Pas la fin du monde, mais la fin d’un monde
En cette fin de novembre, nous nous enfonçons dans le froid et la noirceur de l’automne de jour en jour. Paradoxalement, ce texte de Luc, qui marque la première semaine de l’Avent, nous amène de la lumière. Comment? Il nous annonce qu’à l’horizon se dresse un temps de bouleversement, un temps de grand changement. Pour les chrétiens, ce temps de bouleversement est marqué par l’espérance, marqué par la venue de Jésus. Dans notre calendrier cette venue de Jésus vient avec le retour de la lumière. Le texte de Luc emprunte un langage particulier qui n’est que rarement utilisé dans les évangiles : un langage apocalyptique. Apocalypse veut dire révéler. Je dirais que ce langage que l’évangéliste Luc donne à Jésus s’adresse tant aux femmes et aux hommes d’hier que d’aujourd’hui. Malgré les ombres qui semblent marquer nos vies, devant nous, un Nouveau Monde est en gestation. Ces paroles qui nous invitent à tenir bon et à veiller s’adressent certainement aux premières générations de chrétiens qui ont beaucoup souffert au premier siècle. Georges Convert écrit dans son commentaire que ces textes sont écrits dans des temps de crises pour donner l’espérance.
La venue d’une grande espérance
Nous ne sommes pas ces martyres du premier siècle, mais cette période de l’Avent vient nous rappeler, avec un langage symbolique qui appartient au style littéraire propre à l’apocalypse, que l’arrivée de la présence de Jésus dans nos vies est un signe de délivrance. L’arrivée de Jésus dans nos vies, c’est la venue d’une parole qui donne sens à notre parcours. Une parole qui donne une direction qui favorise une pleine réalisation de notre humanité. J’aime beaucoup les paroles de Maurice Zundel qui nous invite à aller au-delà de notre carcan biologique. Là git, pour Jésus, notre plein potentiel en humanité. Le prologue de l’évangéliste Jean compare la venue de Jésus à la venue du Verbe, de la parole du Tout autre, mais aussi de sa lumière.
En nos temps de pandémie, à regarder nos morts sous nos yeux, nous pourrions en appeler à la catastrophe en contemplant les fractures déchirer nos sociétés, les écarts se creuser encore entre les plus favorisés de nos sociétés et les plus démunis, amplifier par la crise climatique. L’espérance que nous communique Jésus nous invite à regarder plus haut, plus loin, à nous mettre debout, à bâtir une plus grande fraternité. L’angoisse, la démission, le repli sur soi nous ferme à la présence de Dieu, ai-je lu dans une homélie. Au contraire, l’espérance nous permet d’entrevoir un Nouveau Monde. Être chrétien c’est accepté de se laisser porter par la Parole de Jésus dans l’espérance de ce Nouveau Monde. Avec la venue de Jésus, comme Georges nous l’écrit dans ses commentaires, la nouvelle création est déjà amorcée.
Le bon état des astres et des étoiles, de la Lune et du Soleil, des continents et des océans, Jésus le laisse aux bons soins de la physique. C’est pour les humains que sa parole et son agir s’adressent. C’est avec les humains que Jésus veut tisser des liens, créer une alliance. Cette alliance ne veut pas nous mener vers la fin du monde, mais vers la fin d’un monde. Chacun d’entre-nous, nous avons le choix de nous mettre à l’écoute, dans nos vies, de cette Parole de Jésus qui nous invite à nous mettre en chemin. Pour Georges Convert, il faut se mettre sur le chemin de la bonté généreuse et du don pour verser dans cet autre monde.
Ce Nouveau Monde en est un où tous les fils et toutes les filles de Dieu pourront pratiquer une bonté généreuse (…) Dans l’Esprit du don, un sociologue québécois, Jacques Gotbout dit sa conviction que la gratuité est la chance de la société moderne. Pourquoi? Parce que le don est le seul à tisser des liens vrais entre des personnes. Le rapport de justice nous dispense d’établir un rapport personnel, affirme-t-il. Le don, c’est la gratuité. Qu’est-ce que la gratuité? Sinon l’amour dans ce qu’il est le plus vrai. Il ne s’agit pas de délaisser la justice, loin de là! Mais la justice est basée sur le donnant-donnant. Elle fait rendre à chacun selon son dû, selon ses actes. Godbout dit «qu’un couple qui vise l’égalité dans l’ensemble de ses échanges est un couple dont la dynamique l’entraîne vers la rivalité permanente, vers la rupture (L’esprit du don, Boréal 1992, p.253).
Georges Convert
Étienne Godard
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