À la sortie de Jéricho, nous sommes confrontés à deux perspectives sur la route, le chemin. Les deux sont parcourus par les mêmes humains, mais tous n’ont pas la même perception de sa fonction. Nous sommes à la sortie de la ville de Jéricho, probablement à l’une de ses portes principales. D’un côté, le récit de l’évangéliste Marc nous décrit le maître, Jésus, et sa troupe rapprochés, ses disciples, ainsi qu’une foule indéterminée qui emprunte cette porte pour sortir de la ville en se dirigeant, très probablement, en direction de Jésusalem. Ce chemin les projette vers l’avant, vers un futur en construction. Cette route porte un sens avec elle. Tout comme les marchants qui entrent et sortent de la ville avec des échanges de biens et de services. C’est une voie qui amène de la vie à la cité.
Sur le chemin des vivants, il y a peu de place pour Bartimé
Bartimé, lui, en a une perspective différente. Il n’est pas sur la voie, il est assis sur le côté de celle-ci. C’est un éternel spectateur. Quel dynamisme amène-t-il à cette vitalité de la ville qu’apporte cette route aux habitants de Jéricho? Bartimé est vue comme un perpétuel demandeur : toujours en demande de quelques pièces pour arriver, vaille que vaille, à se nourrir. Il est privé du balancier vital du donné/recevoir. Pouvoir donner, c’est donnée la possibilité de vivre. C’est pouvoir entrer dans la danse de la vie communautaire. Bartimé a même une fonction religieuse : il reçoit les aumônes que la tradition demande à tous juifs pieux de faire. Si, chez la plupart, la route est un lieu de rencontre et de vie, chez Batimée, c’en est un d’une douloureuse solitude.
Un chemin qui s’ouvre par la rencontre
Dans l’évangile de Luc, qui raconte la même histoire de rencontre extraordinaire entre Jésus et Bartimé, quelqu’un vient avertir l’aveugle du pourquoi de l’agitation ambiante : la présence de Jésus. Bartimé ne manquera pas sa chance, et ce, même si les disciples de Jésus semblent bloquer l’accès au maître, lui signifiant que sa place est sur le bas-côté de la route, qu’ils ne font pas partie du même monde. Bartimé ne s’en laisse pas imposer. Il crie! Par deux fois, il crie, note le texte de Marc. Dès qu’il entend une parole qui l’invite à s’avancer, il bondit, il jette son manteau et va vers Jésus. Trois verbes d’action puissants. Déjà, la route prend un nouveau sens pour lui. Il l’utilise pour aller de l’avant, vers un futur qui adviendra suite à la rencontre du maître. Jésus l’invite à se mettre debout et, pour une fois, il fait plus que recevoir, il donne à son tour et se met en marche à la suite de Jésus. C’est ainsi qu’il reprend sa place dans la communauté . La rencontre avec Jésus a mis du sens dans le tohu-bohu de son existence.
Paradoxe
La foule, comme les disciples, ne veut pas que Bartimé rencontre le maître, alors que c’est par cette rencontre qu’ils sont tous élevé. Élevé, non dans le sens qu’ils sont mis au-dessus des autres, mais qu’ils accèdent au royaume. C’est dans ces moments de rencontre que la proximité du royaume, qu’est la présence de Jésus, se révèle. Ni femme ni homme, comme le dit Paul, ni esclave ni Seigneur, mais l’humain qui recouvre sa dignité en se mettant debout! N’est-elle pas là la gloire du Père?
« Bartimée bondit! Il est maintenant un homme debout. Debout parce qu’il a foi que l’amour est plus fort que tout handicap physique. Debout parce qu’il a fait confiance à celui qui lui fait confiance. Jésus lui dit: «Va! » Ta confiance t’a sauvé. Parce qu’il s’est senti aimé, considéré par Jésus, Bartimée est sauvé. Sa vie a pris un sens. Il se sent appelé à devenir un être libre. Libre parce que libéré de ce handicap qu’est la désespérance de celui qui ne croit plus en l’amour. Autrefois, Jésus a prononcé les mêmes paroles à l’égard de cette femme souffrante d’hémorragie qui avait osé toucher son vêtement: «Ma fille, ta foi t’a sauvée; va en paix et sois guérie de ton mal» (Mc 5,34). Cette confiance en Jésus se traduit peut-être par le nom que Bartimé lui donne: Rabbouni! Ce titre est celui que le disciple donne avec révérence et affection à son enseigneur: «mon maître!»
Georges Convert
Étienne Godard
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