Se retirer pour faire de la place
Pour une nouvelle fois, Marc nous présente les disciples qui sont loin de marcher sur les traces de leur maître Jésus. Sur le chemin, nous dit l’évangéliste, un des lieux de prédication des évangiles, nos chemins de vie, ils se disputent pour savoir qui est le plus grand. Dans la cours d’école, jeune, il y avait toujours de tel défis lançés entre nous: qui lancerait la balle la plus loin, qui courrait le plus vite, qui resterait debout après une confrontation. C’était sans fin. C’est malgré tout ces humains que Jésus a choisis pour nous faire connaître ses enseignements. Quel confiance, quel amour!
J’ai lu sur le site du Carmel de France ce commentaire sur ce texte de Marc: « Quand on ne se soucie plus d’être le plus grand, on s’ouvre à l’accueil, même du plus petit. Accueillir un frère au nom de Jésus, c’est lui faire place dans notre vie. » L’accueil, ce n’est pas ce que l’on discute parmis les disciples de Jésus sur le chemin. On joue du coude. Ce chemin pour eux, c’est d’avantage une quête de pouvoir.
Un appel à voir autrement
Jésus, en pointant notre attention sur un enfant, nous invite à un renversement complet. Pourquoi un enfant? Il est tout petit, il représente quelque choses de marginal. Il ne fait de l’ombre à personne. Il est sans pouvoir. Devant lui, il y a de la place pour d’autres. Plus que ça: de ces autres, il en a besoin. Cela inverse tout le rapport de pouvoir. Dans le livre de Marion Muller-Collard, Éclats d’évangile, 2020, Bayard, à la page 23, on peut lire ce commentaire éclairant: « Il se peut qu’à nous laisser réduire, nous en soyons finalement grandis. Grandis d’un espace plus vaste laissé à l’altérité afin qu’elle nous complète. »
J’ajouterais que l’enfant ici n’est pas l’innocent ou le pur, mais bien un être en état de dépendance, près du statut de l’esclave, qui sert plutôt qu’il est servi. On est ici au cœur de la dynamique de la proposition de Jésus. Encore une fois, l’évangile de Marc, nous présente des disciples qui ont peine à faire sens de son enseignement.
L’enfant était donc le type même de celui qui n’a pas d’importance, de celui qui n’a aucun titre à être accueilli (…) Aimer le petit, c’est aimer comme Dieu… et c’est aimer Dieu lui-même. Jésus s’identifie au serviteur, comme il s’identifie à celui qui a faim, qui a froid: Alors les justes lui répondront: Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir? Et le Roi leur fera cette réponse: dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (Mt 25,37-40). Jésus s’identifie au serviteur et cela va être très lié au sens qu’il donne à sa mort. En effet, dans les récits évangéliques, nous trouvons continuellement associées, l’idée de servir et l’idée de la mort. Après la troisième annonce, Jésus dira (Lc 10,45):Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous. Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie. Le dernier Repas de Jésus, marqué par sa mort, est celui où Jésus parle de servir. (…) Dans le récit de Jean, Jésus ajoute le geste du lavement des pieds (Jn 13,13-14): Vous m’appelez le Maître et le Seigneur et vous dites bien. Si je vous ai lavés les pieds, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres.
Georges Convert
Étienne Godard
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