Le texte de l’évangile de cette semaine (Luc 6, 27-38) porte dans la Bible de Jérusalem le sous-titre « de l’amour des ennemis ». Cette suite du discours sur les béatitudes se concentre plus particulièrement sur les relations communautaires. Le texte de la semaine dernière (Luc 6,17-26) avait une connotation beaucoup plus individuelle: le pauvre, celui qui a faim, qui pleure, ou encore le riche, le repu. Cette seconde série d’invitation au bonheur fait référence aux interactions entre les individus. Aimez vos ennemis; à celui qui te demande donne; ne jugez pas et vous ne serez pas jugé. Pour moi, Jésus ici prend du recul et s’adresse aux différentes interactions qui gèrent la vie en communauté.
Restaurer ce vivre ensemble
Dans un groupe de partage auquel j’ai participé récemment, nous avons échangé sur un texte de Thich Nhat Hanh — un moine bouddhiste vietnamien décédé récemment, qui a vécu les 40 dernières années en France. Son texte parlait beaucoup d’un nécessaire besoin d’écoute pour reconstruire nos communautés. Il a grandi pendant la guerre du Vietnam, dans les années soixante et soixante-dix. Nous nous devons de prendre conscience de la souffrance et de la détresse de l’autre pour le comprendre, y mentionnait le moine. Nous sommes tous en liens les uns avec les autres. Nous nous devons d’entreprendre une telle démarche si nous désirons une rencontre et un dialogue. J’ai noté une phrase que je mets en lien avec ce désir de transformer nos liens sociaux qu’exprimait Thich Nhat Hanh: « Tu briseras l’irréversible! » Tu briseras la logique de la peur et de l’exclusion, non par la stratégie de la menace… [mais] par la conversion de ton propre regard (commentaire du site web du Carmel St-Joseph, sur le texte de Luc).
Mettre fin à l’errance
Cet « irréversible » est pour moi le cercle sans fin de la violence qui s’appuie sur un mimétisme, lui-même basé sur une violence originelle qui n’a plus de fin. Jésus nous invite à cesser de réduire les autres à ce que l’on voit. Dans un livre sur la bienveillance, Rita Basset nous introduit à un concept qu’elle appelle l’errance. Il faut mettre fin à cette errance pour prendre racine et entrer en relation. C’est pour moi l’appel à l’alliance que fait la Bible. Un nouveau regard, comme le note le texte du Carmel Saint-Joseph, pour désactiver l’emballement de la crise qui perpétue la violence.
Construire des ponts
J’ai la chance de connaître Estelle Drouvin qui travaille au Centre de Service de Justice Réparatrice (CSJR) à Montréal. Le CSJR peut intervenir dans un conflit si des individus lui en fond la demande. Il va chercher à guérir et à intégrer à nouveau les personnes dans la communauté. Là où il y a des fractures, il cherche à construire des ponts. Rita Basset associe nos péchés aux coupures que nous faisons dans nos relations. Pour elle, le péché c’est la non-relation. La Bible nous propose l’Alliance pour se remettre debout. C’est encore une autre manière pour chercher à « briser l’irréversible ».
«Sois miséricorde pour moi, Seigneur Jésus.
Georges Convert
Je ne reconnais pas toujours ton humilité
et veux m’enfermer dans un dieu qui détruit le méchant et le faible.
Au jour de la croix, c’est toi le faible
qui m’invite à entrer dans la danse du don:
vie donnée, sang versé, chemin de résurrection.
Toujours la vie triomphe de la mort. Amen! »
Étienne Godard
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