Regards croisés

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La chronique de Regards Croisés met en scène les commentaires de Georges Convert, prêtre qui a fondé le Relais Mont-Royal accompagné de plusieurs jeunes adultes à l’automne 1996. Georges a écrit des commentaires sur l’ensemble des textes liturgiques des années A, B et C. Ces commentaires sont disponibles sur le site: relaismontroyal.org. Étienne Godard entre en dialogue avec ces commentaires et ses sensibilités propres, dans la rencontre des textes liturgiques.

Regards croisés du mercredi 18 octobre 2023

Matthieu 22, 15-21

Les frictions entre Jésus et les hautes autorités religieuses juives se sont exacerbées depuis que le Maître de Nazareth est entré à Jérusalem et a provoqué l’establishment en chassant les vendeurs du Temple. C’est ce que nous ont démontré les derniers textes de Matthieu. Mais si les affrontements entre les autorités juives et Jésus nous ont été présentés sous la forme de parabole par Jésus, à partir du texte de cette semaine (Mt 22,15-21), ce n’est plus le cas. À partir de cette interrogation lancée à Jésus par les pharisiens et les hérodiens sur la pertinence d’utiliser la monnaie romaine par le peuple juif, la confrontation se fait directement selon le texte de Matthieu.

Cette citation, « rendre à César ce qui est à César (…) » figure parmi les citations de Jésus les plus connues des évangiles. La monnaie romaine, à l’effigie de l’empereur, n’est pas sans porter à controverse chez les Juifs de Palestine. Il faut savoir que le grand législateur qu’était Moïse avait interdit aux Juifs l’utilisation de l’image. Sur la face de la pièce d’un denier, qui représentait à l’époque le salaire quotidien d’un journalier, en bas de l’effigie de l’empereur Tibère, était indiqué: « fils du divin Auguste ». Premièrement l’image, ensuite le titre de divinité donné à l’empereur, étaient tous deux offensant pour les juifs religieux qui ne pouvaient pas reconnaître une autre divinité que celle du Dieu d’Israël. Deuxièmement, ils ne pouvaient adorer une image.

Les résidents juifs de la Palestine, territoire romain, étaient soumis aux diktats de l’occupant romain. Ils devaient payer une taxe spéciale d’un denier à l’empereur annuellement en utilisant la monnaie romaine. Ce culte à César était considéré comme une idolâtrie. De plus, l’utilisation de cette monnaie soulevait aussi l’ire des nationalistes juifs, mécontents d’être sous la botte des légions romaines. Pour les plus zélés, utiliser la monnaie romaine c’était cautionner la présence dans les villes et villages de soldats romains.

La position de Jésus a dérangé beaucoup de monde. Des gens opposés se sont mis ensemble contre lui: les hérodiens et les pharisiens par exemple. Dans une Lectio divina dirigée par Michel Proulx, celui-ci nous expliquait que les pharisiens subissaient cette contrainte et la voyaient comme en contradiction avec le devoir de servir Dieu « seul vrai Roi d’Israël ». Les pharisiens tentaient de s’accommoder de la situation — soulignait monsieur Proulx. Alors que les hérodiens, eux, étaient fortement liés à Rome puisqu’ils étaient les partisans de la dynastie royale de Hérode, mise en place par l’occupant romain.

Noël Quesson écrit dans Parole de Dieu pour chaque dimanche que

Jésus ne suivait pas de ligne de parti, si ce n’est celle de l’Esprit. Comme il le souligne, « Nous savons que Jésus a souvent pris le contrepied des opinions à la mode. Il a admiré la foi d’un centurion de l’armée romaine (Mt 8,20). Il a fréquenté les collecteurs d’impôt et pris l’un de ces publicains comme un de ses apôtres (Mat 9, 9-10 — p.300). Jésus n’est pas un idéologue. Il rétorque que nous pouvons bien payer les impôts à César, cela n’est pas en soi une capitulation de son âme. Mais l’être humain se doit de garder bien gravé dans son cœur qu’il a été créé à l’image du Père, tel que le décrit le livre de la Genèse. Tout au long de son évangile, Jésus nous rappelle que l’homme ne se nourrit pas que de pain, mais aussi de toute parole qui vient de Dieu. Le Maître nous invite à prendre part à la vie de la cité, mais tout en nous laissant illuminer par la lumière de l’Esprit.

Certainement, Jésus ici nous interpelle sur notre relation au monde.  Toujours, sa parole nous invite à la liberté. Cette liberté implique aussi une liberté dans notre regard. La vie étant un mouvement perpétuel, il ne faut pas enfermer quiconque dans un cliché. En fréquentant des individus jugés infréquentables par les élites religieuses juives, Jésus a voulu mettre en lumière l’espérance toujours présente sur nos chemins. Toujours en nous invitant à voir autrement. Je laisse le soin de conclure à Georges:

« Dans le fait de payer ou non le tribut à César, ce qui importe vraiment est l’orientation profonde de la vie de chacun. Jésus nous interpelle sur notre vision du monde. En tant que chrétiens nous devrions voir la vie, le monde avec les “yeux de Jésus”. Aller à la rencontre de l’autre c’est découvrir en lui, en elle, l’être unique qui est aimé de Dieu pour l’éternité. C’est ce que fit Jésus quand, rencontrant Zachée dans la ville de Jéricho, il ne s’est pas laissé arrêter par les critiques des gens et a été mangé chez lui:

(Luc 19,7-10). C’est chez un pécheur qu’il est allé loger. »

Georges Convert

                                                                       Étienne Godard

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