit une communauté où se mêle le bien et le mal. Le jugement dernier n’est ni de leur ressort ni de leur compétence ». Aux nôtres non plus, pourrions-nous ajouter.
Le choix de la miséricorde
Il nous faut bien reconnaître que nous sommes tous porteurs de ces deux forces opposées que sont le bien et le mal. Probablement une des oppositions fondamentales entre Jésus et les pharisiens. Pour ces derniers, la pureté devait régir tous les agissements de l’humain pour lui permettre d’accéder à Dieu. D’où la quantité impressionnante de règles attachées à la vie religieuse de cette communauté à l’époque de Jésus. Comme le note Georges dans son commentaire, « Ils (les autorités religieuses juives) ont en vue l’idéal d’une nation de purs, de justes, excluant tous les pécheurs ». Les récits évangéliques nous confirment que ce n’était pas l’attitude de Jésus. Celles-ci nous décrivent un homme qui fréquente tous ces exclus de la société palestinienne de son temps, que les autorités religieuses juives qualifient de pécheurs, soient les malades, les handicapés, les prostituées, les étrangers et les collecteurs d’impôts, les publicains. Il cherche à ouvrir les portes de la miséricorde, non les fermer! Sur cette imperfection de la création, j’ai entendu une très belle citation qui se lisait comme suit: la fin du monde est en fait son accomplissement, non son achèvement!
« Small is beautiful »
Les deux autres paraboles mentionnées par Jésus dans ce texte nous parlent de la levure et du la graine de moutarde. C’est un binôme qui ressemble beaucoup à celui de la semence. Elles jouent toutes, ces paraboles, sur la relation entre petit et grand. On peut ainsi jeter un regard sur l’œuvre de Jésus, ce missionnaire errant, qui a vécu dans une province romaine, qui a accomplie des prodiges dans des petits villages de Galilée, accompagné de simples pécheurs, très probablement illettrés, condamner pour sédition par l’autorité romaine. Un monde nouveau à malgré tout germé de ces petits gestes du semeur. Ce binôme est aussi le reflet du regard que Jésus jette, à ce moment précis de son parcours, sur les échecs apparents de sa prédication en Galilée, le regard septique soulevé par Jean le Baptiste, celui de sa famille, la harangue des autorités religieuses juive ainsi que le peu de disciple qui ont été sensible à ses appels, et les intuitions de cette grande mission qui l’attend à Jérusalem. Cette fin du monde qui semble attirer tout les regards, Jésus n’en parle que du bout des lèvres. Nous sommes tous friand du futur. Comme nous aimerions mettre la main dessus. Là n’est pas l’apanage de Jésus. Il est venu pour nous montrer un chemin qui se forge dans les méandres de notre quotidien. Il se concentre sur la route, sur sa direction. À nous, sur cette route, d’entendre et de voir y passer son souffle.
« Aux disciples déçus par l’humble début de la mission de Jésus,
aux foules qui attendent les grands succès du messie,
Jésus dit l’espérance qui est la sienne: la famille de Dieu se construit sans bruit, dans le respect des consciences, avec la seule arme de l’amour. Mais elle rejoindra les siens jusqu’au extrêmités de la terre:
des gens de toutes races. La mission de Jésus–et celle de ceux qui se mettent à sa suite–n’est pas d’enrôler à tout prix, mais de tisser des liens de communion, de marcher ensemble vers l’unique vérité qui est celle de l’amour.
Lorsque cette mission ne se fait plus dans cet esprit d’humilité et de passion, la mission se dégrade en propagande ou en conquête.
Elle ne construit plus l’unité, qui implique respect et dialogue.
À la grâce de Dieu, avec le temps. »
Georges Convert
Étienne Godard
Étienne Godard
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