Le discours des béatitudes chez Luc et Matthieu
En lisant ce texte tiré de l’évangile de Luc sur les béatitudes, il est difficile de ne pas avoir à l’esprit, en sourdine, le récit que fait l’évangéliste Matthieu de ces mêmes béatitudes. Le temps où a vécu Jésus, au début du premier siècle de notre ère, est un temps de grande misère. Luc nous parle souvent d’argent dans son évangile. Il devait être habité par un grand souci d’équité sociale, si nous pouvons utiliser une expression d’aujourd’hui pour une société aussi éloignée de la nôtre. Matthieu situe le discours des béatitudes sur une montagne. Nous pouvons y lire la distance qui sépare les enseignés et l’enseignant, entre celui qui sait et ceux et celles que ne savent pas. Luc situe le discours dans la plaine, plus en lien avec le caractère du Fils de l’Homme, comme il aimait bien appelé Jésus.
Ils sont sur le droit chemin du bonheur
Ici, chez Luc, le discours de Jésus s’ouvre en disant Ils sont sur le droit chemin du bonheur les pauvres. L’on s’entend généralement pour dire que Jésus s’adresse en priorité à des personnes qui vivent à la marge de la société juive : les exclus du pouvoir religieux comme les malades, les impurs, les étrangers, les femmes. Je pense que cela est indéniable. Mais Jésus ne donne jamais sa bénédiction à la misère. Il tend la main pour les aider à se relever, comme à l’aveugle née à la piscine de Silohé, comme aux lépreux, comme à la veuve de Naim ou la femme qui se présente lui au banquet donné par Simon. Oui, la pauvreté peut ouvrir un chemin et le manque peut être une pulsion pour s’ouvrir au don, pour entendre une parole. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi des pauvretés qui écrasent, qui empêchent de bouger en enfermant derrière un mur de souffrance.
Hélas, vous les riches
De même quand Jésus dit « Mais hélas! pour vous, les riches: vous touchez votre consolation! », il ne veut pas mettre au banc de la société tous les signes de richesse. Un de ses premiers disciples, Matthieu, est un collecteur d’impôt. Jésus a beaucoup aimé Zaché, lui aussi était collecteur d’impôt. Il semble avoir bien profité de sa proximité avec l’argent. Malgré tout, Jésus lui annonce qu’il vient chez lui ! Et ce jeune homme juif qui vient s’adresser à Jésus dans l’évangile de Marc pour s’informer de ce qu’il doit faire pour accéder au Royaume. Le texte nous dit : Jésus l’aima.
Georges Convert écrit dans son commentaire en page trois: « En ayant touché leur récompense, en ayant toujours vécu le donnant-donnant dans toute relation humaine, ces riches calculateurs se sont fermés à l’amour de Dieu qui est pure gratuité. Le Règne de Dieu qui parle de gratuité et d’amour est le renversement ». C’est vrai que la richesse peut être un frein à la vie qui coule comme une rivière. La personne riche peut être remplie à ras bord par les biens qu’elle possède et qu’elle convoite. Et ce à un tel point de saturation qu’elle se ferme à toutes paroles, toutes amitiés, toutes relations nouvelles.
Ne pas se laisser aveugler par l’abondance
Le riche propriétaire terrien décrit dans les évangiles aux prises avec une surabondance de récolte se dit : je vais raser mes anciens entrepôts pour en construire de plus grands. Ainsi, les années à venir je pourrai manger, boire et faire bombance. Pour Jésus, être riche peut être synonyme d’une personne qui a perdu cette espace de désir qui amène à s’ouvrir. Sur ce chemin, je mentionne une réflexion trouvée sur le cite des carmélites de France. Elle représente la richesse comme des mains qui sont refermées sur une sécurité matérielle dans laquelle elle fonde « toute sa consolation ». En faisant ainsi, cette personne souffre d’un « déficit d’espérance ».
Jésus, en nous invitant au Royaume, nous invite à une forme de relation différente. Pour Georges, elle serait ce qui nous est donné par un autre: elle est accueillie comme l’amitié. Nous sommes invités à cette dynamique nouvelle à toutes les occasions où nous faisons place à quelqu’un d’autre que nous même.
« Jésus, mon frère et mon maître, pourquoi me faut-il mourir à moi-même? Parfois je ne comprends pas ce don que tu demandes; ou je le crains et le rejette. Frappe à ma porte: je suis sourd à ton appel et imbu de moi-même. Ne cesse jamais de croire en moi: je n’y crois pas assez et mon coeur se détruit. J’ose te demander de me nourrir de ton amour inconditionnel qui me mènera sur le chemin de la béatitude éternelle. Fais germer en mon coeur l’espérance des béatitudes vécues. Bouleversant mon être intérieur, que ce germe devienne don total de moi à Toi et nourriture pour ma communauté, mes amis, le monde. Amen! »
Georges Convert
Étienne Godard
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