Regards croisés du mercredi 9 août 2023
Matthieu 14,22-33
Les disciples et la foule
Deux visages
Pourquoi les évangiles nous présentent-ils cet épisode de Jésus qui marche sur les eaux de la mer de Galilée? La veille, sur la montagne, devant près de 5 000 hommes, Jésus et ses disciples avaient procédé à la multiplication des pains et des poissons pour nourrir la foule et tous avaient mangé à satiété. Il restait même des denrées pour remplir douze paniers pleins de victuailles. Malgré cette extraordinaire témoignage de transcendance, les disciples sont restés de marbre. Alors que tout le monde en avait plein les yeux et plein les oreilles de la filiation divine de Jésus. Il nous faut venir à l’évidence. Les textes nous proposent deux visages de Jésus. Jésus devant la foule et Jésus devant ses disciples. Il ne dévoile pas le même visage dans les deux cas.
Sur la montagne, dans un texte que nous avons lu dernièrement, Jésus prend les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux au ciel, prononça la bénédiction ; puis, rompant les pains, en donna aux disciples, et les disciples aux foules (Mt 14,19b). Ici, il n’est pas dit que les disciples sont transportés par le geste du Maître de Nazareth. Ils ne se prosternent pas non plus devant lui, comme ils le font dans la barque après que Jésus ait marché sur les eaux. Il en est tout autrement sur la montagne de la Transfiguration (Mt 17) . Devant la présence de Moïse et d’Élie, et la transfiguration de leur Maître, il faut encore ajouter la nuée et la voix qui vient du ciel, devant cette manifestation de l’invisible, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d’une grande crainte (v.6).
C’est un peu le même phénomène que nous pouvons voir dans l’évangile de Matthieu au chapitre 17 qui nous est proposé cette semaine. Après avoir vu Jésus qui marchait sur les eaux et Pierre qui va le rejoindre puid que les deux retournent à la barque, et que le vent, qu’ils avaient combattu toute la nuit, tombe, les disciples dans la barque, stipule le texte de la Tob, « se prosternèrent devant lui et lui dirent : « Vraiment, tu es le fils de Dieu! » (v.33)
Pour mes yeux, mes oreilles, ces manifestations de puissance que nous présentent parfois les évangiles, demeure un mystère. Un mystère qui me parle de l’invisible. Un invisible qui rend visibles les liens, les interactions, les relations entre les différents pôles d’attraction de la vie, de nos vies. Sur le mont de la transfiguration, le texte nous présente Moïse et Élie, lié à la nuée, des représentations de la relation que nous propose Dieu dans le premier testament qui nous amène à la présence de Jésus. La nuée c’est la présence de Dieu. Celle-ci restera toujours un mystère. Nous forçant ainsi à la nécessité de passer par Jésus et d’autre hommes et femmes qui, dans leur chemin particulier, ont su traduire le projet de Dieu dans de nos vies. Pour saisir ce projet, Jésus nous invite à nous faire proches, à nous installer dans son voisinage. Dans les textes d’évangile, ont peu saisir les années-lumière que séparent l’expérience de Dieu dans les foules et chez les disciples. Il faut dire que l’expérience des disciples ne relève pas toujours une grande compréhension. Mais, à cause de cette recherche de proximité avec Jésus, à force de marcher ensemble, de manger ensemble, après la résurrection, un vent va souffler sur cette petite communauté, des lumières vont s’allumer. Quant à elle, après la multiplication des pains et des poissons sur la montagne, la foule mange à satiété, mais jamais elle ne fait un pas pour se faire proche et avoir du sens.
Se faire proche et avoir du sens, c’est ce à quoi nous sommes appelés à faire aujourd’hui. Pas seulement faire des oh! et des ha! devant les mystères de la vie, mais se mettre en chemin, s’abreuver à la source et prendre du temps dans son quotidien de se laisser illuminer par la lumière.
« Cette symbolique de la mer, lieu des forces obscures et maléfiques, est ancienne. Si la première création de la terre fut une victoire sur l’abîme des eaux, le texte précédent, 14,22, après la distribution du pain sur la montagne, Jésus obligea les apôtres à monter dans la barque pour repartir. Comme il le dira au Sanhédrin, ‘ Mon royaume n’est pas de ce monde’. Nous pouvons aussi faire un parallèle avec l’illumination sur la Montagne. Rapidement, après, Jésus redescend dans le monde. Dans le Nouveau Testament, la nuit est divisée en 4 veilles, selon l’habitude romaine:
1ère veille, environ 18 à 21h, moment souvent appelé « le soir »;
2ème veille, environ 21h à minuit;
3ème veille, environ minuit à 3h du matin, moment considéré comme celui du « chant du coq »; Quand Pierre entend le chant du coq et se rappelle la parole de Jésus qui lui avait dit qu’il le renierait trois fois avant que le coq chante,
4ème veille, environ de 3h à 6h.
Regardons ensemble un autre épisode semblable. Ils sont tous dans une barque, avec Jésus qui semble dormir nous dit le texte 8,25. Ils ont peur. Jésus les appelle hommes de peu de foi (Georges écrit mini-croyant). Même scénario en 17,20, les disciples se plaignent à Jésus ne pas pouvoir guérir un possédé. Jésus le guérit. Les disciples demandent pourquoi ils n’ont pas été capables eux. Jésus dit que c’est à cause de la pauvreté de leur foi.
Qui viendra mettre une lueur d’espoir dans leur nuit?
C’est à la 4e veille, entre 3 et 6 heures du matin, avant que l’aube n’apparaisse, que Pierre va servir de modèle au disciple de tous les temps. Lui aussi veut vivre la foi par laquelle Dieu aide son fidèle à vaincre le mal, à dominer les forces contraires. Il se met à marcher sur les eaux en allant vers Jésus. Mais lorsque son regard se détourne du Dieu qui rend fort pour se fixer sur le vent, sur l’esprit mauvais qui souffle violemment, Pierre se met à douter et à sombrer: Mini-croyant! Pourquoi as-tu douté?
Thomas aussi a vu et n’a pas cru…
Oh, certes, nous croyons que Dieu existe. Mais qu’est-ce que nous appelons croire?… Ne sommes-nous pas de ceux qui marchandent leur foi, qui croient… mais à condition que Dieu exauce leurs demandes? »
Georges Convert
Étienne Godard
Laisser un commentaire