Une alliance en héritage
L’évangile d’aujourd’hui célèbre le dernier repas que Jésus a pris avec ses disciples avant sa mort sur la croix. C’est une fête solennelle pour tous les membres de l’Église catholique. Ce dernier repas, nous le revivons ensemble à toutes les célébrations eucharistiques, accompagnées par Jean, prêtre des Missions étrangères. C’est le rituel fondateur de nos célébrations chrétiennes. On peut se demander pourquoi l’évangéliste Marc nous parle de la semaine des « Azymes », où l’on tue l’agneau pascal. Il faut se rappeler que Jésus était juif, tout comme ses apôtres. Célébrer la Pâque juive se fait autour de la table. Ses disciples lui demandent où ils vont manger la Pâque. C’est la célébration de la sortie de l’esclavage. Le texte de l’Exode, le deuxième livre de la Bible, nous raconte cette sortie de l’Égypte, où les juifs sont des esclaves, menés par Moïse. Le pain azyme c’est un pain sans levure qui se conserve plus longtemps. Avant de partir, ils sacrifient l’agneau.
« Je suis chair et sang »
Jésus, dans ce dernier repas qu’il prend avec ses apôtres, va venir mettre un souffle nouveau dans cette alliance. Toute sa vie publique, il a invité à mettre l’attention sur la vie quotidienne, il a cherché à tracer un chemin qui nous libère de nos esclavages, de nos obscurités en nous invitant à tisser des liens étroits, une alliance solide, avec sa parole. L’enseignement de Georges Convert m’a profondément marqué. Je cite ici son commentaire: « Il y a une expression juive qui dit: Je suis chair et sang, comme en français l’expression: je suis là, corps et âme veut dire qu’on est présent avec tout son être ». En nous livrant toute sa personne, tout son être, il nous transmet tout ce qu’il a été et qu’il est toujours. Il nous invite à une vie qu’il a toujours essayé de nous faire connaître, qui en est une où prime la relation aux autres, une qui est faite de don, de bonté, d’accueil et de miséricorde. Ce repas, cette communion, en est une de tout son être, qu’il nous invite à accueillir et partager. Cette invitation en est une au partage, afin, qu’à notre tour, nous tissions des liens forts, des liens d’humanité, d’amour et d’espérance avec ceux et celles qui partagent nos vies.
Le symbole de la table
Il suffit de se rappeler le dernier commandement qu’il nous a laissé: « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Ce dernier repas partagé avec ses disciples à un caractère unique. Mais je ne peux m’empêcher de penser à tous les repas qui nous sont relatés dans les évangiles où Jésus partage sa table avec des exclus de la société juives; au chapitre 7 de l’évangile de Luc, dans un banquet donné par le pharisien Simon, Jésus accueille une prostituée, plus loin, il s’invite chez Zachée, le collecteur d’impôt, il est souvent accusé par ces mêmes pharisiens de manger avec des pécheurs, qui ne suivent pas les règles de pureté rituelle avant le repas. Toujours, il est guidé par un désir d’inclusion, une pulsion irréversible de tisser des liens qui font fi de toute barrière, qui appellent au vivre ensemble. Des gestes qui jamais n’ont démontré un désir de domination ou d’accumulation de richesse.
Ce pain qu’il nous donne à manger est au cœur de notre quotidien. Pour moi, c’est le symbole de tout ce qui nous rassemble autour d’une table. Ce qui rassemble autour d’une table est partagé entre les convives. C’est le partage de ce pain qui en crée l’unité. Ce partage s’accompagne aussi d’un partage d’une vie commune qui se vit par l’échange d’une parole. Jésus nous laisse sa parole en héritage, comme le pain de notre quotidien, à partager dans les liens que nous sommes amenés à tisser au cœur de nos vies. L’eucharistie me rappelle que pour vivre, la Parole de Jésus doit faire partie de mon pain quotidien: elle est vraie nourriture.
En disant : Ceci est mon corps (mon être) Jésus signifie que se nourrir de sa parole c’est se nourrir de tout son être, de toute sa pensée, de tout son amour. Le récit de Jean l’a déjà exprimé lors du grand repas du pain multiplié : « Qui s’est mis à l’écoute du Père et à son école vient à moi. Je suis le pain de vie » (Jn 6,46-48). Déjà la Sagesse de Dieu appelait chaque croyant à se nourrir d’elle comme on se nourrit de pain et de vin. Se nourrir du pain et du vin du Christ Jésus, c’est grandir dans sa connaissance, c’est se nourrir spirituellement et vivre d’éternité, c’est pourquoi il ne peut y avoir de Repas du Seigneur sans que l’on se nourrisse concrètement de sa parole.
Georges Convert
Étienne Godard
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