Être présent dans nos tempêtes
Cette histoire que nous raconte Marc me fait penser à l’histoire de Jonas qui séjourna trois jours dans le ventre du grand poisson. Jésus, qui dort, comme Jonas, et puis les deux sont réveillés par la frayeur des autres devant la tempête, Jésus, par ses disciples, Jonas, par le capitaine du bateau. Ce parallèle ne m’amène pas bien loin. Je reviens en arrière. Il y a une grande charge symbolique au tout début du récit : « le soir venu »
Jésus invite les disciples à traverser la mer, à aller « sur la rive opposée ».
Rapidement, le texte de Marc est toujours marqué par la précipitation,
la tempête se lève ! Le soir, la nuit, c’est un temps de ténèbres, la route est difficile à suivre, on marche à tâton. Cette nuit est doublée de la présence de la mer. Dans le langage biblique, la mer est un lieu de perdition, un lieu associé au mal, associé à la mort, à toutes nos angoisses. Dans l’antiquité, les voyages en bateau sont périlleux. Paul, dans ses nombreux voyages, va faire naufrage parfois.
Marc ne nous conte pas une histoire pour la simple narration de son récit. Il y exprime une catéchèse, sa compréhension de « l’homme de Nazareth » (expression utilisée par Élian Cuvillier pour parler de Jésus). Le récit de Marc met en scène des hommes désespérés, qui pensent que la fin est venue, qui se tournent vers leur maître Jésus. Sa parole s’adresse à leurs tempêtes, leurs bourrasques, aussi bien qu’a mes tempêtes et mes bourrasques. Les tempêtes, dans nos vies, brisent notre aller, chamboulent le sens que nous avions mis du temps à construire le long de notre route.
La parole de Jésus vient les rassurer, leur assurer qu’il est avec eux.
Il les invite à revisiter tous les liens qu’ils ont tissés ensemble et avec les autres habitants des villages qu’ils ont transformés. Ils se reconnectent sur cette source de vie qui coule en eux, une source d’amour et d’alliance,
que Jésus leur a fait découvrir, à travers la fréquentation de sa parole, de ses enseignements. Ils reprennent tranquillement contact avec cet espace qui est plein d’espérance.
Traverser de l’autre côté
Marc nous a parlé la semaine dernière de ce royaume qui a été semé dans tous les cœurs, chez les hommes et chez les femmes. Il nous invite à la laisser grandir. Une invitation, à notre regard, à ne pas laisser toute la place à la tempête dans notre champ visuel, mais d’y inclure aussi l’émerveillement et la beauté qui pousse au tour de nous, à travers nous, avec nous. Une création de laquelle, trop souvent, nous détournons le regard, aveuglé par la pesanteur de notre souffrance. La communauté dans laquelle nous vivons est un appel à se faire présent à ceux et celles
qui sont secoués par la tempête. Cela correspond à l’appel de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé ». Ce qui veut dire pour moi, comme Jésus l’a fait, être à même de faire ressortir, de toute situation, un appel d’espérance. Notre foi, ma foi ne va pas abolir la tempête, elle fait partie de la vie. Mais elle me rappelle que nos existences sont habitées par sa présence d’amour et de vie.
L’être humain a la possibilité de vaincre la peur grâce à sa liberté de baser sa lutte sur l’amour, c’est-à-dire sur une collaboration avec un Autre que lui-même, avec un Plus fort que lui, parce que plus aimant que lui. Citons encore Eugen Drewermann: «Grâce à la personne de Jésus, la foi vient l’emporter sur la peur [qui est] présente à l’arrière-plan de toutes les maladies, ‹possessions› et défaillance […] À partir d’un certain moment, la rencontre de Jésus conduit à choisir entre la peur et la foi, entre le désespoir et l’espérance […]». (L’Évangile de Marc, p.35-36, Cerf)
Georges Convert
Étienne Godard
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