La guérison du sourd-muet
La guérison du sourd, relaté par l’évangéliste Marc au chapitre 7 verset 31-36, a beaucoup d’intérêt. Comme l’explique la Tob, le récit suit, pas côte à côte, mais sur une ligne de temps, le premier discours sur la montagne relaté par Marc. Il faut probablement y lire une forme de catéchèse. L’exhortation à bien entendre revient dans les évangiles. J’ai en mémoire cette invitation: « Que ceux qui ont des oreilles pour entendre entendent! »
On utilise deux vertes différentes pour décrire la perception des ondes sonores. Le premier, entendre, fait référence à un phénomène strictement physiologique: j’entends où je n’entends pas. On entend des bruits, des mots, c’est d’ailleurs probablement le premier sens qui se développe chez l’enfant dans le corps de sa mère. Le deuxième verbe est écouter. Si entendre est physiologique, par contre, écouter ne va pas de soi: il implique un choix chez l’individu. Écouter, c’est se rendre présent.
Le sens biblique du verbe écouter
Dans l’univers biblique, écouter va plus loin encore: c’est déjà mettre en pratique, c’est suivre la voix « dans le désert », se mettre à la suite de. Écouter c’est comprendre et obéir. L’image qui surgit en moi, c’est celle des disciples d’Emmaüs qui en écoutant le récit de Jésus, font sens de leur expérience. Dans le prologue de Jean, on peut lire: « Le Verbe s’est fait Chair ». La prière quotidienne du juif pieux n’est-elle pas le Shema Israël?: écoute ton Dieu, réalise sa Torah. La foi, c’est de chercher le désir de Dieu. Se mettre à l’écoute de l’autre serait donc d’aider à lui faire découvrir le « désir de Dieu pour lui ».
Venons-en plus particulièrement à l’épisode de l’évangile de Marc (7,31-37). Premièrement, je mentionnais plus haut que, suite au discours sur la montagne, on peut y voir une forme de catéchèse. Jean mentionne qu’après ce grand discours sur la montagne, la foule a voulu en faire un roi. Pour Jésus, ils n’ont rien compris. Il faut que se crée un passage entre entendre et écouter afin de suivre la parole et d’obéir. Face à la demande de la foule, Jésus l’amène à l’écart. C’est tout d’abord une relation qui s’établit. À l’écart, Jésus est à son écoute: son regard, sa respiration, sa gestuelle ouvrent à une telle relation.
La parole, un acte créateur
La parole est un acte créateur. À l’écoute de cet homme, il est écrit que Jésus « soupira ». L’homme est libéré, il peut reprendre sa place dans la communauté. Cette parole qu’il se réapproprie, le libère. Prendre la parole, c’est se construire. Les prophètes de la première Alliance sont étroitement liés à la Parole, une parole libératrice, qui invite à sortir de l’esclavage. Dans la bible de Chouraqui, les prophètes sont regroupés dans une section qu’il appelle Devarim, Paroles en hébreu. Mais cette parole, il faut trouver quelqu’un pour l’écouter.
Le sourd-muet n’a aucun pouvoir. Il interagit avec peu d’individus. Sans parole, il ne peut pas se faire entendre par les autres, il ne peut exister. Il lui faut s’élever et ne pas rester ébloui par le merveilleux, sinon selon moi l’on se fige, on coupe tout élan vers l’avant pour se mettre en attente de nouveau, de la manifestation de ce merveilleux. Cette écoute et cette parole le libèrent de son esclavage. Cette écoute lui permet de se mettre en route sur les traces de Jésus. Il peut maintenant parler pour se dire. Il nous est nécessaire de se donner les outils pour nous mettre à l’écoute de notre humanité profonde: un appel à devenir fille et fils de Dieu.
Une fois ses oreilles ouvertes, sa langue est libérée… Il devient alors capable de dire la parole écoutée, entendue. « Dire » la parole, en son sens fort qui est de « faire » cette parole, de la réaliser, de la rendre réelle. Il dit et cela fut, nous dit la Genèse à propos de la création de toutes choses par Dieu. Le sourd parle maintenant correctement… ce qu’on pourrait traduire: Il fait maintenant toutes choses selon la Règle de Dieu.
Georges Convert
Étienne Godard
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